Le Parlement, qui doit se réunir en session plénière la semaine prochaine, va-t-il encore une fois aller à l’encontre de la Constitution en approuvant – avec sept mois de retard – le budget de 2019 sans voter les lois de règlement (les bilans comptables de l’État) des années précédentes ? Le président de la commission parlementaire des Finances et du Budget, le député CPL Ibrahim Kanaan, a appelé une nouvelle fois hier, lors d’une conférence de presse, le gouvernement à transmettre au Parlement ces projets de lois de règlement. M. Kanaan n’a pas écarté la possibilité de bloquer le vote du budget de 2019 dans le cas où le gouvernement ne les enverrait pas : « Aucune alliance politique n’est au-dessus de la Constitution », en référence au partenariat noué fin 2016 entre son parti, le CPL, fondé par le président Michel Aoun, et le courant du Futur du Premier ministre Saad Hariri.
La question est de savoir si le Conseil des ministres, qui ne s’est pas réuni depuis l’incident de Qabr Chmoun survenu le 30 juin dernier, parviendra ou non à le faire avant la tenue de la séance plénière du Parlement qui débutera mardi prochain, et transmettre ainsi ces projets de lois de règlement aux députés. Car le ministre des Finances a bien remis au gouvernement les bilans arrêtés de 2004 à 2017.
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Contourner l’article 87 ?
Conformément à la Constitution, le gouvernement était censé soumettre les bilans sous forme de projets de lois au Parlement, avec le projet de budget pour l’exercice 2019, comme s’y était engagé M. Khalil en mars dernier. Selon l’article 87 de la Constitution, le budget d’une année (suivante) ne peut être publié avant que le Parlement ne vote la loi de règlement (clôture des comptes) pour la précédente. La dernière loi de règlement votée par le Parlement est celle de 2003 (votée en 2005). Aussi, entre 2005 et 2017, l’État a fonctionné sans budget en utilisant plusieurs artifices comptables et juridiques. Les députés avaient pourtant réussi à voter avec près de dix mois de retard la loi de finances pour l’exercice 2017, mettant ainsi fin à une décennie de blocage. Cette « régularisation des finances publiques » avait cependant été réalisée en l’absence de clôture des comptes budgétaires des précédents exercices. Car le Parlement a contourné l’article 87 en incluant, dans la loi de finances de 2017, un article (n° 65) octroyant aux députés un délai d’un an après la promulgation de celle-ci pour voter les lois de règlement, mais aussi les comptes publics reconstitués (1993-2017). Délai largement dépassé depuis.
Si le Conseil des ministres ne parvient pas à se réunir d’ici à lundi, les députés pourraient encore une fois contourner l’article 87 en incluant dans le budget 2019 un article similaire à celui adopté en 2017, et ce afin de ne pas bloquer le vote de la loi de finances.
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« Pour sauver la face »
S’agissant des comptes publics de 1993-2017, dont la reconstitution a été finalisée par le ministère des Finances en octobre dernier, ils sont censés faire l’objet d’un rapport de la Cour des comptes mais celui-ci n’a toujours pas été transmis au Parlement. Selon les informations obtenues par notre correspondante à Baabda, Hoda Chédid, la Cour des comptes a encore besoin de quatre mois pour finaliser l’audit de ces comptes. M. Kanaan a d’ailleurs porté responsable hier le gouvernement de ce retard en lui reprochant de « ne pas avoir procédé à la nomination des cinq juges et des vingt auditeurs nécessaires à la Cour des comptes, afin qu’elle puisse faire son travail ».
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Mais sur ce point, la classe politique était parvenue, selon plusieurs sources concordantes, à un consensus portant sur le vote des comptes publics de 2017 uniquement, avant le vote du budget de 2019 au Parlement. « La Cour des comptes n’a pas pu auditer l’ensemble des dossiers accumulés, mais nous obtiendrons son rapport sur l’année 2017, 24 heures avant la session plénière. Il y a donc un compromis politique pour voter les comptes publics de 2017, pour sauver la face, même s’ils ne seront pas révélateurs (d’une bonne exécution budgétaire), car ils sont eux-mêmes basés sur les comptes des années précédentes », a confirmé à L’Orient-Le Jour le député Jamil Sayyed.
L’audit des comptes publics par la Cour des comptes puis leur approbation par le Parlement sont un exercice primordial qui permet de contrôler les finances publiques et de s’assurer que le budget voté précédemment a été respecté et correctement exécuté. Il permet de délivrer donc une sorte de quitus au gouvernement. Or cela n’a pas été fait depuis 1993.
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Une nouvelle qui n'a rien à voir. En république tchèque, 250.000 personnes ont manifesté à Prague, le 23 juin, pour demander la démission du Premier ministre, Andrej Babis, convaincu de fraude aux subventions européennes. ("Le Point" du 11 juillet 2019 p.14)
Un Libanais
15 h 14, le 12 juillet 2019