Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Photo-roman

« Il faut que ce soit la plus belle robe de la saison… » 1/2

La saison des mariages est aux portes... Pour ce premier épisode, retour sur la préparation, des mois durant, de ces cérémonies qui, au Liban plus que nulle part ailleurs, prennent des allures de carnaval...

Photo Makram Bitar

Quand, en début d’année, je déposais ma timide lettre de démission chez la secrétaire de mon patron, ce dernier n’avait même pas attendu le lendemain matin pour me convoquer à son bureau. L’air paniqué, il m’accueillait à la porte : « C’est une question d’argent ? Tu veux une augmentation, c’est ça ? Tu n’as qu’à m’en parler, tu sais, on s’arrangera, je tiens à toi. Si quelqu’un t’embête ici, dis-le-moi. Tu as eu une meilleure offre d’emploi ? Tes performances sont excellentes au sein de la compagnie, j’avais même prévu de te promouvoir en fin d’été, tu fais fausse route… » Tout sourire, histoire de le rassurer, je l’avais aussitôt interrompu, brandissant mon annulaire droit où reluisaient fièrement les 4 carats de mon solitaire : « Rien de cela, Monsieur. Simplement, je me marie cet été et je dois désormais me consacrer à la préparation des festivités. »

« Un homme pour huit filles »

Je précise festivités au pluriel parce que, comme vous le savez, il est désormais inconcevable, lorsqu’on se marie au Liban et qu’on appartient à une « bonne famille », de se limiter à une simple cérémonie (religieuse) suivie d’un simple cocktail, comme le faisaient nos parents. À présent, il faut prévoir ce qu’on appelle un prewedding, fête généralement organisée dans un établissement privatisé à l’occasion et qui précède la soirée de mariage, puis la réception en bonne et due forme se prolongeant sur un brunch le lendemain. Sans compter les innombrables dîners, déjeuners et fêtes donnés par les amis et la famille.


(Lire aussi : « Il faut que ce soit le mariage de l’année ! » 2/2)


Je vous laisse donc imaginer la logistique herculéenne que je m’échine depuis des mois à gérer, tout en sachant que la liste des convives ne cesse de gonfler et va bientôt atteindre les 2 000 personnes. Entre les familles sur les deux versants, les amis des parents, leurs relations professionnelles et leur réseau social dont ils profitent de l’occasion pour rendre leurs invitations, et puis nos connaissances, il ne faut froisser personne. Initialement, je n’aspirais pas à tant, mais assaillie par la pression de mes copines qui affichent toutes déjà des ventres ronds ainsi que la sempiternelle menace d’un « homme pour huit filles » avec laquelle ma mère me tanne depuis mes dix-huit ans, j’ai fini par succomber. D’ailleurs, c’est elle qui s’est chargée de trouver l’homme que je « prendrai », « un garçon de bonne famille, on connaît ses parents et puis il est de la même confession que nous, ça facilite les choses. », dixit maman.

Budget illimité

Pour cela, et toujours épaulée par maman, à laquelle on demande souvent si c’est elle qui se marie tant elle prend les choses à cœur, j’ai mis en place un véritable plan d’action pour les mois qui précèdent le jour J. Hormis le stalinien régime alimentaire auquel on m’a tenue pour réduire mon tour de taille, c’est une flopée de soins esthétiques que je me coltine quotidiennement depuis cet hiver. Je me suis même mise au botox, à vingt-deux ans seulement, et un psychologue m’accompagne au cas où mes nerfs viendraient à lâcher sous le poids des choses à organiser au millimètre près, fleurs, bar, zaffé, feux d’artifice, première danse, gâteau de plusieurs mètres, troupe de samba, cadeaux de retour, et j’en passe. Sans restriction financière aucune, car il faut bien que mon père fasse le poids avec la fortune de mon beau-père, j’ai opté pour la créatrice en vogue du moment à laquelle on s’accorde, avec maman, pour dire : « Encore plus de broderies, plus de Swarovski, il faut que ça brille, il faut que ce soit la plus belle robe de la saison. Tu as un budget illimité », en nous appuyant sur un moodboard méticuleusement concocté sur Pinterest. Et avec le wedding planner qu’on a trié sur le volet, mon brief était clair et simple : « Je veux que ce soit le mariage de l’année. Tu as un budget illimité. » Forêt enchantée, Luna Park géant, champ de pivoines ou palais de glaces, il ne lui reste plus qu’à se débrouiller pour concrétiser mes souhaits. Tout comme la coiffeuse et le maquilleur des stars que j’ai embauchés pour faire de moi, coûte que coûte, la mariée de l’année.

Chaque lundi, « L’Orient-Le Jour » vous raconte une histoire dont le point de départ est une photo. C’est un peu cela, une photo-roman : à partir de l’image d’un photographe, on imagine un minipan de roman, un conte... de fées ou de sorcières, c’est selon...





Dans la même rubrique

 « Ne bois pas trop », « Ne rentre pas trop tard », « Pourquoi tu ignores mes appels ? »

 « Au moins, il n’a pas trop souffert. Au moins, il a eu une belle vie... »

« Tu es folle, c’est dans ta tête, tu te fais des idées ! »

« J’ai décidé de t’écrire, mon fils, pour te dire que je sais... »

« C’est fou comme tu as grandi, to2borné ! »

« La pauvre, elle ne s’est jamais mariée... »

« On a une plaque d’immatriculation à deux chiffres, on fait ce qu’on veut ! »

Les « maamouls  » de Pâques de téta Angèle

Devant le Piccadilly en pattes d’eph’ et sabots de bois…

« Tout le monde est Carlos Ghosn, mais personne ne veut être moi »

Quand, en début d’année, je déposais ma timide lettre de démission chez la secrétaire de mon patron, ce dernier n’avait même pas attendu le lendemain matin pour me convoquer à son bureau. L’air paniqué, il m’accueillait à la porte : « C’est une question d’argent ? Tu veux une augmentation, c’est ça ? Tu n’as qu’à m’en parler, tu sais, on s’arrangera, je...

commentaires (2)

Vanitas vanitatum! Et pourvu que ça dure, en plus...

Georges MELKI

11 h 13, le 19 juin 2019

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Vanitas vanitatum! Et pourvu que ça dure, en plus...

    Georges MELKI

    11 h 13, le 19 juin 2019

  • Bon, quand on les gens on les moyens, pourquoi pas? cela fait tourner en partie l'économie de notre pays.

    Eddy

    09 h 25, le 17 juin 2019

Retour en haut