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La paix à crédit

D’une incroyable simplicité est la recette du cuistre Donald Trump, avec aux fourneaux son marmiton de gendre Jared Kushner ; seul toutefois le volet économique de cette bouillie de Palestine était révélé hier à la conférence de Manama que parrainent les États-Unis.


Phase 1- On commence par marteler vigoureusement la malheureuse volaille plumée et désossée à l’aide de cet ustensile de cuisine et de boucherie bizarrement appelé attendrisseur, même si son maniement n’a rien de caressant. C’est même à coups de gourdin que préfère opérer le chef Trump qui, en début de préparation, a entrepris de sevrer la bête en coupant les modiques programmes américains d’assistance au peuple palestinien, en allant même jusqu’à cesser de financer l’agence onusienne pour les réfugiés.


Non content de les affamer, l’administration US aura ouvertement contribué à la spoliation des Palestiniens, faisant don de leur terre à Israël et enterrant leurs aspirations nationales. Elle a ainsi fait table rase de 70 ans de tradition diplomatique américaine en reconnaissant Jérusalem comme capitale de l’État juif ; en outre, et après avoir cautionné l’annexion du Golan syrien, Washington n’exclut plus désormais un sort similaire pour de larges portions de la Cisjordanie occupée.


Phase 2- Aux faméliques Palestiniens on fait alors miroiter des tonnes de méchoui, des écoles, des hôpitaux, et même une petite merveille de couloir ferroviaire et routier reliant, à travers Israël, le futur Bantoustan de Cisjordanie à ce Bantoustan bis de Gaza dont même les colons juifs les plus excités ne veulent pas. Tout cela payé avec des fonds arabes, sans que l’Oncle Sam ait à mettre la main à la poche, et livré clés en main en l’espace de dix petites années. Oui tout cela, à condition bien évidemment que l’on oublie tout le reste, comme s’il ne s’agissait là que d’une de ces transactions immobilières qui ont fait la fortune du clan Trump. C’est sans doute ce que se chargera de préciser en clair le deuxième volet, politique celui-là, du marché du siècle quand il sera rendu public à l’automne.


Une patrie ne se vend pas, même pour tout l’or du monde, même pour un peuple aussi divisé et dirigé par d’aussi médiocres leaders que les Palestiniens. Par delà son odieux aspect moral, l’atelier de Manama, inauguré hier soir et boycotté par les principaux concernés, n’est rien de plus que la maquette en 3D d’un fantasmagorique projet élaboré par des cerveaux totalement déconnectés des réalités politiques et historiques. Plutôt qu’un banal lapsus, plutôt que la débilité mentale diagnostiquée par le président iranien Rohani, est-ce cette même et crasse ignorance qui portait, lundi, Donald Trump à frapper des sanctions le père de la révolution islamique, Khomeyni, décédé il y a trente ans, en lieu et place de l’actuel guide, Khamenei ?


Si, malgré tout, le happening mis en scène par Jared Kushner représente un développement notable, c’est en définitive parce qu’il illustre une nouvelle étape du rapprochement avec le vieil ennemi israélien qu’ont amorcé les monarchies arabes du Golfe terrorisées par le péril iranien. Pour un tel accomplissement ; pour avoir, par leurs visées incendiaires, suscité une aussi impensable alliance ; pour en finir même à provoquer une concertation russo-américano-israélienne sur leur rôle dans le conflit de Syrie ; pour tout cela, Bibi Netanyahu ne sera jamais assez reconnaissant aux ayatollahs de Téhéran…


P-S : Dans son infinie générosité, le programme américain réserve à l’Égypte, à la Jordanie et au Liban une portion de l’enveloppe de 50 milliards de dollars allouée aux Palestiniens. La part du Liban se monte à un peu plus de six milliards en subventions et prêts destinés notamment à remettre sur pied ses infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires. Pour son honneur, le Liban, unanime, rejette pourtant un processus qui ne règle en rien la question des réfugiés palestiniens résidant sur son sol. Honte, en revanche, à des générations de dirigeants irresponsables, incompétents ou corrompus, qui ont voué les services publics à une déglingue telle que les faiseurs de paix croient pouvoir nous séduire avec la perspective de quelques kilomètres de bon asphalte.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

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