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Moyen Orient et Monde - Reportage

Les Algériens manifestent pour une « seconde indépendance »

La répression s’intensifie, plus de 41 personnes se trouvant en état d’arrestation pour avoir osé brandir un drapeau berbère.

Des manifestants ont battu le pavé hier, dans les rues d’Alger, 57 ans après l’indépendance. Ramzi Boudina/Reuters

Ni la chaleur écrasante ni l’humidité suffocante ne semblent entamer la détermination des manifestants algériens qui protestent sans relâche depuis plus de quatre mois contre le régime politique. Dès hier matin, des groupes de manifestants ont convergé par centaines vers le centre d’Alger pour lancer le 20e vendredi de contestation. Ce vendredi 5 juillet avait, en outre, un parfum particulier puisqu’il coïncidait avec la fête nationale de l’Indépendance de l’Algérie. Tout au long de la semaine, de nombreux appels à manifester en masse ont été relayés sur les réseaux sociaux. Certaines figures de proue du mouvement de contestation pacifique, comme l’avocat Mustapha Bouchachi, infatigable militant des droits de l’homme, ont également pris la parole pour inviter un « tsunami humain » à déferler dans les rues de la capitale. Beaucoup ont vu dans le 57e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie du joug colonial français l’occasion de redynamiser un mouvement populaire qui a connu un léger ralentissement durant le mois de ramadan.

Si la mobilisation n’a pas atteint l’ampleur des rassemblements du mois de mars, ils étaient toutefois plusieurs milliers à célébrer hier cette fête nationale en demandant le départ de la « vieille garde », qui gouverne depuis plusieurs décennies. « Nous voulons un nouveau départ pour l’Algérie », lance avec enthousiasme Houcine, un médecin de 60 ans venu manifester avec son fils. Ensemble, ils brandissent une pancarte sur laquelle on peut lire : « 5 juillet 1962, espoirs volés, 5 juillet 2019, espoirs retrouvés ». « Ma génération n’a connu qu’une forme de gouvernance catastrophique marquée par le népotisme, le clientélisme et la corruption. On veut mieux pour les prochaines générations », poursuit le médecin, la tête couverte par une casquette floquée de l’emblème national.

Un peu plus loin sur la place de la Grande Poste, épicentre du mouvement de contestation à Alger, Ahmad, raide comme un piquet et le drapeau algérien noué autour du cou, rêve de « poursuivre le travail » amorcé par les héros de la révolution. « Nous avons besoin d’une seconde indépendance. Après la terre, il faut libérer le peuple. On veut un État démocratique qui respecte les droits de l’homme. On ne veut plus d’un régime militaire », espère ce chômeur de 45 ans, qui porte une affiche appelant à un « dialogue sur la base de la déclaration du 1er novembre 1954 ».


(Lire aussi : Le nouvel appel au dialogue du pouvoir peut-il sortir l'Algérie de l'ornière ?)



Tentative de sortie de crise

Comme beaucoup de manifestants, Ahmad rejette l’offre formulée par le président par intérim Abdelkader Bensalah. Deux jours plus tôt, celui qui s’est installé dans le palais présidentiel d’el-Mouradia à la chute de Abdelaziz Bouteflika a lancé un appel à un « dialogue national inclusif » en vue d’une élection présidentielle. Une tentative de sortie de crise dans laquelle le pays est enlisé depuis l’annulation du scrutin présidentiel, prévu le 4 juillet. « Abdelkader Bensalah n’est pas légitime, il fait partie du gang que nous voulons voir partir. Ils doivent d’abord céder le pouvoir avant qu’on puisse lancer une transition démocratique », estime ainsi Ahmad.

Près de la bouche de métro, el-Achemi, un retraité de 60 ans, qui n’a pas manqué un vendredi de manifestation, acquiesce. « Le régime continue de faire la sourde oreille à nos revendications, mais nous, nous allons continuer à nous mobiliser. »

Dans le viseur des manifestants : le général Ahmad Gaïd Salah, propulsé nouvel homme fort du pays depuis la démission de Abdelaziz Bouteflika. Le chef d’état-major est notamment tenu pour responsable du tournant répressif pris par les autorités algériennes ces deux dernières semaines. « On assiste à une escalade de la répression. Le gouvernement continue d’empêcher les rassemblements de l’opposition dans des salles publiques, d’instaurer les vendredis des barrages de police à l’entrée de la capitale pour filtrer les manifestants et de réduire les espaces de protestation », constate Abdelmounene Khelil, secrétaire général de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH). Un important dispositif sécuritaire était déployé hier dans la capitale. Comme la semaine passée, la place Maurice Audin, autre lieu symbolique de la contestation, quadrillée par des cordons de police, était interdite d’accès, tandis que le tronçon reliant cette place à celle de la Grande Poste était obstrué par des dizaines de camions des forces de l’ordre.


(Lire aussi : Algérie : démission du président de l’Assemblée, visé par la contestation)




« Héros »

Autre signe d’une « dérive répressive », l’arrestation de 41 personnes en marge des deux derniers vendredis de contestation. Leur « crime » ? Avoir brandi le drapeau berbère. Placés en détention provisoire, ils encourent jusqu’à 10 ans de prison ferme.

Cette série d’arrestations répond aux injonctions du général Gaïd Salah, qui avait mis en garde mi-juin ceux qui brandissent un drapeau autre que l’emblème national, dénonçant des « tentatives d’infiltration des marches populaires ». Sans le citer, le vice-ministre de la Défense visait le drapeau berbère brandi par de nombreux manifestants depuis le début du soulèvement populaire le 22 février.

Dans les rangs des manifestants, la solidarité s’organise. « Ils veulent nous diviser en utilisant la carte régionaliste, ça ne marche pas. Le peuple est et reste uni malgré tout », estime el-Hachemi, qui évoque des arrestations « arbitraires ». « On doit être libre de porter le drapeau de son choix », dit-il.

Outre la libération de ces « détenus d’opinion », les manifestants exigent que le vétéran de la guerre d’indépendance Lakhdar Bouregaa soit lui aussi remis en liberté. Interpellé à son domicile le 29 juin passé, ce moudjahid de 86 ans est poursuivi pour « atteinte au moral des troupes » et « outrage à corps constitué ». Cet ex-commandant de l’armée révolutionnaire, qui risque jusqu’à 10 ans d’enfermement, paie des propos tenus contre les dirigeants, les accusant d’avoir « déjà le nom du futur président de la République ». « Son arrestation est une honte. Qu’un héros pareil soit en prison aujourd’hui, c’est terrible », se désole Hassiba, 33 ans, gérante d’une boutique d’artisanat. Mais comme beaucoup de manifestants, elle compte poursuivre le mouvement de contestation. « On va continuer jusqu’à la libération de Lakhdar Bouregaa, et de tous les détenus politiques et du pays. »


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LES PAUVRES. ILS NE PEUVENT OBTENIR OU REVER QUE D,UN COMPROMIS.

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 18, le 06 juillet 2019

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Commentaires (1)

  • LES PAUVRES. ILS NE PEUVENT OBTENIR OU REVER QUE D,UN COMPROMIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 18, le 06 juillet 2019

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