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À La Une - Syrie

A Idleb, les jihadistes contrôlent les rouages de la vie publique

HTS préside aux destinées de quelque trois millions d'habitants à travers un gouvernement autoproclamé, une police et des tribunaux religieux.

Une rue du village de Kafr Nabl, dans le sud de la province d'Idleb, après un raid aérien du régime syrien et de ses alliés, le 23 juin 2019. Photo AFP / Omar HAJ KADOUR

Le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS), ex-branche syrienne d'el-Qaëda, contrôle quasiment tous les aspects de la vie publique dans la région d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie. Levant des taxes aux principaux points de passage vers ces territoires échappant au régime syrien, le groupe jihadiste préside aux destinées de quelque trois millions d'habitants à travers un gouvernement autoproclamé, une police et des tribunaux religieux.


Huit ministères

En 2015, l'ex-branche syrienne d'el-Qaëda ainsi qu'une myriade de groupes rebelles parfois rivaux prennent le contrôle de la province d'Idleb, formant des conseils locaux chargés de gérer les affaires publiques. Ces conseils opèrent sous la houlette et grâce au financement du "gouvernement de transition", rattaché à l'opposition politique en exil, basée en Turquie.

A partir de 2017, HTS - rebaptisé ainsi après avoir rompu ses liens avec el-Qaëda et intégré en son sein d'autres factions armées - cherche à mater les factions rebelles qui lui sont opposées. Il créé un "gouvernement du salut", branche civile chargée d'administrer les zones qu'il domine.

Début 2019, HTS réussit à prendre le contrôle de la majorité de la province d'Idleb au détriment des groupes rebelles.

"A l'ombre du +gouvernement du salut+, le rôle des conseils locaux s'est affaibli", affirme Ayman al-Dassouky, chercheur au centre Omran, basé en Turquie. "Certains se sont affiliés (au gouvernement du salut), d'autres ont été contraints de travailler" avec lui, ajoute-t-il.

Ce "gouvernement" comprend huit "ministères" : intérieur, justice, biens religieux, santé, éducation, administration et services locaux, économie, et développement et affaires sociales. Il est dirigé par Fawaz Hilal mais l'homme fort de la région demeure le chef de HTS, Abou Mohammad al-Jolani. Il dispose d'une police. Avant le "gouvernement du salut", HTS disposait déjà d'une police morale, la "Hisba", chargée notamment de faire appliquer les stricts codes vestimentaires auprès des femmes. Son pouvoir s'est toutefois amoindri ces derniers mois, de l'aveu des résidents locaux.


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Accréditations universitaires

En 2015, une autorité pour l'éducation affiliée à l'opposition politique syrienne a commencé à encadrer les universités privées dans la province. Mais le "gouvernement du salut" du HTS a imposé un nouveau mécanisme d'accréditation lui conférant un pouvoir de tutelle sur les universités. Une dizaine d'entre elles ont depuis été contraintes de fermer.

Les diplômes décernés par les universités et les écoles à Idleb n'étant pas reconnus en dehors de cette province, de nombreux étudiants et élèves sont inscrits dans des institutions rattachées au régime de Bachar el-Assad et sont autorisés à s'y rendre.



Tribunaux religieux

Les tribunaux d'Etat ont été supplantés dès 2015 par des tribunaux religieux. La plupart des juges désignés sont fidèles à HTS, selon Nawar Oliver, chercheur au centre Omran. Ils fonctionnent sous l'autorité du ministère de la Justice du gouvernement du salut depuis début 2019.

Les jugements sont exécutés avec lenteur, à l'exception de ceux prononcés généralement très rapidement "et comprenant la peine de mort contre des cellules du groupe Etat islamique (EI)", selon M. Oliver.


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Taxes 

HTS contrôle l'économie d'Idleb, notamment les échanges commerciaux avec la Turquie et les zones du régime à travers sa mainmise sur les barrages internes et les postes-frontières.

Le groupe a la main sur le commerce des carburants par le biais de la "Compagnie Watad pour le pétrole" qui monopolise l'importation des dérivés pétroliers depuis la Turquie. L'activité commerciale constitue une manne considérable pour les jihadistes qui prélèvent des taxes sur l'entrée et la sortie des marchandises. Mais ces échanges sont en baisse, notamment avec les zones gouvernementales, depuis l'escalade militaire fin avril. Désormais, seul le barrage d'Al-Eis, situé dans le sud d'Alep, est encore ouvert en direction des zones du régime.

HTS détient enfin, de manière directe ou indirecte, des bureaux de change et de transfert d'argent. Il exerce aussi une "influence sur les bureaux de change indépendants", selon M. Dassouky.



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