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Moyen Orient et Monde - Nucléaire iranien

Paris peut-il jouer les intermédiaires entre Washington et Téhéran ?

La France semble vouloir prendre la tête des « opérations » et représenter l’Union européenne sur le dossier du nucléaire iranien.

Le président français, Emmanuel Macron, et son homologue iranien, Hassan Rohani, le 19 septembre 2017 à New York. Ludovic Marin/AFP

Tenter de convaincre l’Iran de sauver l’accord sur le nucléaire de 2015 (ou JCPOA) : voici la mission qui semble incomber au conseiller diplomatique du président français Emmanuel Macron, Emmanuel Bonne, en visite officielle à Téhéran depuis hier, pour la deuxième fois en deux mois. Elle survient quelques jours après la décision de la République islamique d’enrichir son uranium à au moins 4,5 %, au-delà du seuil prescrit par le JCPOA (3,67 %). L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a confirmé lundi cette information. Téhéran a également adressé un nouvel ultimatum aux parties prenantes du deal en menaçant de prendre de nouvelles mesures dans « 60 jours » si ses demandes ne sont toujours pas satisfaites. La veille, l’Iran avait mis ses premières menaces à exécution en franchissant le niveau de ses stocks d’uranium enrichi, limités à 300 kg par l’accord de 2015.

La visite du diplomate français vise avant tout à calmer le jeu et à nouer un contact avec les Iraniens dans le but de trouver une porte de sortie à l’escalade actuelle entre Washington et Téhéran. « Nous sommes dans une phase très critique (…) parce qu’il y a un intérêt de part et d’autre à faire monter la pression », commente l’Élysée.

Depuis le 8 mai dernier, soit un an après le retrait américain du JCPOA et la réimposition des sanctions, l’Iran joue la carte de la menace (calibrée) de la reprise progressive de ses activités nucléaires et met de plus en plus la pression sur les Européens, pour qu’ils l’aident à se desserrer de l’étreinte de plus en plus insupportable des mesures punitives américaines. Pour se faire, les Européens ont tenté de mettre en place un certain nombre de mécanismes pour tenter de continuer de commercer avec Téhéran. Ceux-là ne sont néanmoins pas encore pleinement opérationnels et les entreprises européennes ne peuvent pas investir en Iran, sous peine d’être sanctionnées par Washington.


(Lire aussi : Nucléaire : Téhéran accroît l'enrichissement d'uranium et met l'Europe en garde)



Pendant que la rencontre entre M. Bonne – ancien ambassadeur de France au Liban et bon connaisseur de l’Iran – et les autorités iraniennes se poursuit, les chefs de la diplomatie des trois pays européens signataires du JCPOA (Allemagne, France et Royaume-Uni) ont appelé hier à une réunion d’urgence d’une commission conjointe afin de discuter des questions liées à la mise en œuvre de l’accord sur le nucléaire. « L’Iran a déclaré qu’il voulait rester dans le cadre du JCPOA. Il doit agir en conséquence en revenant sur ses activités (d’enrichissement d’uranium) et en se conformant de nouveau pleinement et sans délai au JCPOA », insistent les trois ministres des Affaires étrangères et la haute représentante de l’UE. « Nous appelons toutes les parties à agir de manière responsable en vue de contribuer à la désescalade des tensions », concluent-ils. Dans le même temps, le président américain Donald Trump a une nouvelle fois mis en garde Téhéran, lui conseillant de faire « très attention » sans se montrer plus explicite. « L’Iran fait beaucoup de mauvaises choses en ce moment, il ferait mieux de faire très attention », a déclaré M. Trump, interrogé sur le non-respect par l’Iran de ses engagements prévus dans l’accord sur le nucléaire.

La France semble vouloir prendre la tête des « opérations » et représenter l’Europe sur le dossier du nucléaire iranien. Mais peut-elle être perçue comme un intermédiaire efficace, compte tenu de sa faible marge de manœuvre et de la méfiance iranienne envers les pays occidentaux ?


(Lire aussi : L’Iran accentue la pression sur l’Union européenne)



« Mieux placée »

Pour les Européens, le JCPOA est le seul moyen pour que la République islamique n’acquière pas l’arme atomique. « Cette visite a beaucoup de potentiel », estime Ali Fathollah Nejad, spécialiste de l’Iran au Brookings Doha Center, contacté par L’Orient-Le Jour, expliquant que « la France a un poids et une image qui pourraient lui permettre de jouer un éventuel rôle de médiateur entre Téhéran et Washington ». En tant que fervent défenseur de l’accord sur le nucléaire, partisan d’une poursuite du commerce avec l’Iran et entretenant d’autre part des relations diplomatiques tant avec Hassan Rohani qu’avec Donald Trump, Paris peut apparaître dans une bonne position pour une éventuelle négociation. « La France est mieux placée que l’Allemagne ou la Grande-Bretagne pour entamer un éventuel processus de désescalade entre Washington et Téhéran », complète le spécialiste.

Les Européens ont intérêt à « travailler à une formule de concessions limitées entre les États-Unis et l’Iran qui donnerait une bouffée d’oxygène à l’Iran tout en permettant à Donald Trump d’afficher un succès en matière de limitation du programme nucléaire iranien », explique de son côté François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran, cité par l’AFP. Il s’agit d’« assembler les éléments d’une désescalade avec des gestes qui doivent être faits immédiatement avant le 15 juillet », a expliqué la présidence française sans autre précision. Cette date avait été évoquée samedi par Emmanuel Macron, suite à sa discussion avec son homologue iranien Hassan Rohani. Il avait alors annoncé sa volonté d’« explorer les conditions d’une reprise du dialogue avec toutes les parties (concernant le nucléaire) ». « Dans les prochains jours, le président Macron poursuivra ses consultations avec les autorités iraniennes et les partenaires internationaux compétents afin de désamorcer les tensions liées au problème nucléaire iranien », complète l’Élysée.

Mais la tâche est loin d’être aisée pour Paris et la prudence est de mise quant aux chances de succès de la visite de M. Bonne en Iran.

Déjà en mars 2018, lors d’une visite officielle à Téhéran, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’était heurté à la fermeté des Iraniens qui ont opposé une fin de non-recevoir aux exigences américano-européennes au sujet des missiles balistiques et sur l’influence de Téhéran dans la région du Proche et Moyen-Orient. Cette initiative était censée préparer le terrain à une visite d’Emmanuel Macron en Iran, idée qui semblait avoir été écartée et qui pourrait être à nouveau à l’ordre du jour, compte tenu du contexte général.

Par ailleurs, les relations entre Paris et Téhéran ont connu des moments difficiles et d’incertitude avec par exemple les polémiques liées à des projets d’attentats contre les opposants iraniens en France, imputés à Téhéran mais qui n’ont jamais été pleinement confirmés. Et même si les Iraniens entretiennent des contacts réguliers avec les Européens, les relations entre les deux parties se sont tendues ces derniers mois, notamment devant l’absence de résultats concrets de la part de Bruxelles, mais aussi des Russes et des Chinois, pour tenter de contourner les sanctions américaines qui étouffent considérablement l’économie iranienne.M. Bonne devrait rencontrer aujourd’hui l’amiral Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale. Le reste de son programme n’a pas été rendu public.


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commentaires (5)

La France à Téhéran, une visite d'amitié. La France est une puissance mondiale, membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU avec droit de veto. La France possède des sous-marins SNLE* qui naviguent en permanence sous les flots des sept mers du monde. La "Marseillaise" est l'hymne des nations captives. La visite d'Emmanuel Bonne est la visite du représentant d'un Etat héritier de la Révolution de 1789 et des Lumières des derniers siècles à un Etat qui a une place prépondérante dans la zone arabo-persique et l'océan Indien. SNLE : Sous-marin nucléaire lanceur d'engin.

Un Libanais

15 h 05, le 10 juillet 2019

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Commentaires (5)

  • La France à Téhéran, une visite d'amitié. La France est une puissance mondiale, membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU avec droit de veto. La France possède des sous-marins SNLE* qui naviguent en permanence sous les flots des sept mers du monde. La "Marseillaise" est l'hymne des nations captives. La visite d'Emmanuel Bonne est la visite du représentant d'un Etat héritier de la Révolution de 1789 et des Lumières des derniers siècles à un Etat qui a une place prépondérante dans la zone arabo-persique et l'océan Indien. SNLE : Sous-marin nucléaire lanceur d'engin.

    Un Libanais

    15 h 05, le 10 juillet 2019

  • Les Iraniens sont orphelins de leur grandeur passée... Mais c'était avant la défaite d'Issos en Cilicie où Darius III fut vaincu par Alexandre le Grand en 333 av. J.-C.

    Un Libanais

    12 h 33, le 10 juillet 2019

  • IL LE PEUT A LA DEMANDE AYATOLLAHIENNE ! CAR ILS VONT S,ASSEOIR SUR LA TABLE DES NEGOCIATIONS MALGRE TOUS LEURS DENIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 05, le 10 juillet 2019

  • L;es francais: petits diplomates, petite influence! On l' a vu en Syrie, en Irak, etc..Pas un mot dans le dossier Kashoggi... Cet accord est la fumisterie du siècle , qui va aboutir au final , à une situation à la Coréenne.. Il faut se rappeler, que le congrès américain était contre cet accord, et que le brillant Obama avasit usé de son droit de veto pour l' imposer. Voilà ce qui se passe lorsque l' on tort la main aux majorités...

    LeRougeEtLeNoir

    10 h 10, le 10 juillet 2019

  • Les francais n ont aucune chance de parvenir ce a quoi les japonais ont echoue a faire il y a un mois.

    HABIBI FRANCAIS

    08 h 54, le 10 juillet 2019

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