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Liban - Éclairage

L’incident de Qabr Chmoun consacre le leadership de Joumblatt

Walid Joumblatt et Saad Hariri, réunis mercredi soir grâce au président de la Chambre, Nabih Berry : la troïka ravivée ? Photo ANI

Les actes jugés provocateurs du chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, contre le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, ont valu à ce dernier une mobilisation au sein de la Montagne druzo-chrétienne autour de son leadership, ainsi qu’un appui international joint à des efforts internes d’apaisement pour faire barrage aux tentatives de le circonscrire.

Des milieux diplomatiques occidentaux ayant suivi de près les heurts interdruzes de dimanche dernier ont fait part de leur inquiétude et réaffirmé l’importance de préserver la stabilité, en insistant sur la nécessité de ne pas entraîner l’armée ni les services de sécurité dans les conflits politiques. Cette séparation étanche ainsi préconisée entre la sécurité et la politique s’est traduite lors de la dernière réunion du Conseil supérieur de défense par une tendance à ne pas utiliser la sécurité au service de la politique. L’incident de dimanche aurait pu se transformer en carnage et en affrontement entre l’armée et les habitants, sans la sagesse de parties politiques et du commandement de l’armée, selon un observateur qui rappelle que ce dernier a vite réagi au danger et veillé à consolider son rôle de garde-fou, tandis que des parties politiques se sont employées à contenir l’incident et les risques qu’il provoque une secousse sécuritaire à l’échelle du pays. Le président de la Chambre, Nabih Berry, a été prompt à réagir et empêcher l’incident de s’amplifier, agissant de pair avec le président de la République Michel Aoun et le Premier ministre Saad Hariri, soutenus par d’autres, pour contrer l’incitation à la discorde.


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C’est ainsi que s’est constituée, autour de Walid Joumblatt, une sorte de nouvelle troïka. M. Berry a en effet réussi à réunir Saad Hariri et Walid Joumblatt mercredi soir autour d’un dîner à Aïn el-Tiné, prévu d’avance certes, mais qui a permis de rétablir les relations entre les deux protagonistes au lendemain des affrontements de la Montagne. Ce dîner a renvoyé le premier signe concret de l’appui interne dont bénéficie Joumblatt en ravivant l’image de la troïka de Taëf (Nabih Berry-Rafic Hariri-Walid Joumblatt). C’est à cette équation que l’ancien Premier ministre Rafic Hariri assassiné en 2005 avait eu recours sous la tutelle syrienne afin de sauvegarder Taëf et de le promouvoir au niveau interne. À cette alliance s’est joint ultérieurement un acteur chrétien, le président Élias Hraoui.

La nouvelle troïka est en passe de s’élargir pour inclure les Forces libanaises et les Marada. Une source présente au dîner de Aïn el-Tiné affirme que des efforts sont en cours pour la consolider. Si une telle alliance avait réussi à préserver Taëf par le passé, son objectif est aujourd’hui de protéger le compromis présidentiel, sauvegarder la stabilité politique, sécuritaire et économique, appliquer la politique de distanciation, éviter une implication dans la guerre des axes, éloigner le Liban des guerres régionales et s’engager en faveur de la déclaration de Baabda, relative à la neutralité du Liban. Autrement dit, il s’agit de défendre l’État, l’application de la loi et l’activation des institutions.


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Le Hezbollah ne serait pas étranger à cette alliance, ayant intérêt à sauvegarder la stabilité du pays. Le parti chiite s’est prononcé en faveur de la stabilité et a appelé à ce que la justice prenne son cours. Il aurait ainsi conseillé à Gebran Bassil de calmer le jeu et fait savoir à ses alliés druzes Talal Arslane et Wi’am Wahab qu’un retour au calme est nécessaire. Dans ce contexte, des milieux politiques proches de la banlieue sud, soulignant que le parti chiite est attaché au maintien de la stabilité, tournent en dérision l’attitude de ceux qui ont accusé le parti d’être derrière les incidents de Qabr Chmoun par volonté d’ôter à Walid Joumblatt le monopole de son leadership au sein de la communauté druze.

Les incidents de dimanche ont en tout cas consacré le leadership druze de Joumblatt, si bien que des milieux politiques du Chouf ont fini par questionner le surarmement du convoi du ministre (druze) Saleh Gharib (dont le passage, après la visite de Gebran Bassil, a provoqué des accrochages armés avec des partisans du PSP) qui aurait pu se contenter de la protection officielle des agents de la Sécurité de l’État.

L’une des garanties fondamentales pour Walid Joumblatt demeure Moscou, où il doit se rendre incessamment, selon des milieux parlementaires. Porteuse de plusieurs messages, la visite est en soi la preuve que Walid Joumblatt n’est pas isolé, ni au niveau local ni régional.

Le lien traditionnel entre Moscou et le PSP est une sorte de garantie de sécurité pour Walid Joumblatt qui n’a pas manqué d’ailleurs de conseiller aux druzes de Syrie de se rallier aux Russes, précisément de joindre la cinquième unité de l’armée syrienne qui ne répond plus que de la Russie, sous le commandement du général Souhail el-Hassan, plutôt que de s’enrôler aléatoirement dans l’armée régulière.



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commentaires (5)

Vous écrivez : ""Le lien traditionnel entre Moscou et le PSP est une sorte de garantie de sécurité pour Walid Joumblatt qui n’a pas manqué d’ailleurs de conseiller aux druzes de Syrie de se rallier aux Russes..."" Voilà, on a, en vous lisant, une idée précise de l'influence planétaire du PSP qui dépasse largement le cadre du Chouf, et de la montagne des Drouzes. Généreux en conseils, quel a été alors le conseil du seigneur du Chouf aux Drouzes d’Israël ? Merci.

L'ARCHIPEL LIBANAIS

12 h 15, le 06 juillet 2019

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Commentaires (5)

  • Vous écrivez : ""Le lien traditionnel entre Moscou et le PSP est une sorte de garantie de sécurité pour Walid Joumblatt qui n’a pas manqué d’ailleurs de conseiller aux druzes de Syrie de se rallier aux Russes..."" Voilà, on a, en vous lisant, une idée précise de l'influence planétaire du PSP qui dépasse largement le cadre du Chouf, et de la montagne des Drouzes. Généreux en conseils, quel a été alors le conseil du seigneur du Chouf aux Drouzes d’Israël ? Merci.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    12 h 15, le 06 juillet 2019

  • Correction : ...""est une abus"", Pardon pour l'erreur, : c'est bien entendu un abus, et c'est rare que je me relis.....

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    12 h 04, le 06 juillet 2019

  • ...""Les incidents de dimanche ont en tout cas consacré le leadership druze de Joumblatt, si bien que des milieux politiques du Chouf ont fini par questionner le surarmement du convoi du ministre …"" Les ""milieux politiques"" du Chouf ? Vous voulez dire dans la haute sphère des Drouzes quand ils se réunissent sous l’égide de Joumblatt ? Car par ""les milieux"", on pense par réflexe aux chrétiens, ou aux sunnites, mais surtout aux chrétiens qui manquent cruellement de leadership dans cette région. Qu’on le veuille ou non, Joumblatt bénéficie d’une position hégémonique, acquise par des années de guerre. Et même les quelques chrétiens qui survivent dans ce canton drouze, ne souhaitent aucun changement à cette hégémonie. N’est-il pas LE gardien de la mémoire des Drouzes, selon une historienne ? Ecrire par exemple, je vous cite : ""Montagne druzo-chrétienne autour de son leadership"", est une abus (aucune querelle sémantique). C’est justement nier la réalité de l’après-guerre, que seuls les protagonistes de la guerre dans cette région, ont un malin plaisir à l’employer pour tourner la page comme si de rien n’était. ""Montagne druzo-chrétienne"", c’était par le passé, et ne correspond pas à la réalité d'aujourd'hui. Je préfère ""Montagne"", tout court, pour ne pas froisser ma susceptibilité… Bonne journée.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    13 h 33, le 05 juillet 2019

  • ...""Des milieux diplomatiques occidentaux ayant suivi de près les heurts interdruzes de dimanche dernier ont fait part de leur inquiétude et réaffirmé l’importance de préserver la stabilité, en insistant sur la nécessité de ne pas entraîner l’armée ni les services de sécurité dans les conflits politiques."" Des milieux diplomatiques s’inquiètent pour la fusillade entre Drouzes ? Qu’on me cite un seul diplomate de très haut niveau. La stabilité du Liban n’est-elle pas assurée que pour mieux garder les réfugiés syriens au Liban, sinon c’est la crainte de les voir un jour sur leur sol .....

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    12 h 56, le 05 juillet 2019

  • ""L’incident de Qabr Chmoun consacre le leadership de Joumblatt"" Ce titre a le mérite de la clarté. Bien sûr le leadership de Joumblatt n'est pas ébranlé, et les manœuvres de M. Bassil, n'étaient qu'un coup d'épée dans l'eau...

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    12 h 39, le 05 juillet 2019

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