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Économie - Conseil des ministres

Budget 2019 : un compromis gouvernemental, mais sur quoi ?

L’exécutif ne fait aucune référence à la nécessité d’approuver les lois de règlement de 2004 à 2017 et les comptes publics des années 1993-2017 avant le vote du budget de 2019.

Le Premier ministre, Saad Hariri, en discussion avec la ministre de l’Énergie, Nada Boustani, hier lors de la réunion du Conseil des ministres. Photo Dalati et Nohra

Le gouvernement a annoncé hier, par le biais de son porte-parole, le ministre de l’Information Jamal Jarrah (Futur), être parvenu à « un accord » sur le projet de budget de 2019 qui devra être approuvé lors d’une dernière réunion du Conseil des ministres qui se tiendra lundi au palais présidentiel de Baabda. Le texte sera alors transmis au Parlement, où il sera examiné par la commission des Finances et du Budget, avant de faire l’objet d’un vote en session plénière. Le budget aurait dû en principe être voté avant son année d’exécution – ou au maximum à la fin du mois de janvier. L’autorisation accordée début mars par le Parlement pour permettre à l’État de se financer selon la règle du douzième provisoire expire, elle, le 31 mai.Ce compromis intervient au bout de 19 réunions marathon en trois semaines, au cours desquelles les membres du gouvernement avaient d’abord planché sur la première version du texte présentée par le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil (Amal), avant de se consacrer aux propositions soumises par le ministre des Affaires étrangères et chef du CPL, Gebran Bassil.

La première version de M. Khalil tablait au départ, selon lui, sur un déficit public à 9 % du PIB. La version finale qui devra être approuvée à Baabda prévoit, elle, toujours selon M. Khalil, un déficit à 7,5 % du PIB. Le projet de budget de 2019 se veut conforme aux recommandations de la conférence de Paris (CEDRE) durant laquelle Beyrouth s’était engagé à baisser de cinq points de pourcentage le ratio déficit public/PIB sur une durée de cinq années consécutives. Le gouvernement avait présenté, à ce moment-là, un budget prévisionnel pour 2018 dont le déficit public ne dépassait pas les 9 % du PIB (alors qu’en réalité, il a fini par atteindre 11,2 % cette même année), ce qui signifie que celui de 2019 devrait baisser à au moins 8 % du PIB. Toutefois, les estimations du ratio déficit public/PIB pour 2019 reposent sur une prévision de croissance de 1,5 % pour la même année, alors que la Banque mondiale table sur une croissance de 0,9 %, et le Fonds monétaire international sur 1,3 %, et tout récemment l’Institut de finance internationale a abaissé sa prévision de 1,6 % à 0,7 % pour 2019.



(Lire aussi : Déficit, dites-vous ?, L'éditorial de Issa GORAIEB)



Des mesures reportées à 2020
Gebran Bassil a réussi à inclure une partie de ses propositions dans cette dernière version, mais souhaitait que l’ensemble des mesures qu’il avait soumises soient discutées en vue d’aboutir à une baisse plus drastique du déficit public tandis que M. Khalil avait considéré avoir déjà atteint l’objectif souhaité. Cela avait créé de vives tensions entre les deux hommes et retardé davantage la finalisation de l’examen du budget en Conseil des ministres. Selon M. Jarrah, M. Bassil a en partie obtenu gain de cause puisqu’une dizaine de ses propositions (laissées de côté au départ) ont finalement été examinées hier et certaines ont même été adoptées. Le ministre de l’Information a toutefois refusé de dire lesquelles. Le principal intéressé, qui s’est exprimé quelques heures plus tard lors d’un iftar à Tripoli, a laissé entendre qu’il avait consenti à reporter certaines de ses mesures proposées aux prochains exercices fiscaux. « Avec le budget de 2019, nous avons commencé à ajuster et à réduire le déficit et nous poursuivrons ces efforts dans les budgets suivants, jusqu’au jour où l’État sera en mesure de financer ses projets à l’aide de ses propres recettes », a déclaré Gebran Bassil.

Un consensus auquel a également fait référence le Premier ministre et leader du courant du Futur, Saad Hariri, au cours de la réunion d’hier. « Nous sommes sur le point de préparer le budget 2020 et j’ai moi aussi une série de propositions. S’il est nécessaire de continuer à tourner en rond et à nous noyer dans les chiffres de 2019, il n’y a pas d’objection, mais les gens devraient savoir que la réduction du déficit à laquelle nous sommes parvenus est très importante, de 11,5 % à 7,5 % », a-t-il affirmé, selon des propos rapportés par M. Jarrah. Et de déclarer, en réponse à certaines critiques formulées notamment par les membres du CPL, que « certains disent que le projet de budget ne comporte pas de vision économique. Or la vision économique du gouvernement, en terme de développement et d’investissements, est présente dans la déclaration ministérielle, dans les recommandations de la CEDRE et le plan de McKinsey ». Pourtant Paris, qui a été à l’initiative de la CEDRE, ne cesse de réclamer des « signaux positifs » de la part du gouvernement quant à sa volonté de mener les réformes sur lesquelles il s’est engagé en avril 2018. Le conseiller diplomatique du président français, Emmanuel Macron, a d’ailleurs été reçu hier par M. Hariri, puis par la ministre de l’Énergie Nada Boustani.



(Lire aussi : Face au clivage CPL-Amal, priorité au maintien du compromis)



Quid des lois de règlement ?
Mais alors que les membres du gouvernement évoquent déjà la préparation du budget de 2020, aucune référence n’a été faite quant à la nécessité d’approuver les lois de règlement (les bilans de l’État) de 2004 à 2017 et les comptes publics des années 1993-2017. Conformément à la Constitution, le gouvernement est censé soumettre les bilans sous forme de projets de loi au Parlement, avec le projet de budget pour l’exercice 2019, comme s’y était engagé M. Khalil en mars dernier.

Selon l’article 87 de la Constitution, le budget d’une année (suivante) ne peut être publié avant que le Parlement ne vote la loi de règlement (clôture des comptes) pour la précédente. La dernière loi de règlement votée par le Parlement est celle de 2003 (votée en 2005). Aussi, entre 2005 et 2017, l’État a-t-il fonctionné sans budget en utilisant plusieurs artifices comptables et juridiques. Les députés avaient pourtant réussi à voter avec près de dix mois de retard la loi de finances pour l’exercice 2017, mettant ainsi fin à une décennie de blocage. Cette « régularisation des finances publiques » avait cependant été réalisée en l’absence de clôture des comptes budgétaires des précédents exercices. Car le Parlement a contourné l’article 87 en incluant, dans la loi de finances de 2017, un article (n° 65) octroyant aux députés un délai d’un an après la promulgation de celle-ci pour voter les lois de règlement, mais aussi les comptes publics reconstitués. Délai largement dépassé depuis.

Les comptes publics de 1993-2017, dont la reconstitution a été ainsi finalisée par le ministère des Finances en octobre dernier, sont censés faire l’objet d’un rapport de la Cour des comptes mais celui-ci n’a toujours pas été transmis au Parlement. L’audit des comptes publics par la Cour des comptes puis leur approbation par le Parlement sont un exercice primordial qui permet de contrôler les finances publiques et de s’assurer que le budget voté précédemment a été respecté et correctement exécuté. Il permet de délivrer donc une sorte de quitus au gouvernement. Or cela n’a pas été fait depuis 1993.



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Le gouvernement a annoncé hier, par le biais de son porte-parole, le ministre de l’Information Jamal Jarrah (Futur), être parvenu à « un accord » sur le projet de budget de 2019 qui devra être approuvé lors d’une dernière réunion du Conseil des ministres qui se tiendra lundi au palais présidentiel de Baabda. Le texte sera alors transmis au Parlement, où il sera examiné...

commentaires (3)

Le déficit à 7,5 % du PIB tiendra-t-il lors du vote du budget au Parlement ? A suivre .

Antoine Sabbagha

18 h 49, le 25 mai 2019

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Commentaires (3)

  • Le déficit à 7,5 % du PIB tiendra-t-il lors du vote du budget au Parlement ? A suivre .

    Antoine Sabbagha

    18 h 49, le 25 mai 2019

  • Nous, Libanais, sommes les rois du compromis et tout, pratiqué par le chef de l'Etat au plus petit citoyen...car c'est moins fatiguant que de se battre pour une cause, surtout nationale ! Et nous n'avons toujours pas compris que ce sont justement ces éternels compromis qui ont mené notre société, donc notre pays, à la catastrophe actuelle. Pauvre Liban... mais existe-t-il encore ? Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 09, le 25 mai 2019

  • J,ATTENDS VOIR TOUJOURS LES REACTIONS DES DONATEURS ET DES INVESTISSEURS DE LA CEDRE SUR LE PROJET DE BUDGET LEQUEL POUR MOI AURAIT DU ETRE PLUS SEVERE AVEC OBJECTIF LA REDUCTION DE LA DETTE ELLE-MEME ET NON DE L,ENDETTEMENT ANNUEL. OU SONT LES PROPOSITIONS DE LOIS ET REFORMES POUR L,ASSAINISSEMENT DE L,EDL, LA PUNITION POUR LES BARGES TURQUES, LA REDUCTION DES FAINEANTS DU SECTEUR PUBLIC, LE CONTROLE EFFECTIF DE L,AEROPORT ET DES PORTS POUR JUGULER LES TRAFICS DE TOUTES SORTES ET AUGMENTER LES RENTREES DANS LES CAISSES DE L,ETAT ET NON AUTREMENT, LA COLLECTE DES DROITS DUS SUR LES ACCAPAREMENTS DU LITTORAL ET NON SEULEMENT, LA PUNITION DES CORROMPUS ALIBABIENS QUI ONT DEVALISE LE PAYS AVEC RECUPERATION DES MONTANTS VOLES ET ETC... ETC... ETC... LA LISTE EST TROP LONGUE. LA CEDRE EST UNE PILLULE SEDATIVE POUR UN MAL DE TETE PROVISOIRE. SI ON CROIT QU,AVEC CETTE PILLULE L,ECONOMIE ET LES FINANCES SERONT SAUVEES ON SE TROMPE ENORMEMENT. IL NOUS FAUT CREER DORENAVANT BEAUCOUP DE PROJETS DE CEDRE POUR METTRE LE PAYS SUR LES RAILS DU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE SAIN, REAJUSTER SES FINANCES ET SAUVER SON EXISTENCE. OISEAU DE MAUVAIS AUGURE OU CONSTATATIONS ET FAITS, AU PLURIEL ? ON LE SAURA PROCHAINEMENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 30, le 25 mai 2019

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