« C’est une blague ou quoi ! Au lieu d’appliquer la loi antitabac, ils viennent légaliser le narguilé en imposant une taxe de 1 000 livres libanaises sur chaque chicha consommée ! » La décision du gouvernement d’exiger cette taxe prise dans le cadre des propositions soumises en Conseil des ministres – qui continue d’examiner l’avant-projet de budget pour l’année en cours – pour réduire le déficit du PIB n’a pas manqué de soulever la colère. D’abord, celle des adeptes de ce mode tabagique qui se sentent personnellement visés, « puisqu’on vient puiser l’argent de leurs poches en touchant à l’une des principales activités de divertissement dont ils disposent » et qui n’ont pas manqué de critiquer le gouvernement, l’appelant à les « laisser tranquilles » et à trouver « d’autres sources de rentrées pour réduire le déficit budgétaire ». Mais aussi et surtout celle des farouches défenseurs de la loi 174 de lutte antitabac, votée en 2011 et entrée en vigueur le 3 septembre 2012, mais qui tarde encore à être appliquée dans les lieux publics.
Atef Majdalani, ancien président de la commission parlementaire de la Santé et l’un des artisans de la loi, ne cache pas son amusement, encore moins son indignation. « C’est un scandale, lance-t-il. Avant d’imposer une taxe, qu’on applique la loi, laquelle permet d’assurer des rentrées largement supérieures à la taxe. D’abord, à travers les procès-verbaux dressés à l’encontre des contrevenants. Mais surtout parce que la lutte contre le tabac permet de baisser la facture de santé. En fait, le traitement du cancer coûte à l’État plus de 350 millions de dollars par an. » « Cette loi a été élaborée pour préserver la santé du citoyen, insiste-t-il encore. D’où l’importance de l’appliquer. Or le ministre du Tourisme s’y oppose farouchement, parce qu’il estime qu’une telle mesure nuirait au tourisme ! »
(Lire aussi : Les principales dispositions prévues dans le projet de budget de 2019)
Des solutions médianes
C’est ce que confirme le vice-Premier ministre, Ghassan Hasbani, qui rappelle que l’application de la loi relève de quatre ministères : la Santé, l’Économie, l’Intérieur et le Tourisme.
Pourquoi avoir opté pour une telle mesure, alors que d’autres sources de financement auraient pu être envisagées ? « En Conseil des ministres, on a évité les décisions extrêmes et opté plutôt pour des solutions médianes », explique M. Hasbani, soulignant que les ministres des Forces libanaises ont proposé plusieurs mesures en vue d’augmenter les recettes budgétaires, mais elles ont été refusées. Au nombre de ces propositions, une augmentation de 200 milliards de livres libanaises de la somme versée annuellement à l’État par les opérateurs de téléphonie mobile, qui s’élève actuellement à près de 1 275 milliards de LL, « mais le ministre des Télécommunications s’y est opposé, sachant que ce secteur doit être privatisé, sinon il risque de péricliter encore plus ». L’augmentation de 100 milliards de LL de la somme versée à l’État par le comité temporaire pour la gestion du port de Beyrouth « a également été rejetée par le ministre concerné », note M. Hasbani.
« Nous avons aussi proposé d’augmenter les taxes sur les paquets de cigarettes, d’autant que leur prix sont excessivement bas, poursuit-il. Ils ont refusé sous prétexte que le trafic des cigarettes va augmenter. Or une étude menée, il y a plusieurs années, par le centre de lutte contre le tabac à l’Université américaine de Beyrouth a montré que même si le trafic des cigarettes augmentait de 300 %, une augmentation de 130 % de la taxe sur les paquets de cigarettes assurera une rentrée annuelle au Trésor de 200 milliards de LL. Finalement, il a été décidé d’imposer une taxe de 1 000 LL sur le narguilé, parce qu’il ne fait pas l’objet de trafic. »
M. Hasbani est toutefois sceptique : « Si on n’arrive pas à appliquer la loi de lutte antitabac, comment va-t-on contrôler les ventes de narguilé dans les cafés et les restaurants qui les proposent ? Et ceux qui les livrent ? On va certainement essayer de se soustraire au paiement des taxes. Personnellement, je me prononce pour une taxe encore plus élevée sur le narguilé pour des raisons de santé. Mais ce qui est beaucoup plus important, c’est une application ferme de la loi. Malheureusement, cette question n’est pas prise au sérieux. »
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commentaires (14)
A quand 1000LL pour les fumeurs de Pipe? Quelle bande d'abrutis!
IMB a SPO
14 h 35, le 24 mai 2019