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Liban - Grille des salaires

Enseignants et écoles privées reprennent langue, soucieux d’une rentrée scolaire moins chaotique

Deux décisions de justice en leur faveur mettent les enseignants en position de force.

Les enseignants lors d’un sit-in place Riad el-Solh, en mars 2018. Photo Hassan Assal

La loi 46 sur la grille des salaires aura bientôt deux ans. Depuis son adoption le 21 août 2017, cette législation qui s’applique aux enseignants des écoles privées à l’instar des fonctionnaires n’en finit pas d’être l’objet de tiraillements entre les directions d’écoles privées et les enseignants. D’une part, des administrations d’établissements privés qui refusent d’appliquer la loi dans son intégralité, vu les irrémédiables hausses d’écolages que cette mesure entraînera. D’autre part, des enseignants qui réclament leurs droits rubis sur l’ongle et agitent la menace d’escalade.

Mais de nouveaux rebondissements survenus pourraient fort bien changer la donne, et faire même pencher la balance dans le sens des enseignants, du moins pour l’heure. D’abord, en juin dernier, des décisions de justice ont tranché en faveur de deux enseignantes du privé. Une enseignante retraitée, qui n’avait reçu qu’une avance sur ses indemnités de fin de service de la part de la caisse des retraites, a finalement obtenu gain de cause. Elle se verra remettre la totalité de ses indemnités, calculées sur base des six échelons exceptionnels. De même, le licenciement d’une institutrice a été reconnu comme abusif et l’école condamnée à l’indemniser.


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700 instituteurs pourraient porter plainte

Et puis la récente rencontre le 10 juillet entre la Fédération des associations éducatives privées, présidée par le secrétaire général des écoles catholiques, le père Boutros Azar, et le syndicat des enseignants du privé, présidé par Rodolphe Abboud, est signe de la reprise d’un dialogue quasiment interrompu entre les deux parties. Elle a abouti à la création d’un comité d’urgence, preuve qu’il existe bien « une volonté commune de commencer l’année scolaire sur une note moins chaotique que les deux années précédentes ».

C’est ce qu’indique à L’Orient-Le Jour M. Abboud, qui voit « un lien de cause à effet entre les deux événements ». « Nous avons été invités au dialogue à l’issue des décisions de justice », constate-t-il. Il venait tout juste d’annoncer hier, lors d’une conférence de presse, la création de ce comité de suivi entre enseignants et écoles privées. Un comité qui, a-t-il précisé, « a pour fonction de mettre fin aux pratiques injustes de certains établissements privés envers les enseignants ». Assurément, le syndicaliste a mis de l’eau dans son vin. Car il estime que les enseignants du privé sont aujourd’hui « en position de force ». Non seulement « les décisions de justice qui ont tranché en faveur de l’application de la loi 46 ne peuvent qu’encourager les instituteurs lésés à recourir à la justice pour faire valoir leurs droits », sachant que « 700 instituteurs au moins envisagent de porter plainte (directement ou par le biais du syndicat) contre leurs établissements scolaires ou contre la caisse d’indemnité, pour non-application de la loi 46 ».

Mais depuis que les deux parties ont repris langue, M. Abboud a revu à la baisse ses promesses d’escalade. « Le syndicat avait prévu une conférence de presse incendiaire pour dénoncer le refus de la grande majorité des écoles privées d’accorder aux enseignants leurs droits liés à l’échelle des salaires, faire part du ras-le-bol des instituteurs, évoquer les 250 licenciements d’enseignant, et surtout pour présenter notre plan d’action pour la nouvelle année scolaire. Il a toutefois opté pour la retenue après l’appel au dialogue de la Fédération des associations éducatives privées », avoue-t-il. « Nous avons décidé de donner sa chance au dialogue, d’autant que les circonstances sont favorables, depuis les décisions de justice », conclut-il.


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Un complot contre l’enseignement privé

Plus circonspect, le secrétaire général des écoles catholiques, le père Boutros Azar, résume pour L’Orient-Le Jour la position délicate dans laquelle se trouve aujourd’hui l’enseignement privé. « L’école privée est prise dans le piège dans lequel l’État l’a enfermée, et dans lequel il se débat aussi », affirme-t-il, dénonçant « un complot contre l’enseignement privé ». Ce qui le met dans une « situation catastrophique », alors qu’il « était déjà en crise, vu le taux particulièrement élevé de scolarités impayées ». « La situation s’est donc aggravée depuis l’adoption de la loi 46 sur la grille des salaires, avec ses six échelons et les hausses conséquentes d’écolages que son application entraînera immanquablement », explique le responsable, qui regrette par ailleurs que « le débat ne porte plus sur l’éducation, mais sur l’argent ». C’est dans cet état des lieux que le père Azar « salue la volonté de dialogue entre les institutions éducatives et les enseignants ». « Le comité mis en place par le syndicat des enseignants du privé et la Fédération des associations éducatives privées a pour objectif d’identifier les problèmes et d’y remédier », précise-t-il.

Mais la question demeure entière. Les directions d’écoles rejettent avec force les six échelons et les considèrent comme étant « au cœur du problème », alors que pour les enseignants, les six échelons sont un must, une ligne rouge.



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