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À La Une - Irak

A Bagdad, propagande, "CV vidéos" et "pardon" aux procès des Français de l'EI

Les accusés ont tout tenté pour se dédouaner. Mais jusqu'ici tous les verdicts se sont invariablement conclu de la même façon : la mort par pendaison.

Interpellation d'un groupe suspecté proche de Daesh par l'armée irakienne en décembre 2016, au début de la bataille de Mossoul en Irak. GAILAN HAJI / AFP

"Pardon", "je voulais m'enfuir depuis longtemps", "j'étais connu parmi les Français comme celui qui ne faisait rien" : devant leur juge irakien, les Français accusés d'avoir rejoint le groupe Etat islamique (EI) ont tout tenté pour se dédouaner. Mais jusqu'ici tous les verdicts se sont invariablement conclu de la même façon : le juge les a reconnus coupables et a prononcé la mort par pendaison pour quatre d'entre eux. Les hommes en uniforme jaune de prisonnier ont alors été ramenés, menottés et yeux bandés, vers leur prison irakienne.

A la barre, chacun a raconté son parcours -parfois longuement, durant deux heures par exemple pour Mustapha Merzoughi, un ancien militaire de 37 ans condamné à mort lundi. Kévin Gonot, lui, a répété dimanche au juge "regretter" d'avoir rejoint l'EI. Avant eux, trois Français avaient récemment été condamnés à la prison à perpétuité lors d'audiences de moins d'une demi-heure.

Dans la salle du tribunal où trois imposants climatiseurs propulsent un air qui allège la chaleur cuisante de l'été, tous racontent la galère en France. "Un divorce", "le chômage" et le manque d'argent pour Mustapha Merzoughi, un séjour "en prison entre 2010 et 2011 pour trafic de drogue" pour Fodil Tahar Aouidate, 32 ans, désormais en attente d'un examen médical après qu'il a dénoncé de mauvais traitements de ses interrogateurs irakiens.



(Lire aussi : Un quatrième Français condamné à mort en Irak pour appartenance à l'EI)



Fonction : "combattant"
Après dix ans dans l'armée et une carrière interrompue faute d'avoir "le bon niveau pour passer des concours", puis un travail de conducteur de camion-citerne, "je n'avais pas d'autre choix que de partir", ne cesse de répéter, un peu hébété, Mustapha Merzoughi, le visage encadré d'une barbe rasée de près. A partir de Metz, dans le nord-est de la France, il a rejoint la Syrie, déchirée par la guerre et où l'EI construisait sa propagande et recrutait des milliers de partisans en filmant ses atrocités, sur un territoire qui a compté jusqu'à sept millions de Syriens et d'Irakiens.

Une fois en Syrie, leurs "CV vidéo", concoctés par la justice irakienne et présentés à l'audience à grand renfort d'animation, d'extraits de propagande de l'EI et de musique hollywoodienne, commence à s'allonger. Ils se lient ou retrouvent des jihadistes connus, se forment au maniement des armes et rejoignent des brigades de l'EI, selon les "aveux" compilés par l'instruction au cours des quatre mois d'interrogatoires.

Mais, à l'audience, leurs versions des faits diffèrent : tous disent avoir déchanté une fois sur place. Mustapha Merzoughi, puis Fodil Tahar Aouidate après lui, assurent avoir été rapidement emprisonnés par l'EI pour "espionnage", parce qu'ils réfléchissaient à s'enfuir.  "Ils pensaient que j'étais un espion et mon beau-frère a dû venir témoigner en ma faveur", dit Fodil Tahar Aouidate au juge. Depuis son estrade, ce dernier, ton posé et important dossier en main, présente un document au jeune homme. Sur cette feuille à l'en-tête noir du "califat" autoproclamé, frappé d'un tampon de l'EI en son centre, le nom de Fodil Tahar Aouidate apparaît, son numéro de passeport, ses différents voyages et sa fonction au sein de l'EI: "combattant".



(Pour mémoire : Qui sont ces Français que l'Irak va juger pour appartenance à l'EI?)



"Grosse bêtise"
Pour d'autres, ce sera "kamikaze" ou encore "médecin des armées" pour Mustapha Merzoughi, père d'une famille recomposée de cinq enfants au physique corpulent. "J'ai fait une grosse bêtise, quelque chose de grave, mais maintenant je veux rentrer chez moi, au moins en France j'aurai ma dignité, je veux bien passer ma vie en prison, mais en France", martèle-t-il.

Fodil Tahar Aouidate, alternativement tendu, mâchoire serrée et visage fermé ou volubile et même cabotin, dans son arabe algérien mâtiné de mots d'arabe classique, plaide, lui, "la longue maladie". A peine arrivés en Syrie, sa femme et lui se sont retrouvés alités, dit-il. Et tous ces documents sur son rôle au sein de l'EI ne prouvent rien, jure-t-il.  Sous le "califat" autoproclamé, poursuit-il dans un sourire, "c'est comme n'importe dans quel pays arabe". "Tout marche au piston, donc j'ai été inscrit comme employé mais en fait j'étais connu parmi les Français de l'EI comme celui qui ne faisait jamais rien".

Son procès reprendra le 2 juin, après une expertise de la médecine légale sur d'éventuels sévices. Ce jour-là il lui faudra expliquer ce qu'il voulait dire quand, peu après les attentats du 13-Novembre 2015 en France (130 morts), il disait dans une vidéo son "grand plaisir" et promettait: "on continuera à frapper chez vous".



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"Pardon", "je voulais m'enfuir depuis longtemps", "j'étais connu parmi les Français comme celui qui ne faisait rien" : devant leur juge irakien, les Français accusés d'avoir rejoint le groupe Etat islamique (EI) ont tout tenté pour se dédouaner. Mais jusqu'ici tous les verdicts se sont invariablement conclu de la même façon : le juge les a reconnus coupables et a prononcé la mort...

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