Un mandat d'arrêt a été émis samedi contre le président de la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL), Béchara Asmar, qui a été interrogé par la police criminelle, au lendemain de la fuite d'insultes à la mémoire du patriarche Nasrallah Sfeir enregistrées lors de sa conférence de presse qu'il a tenue vendredi, provoquant depuis un tollé dans le pays.
"Je suis cette affaire depuis ce matin avec le procureur général par intérim près la cour de cassation (le juge Imad Kabalan) et il m'a informé que, suite à son interrogatoire, Béchara Asmar a été arrêté et l'enquête se poursuit avec toutes les personnes concernées" par cette affaire, a écrit le ministre de la Justice, Albert Sarhan sur Twitter. Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), cinq autres membres du bureau de la CGTL qui se trouvaient aux cotés de M. Asmar durant la conférence de presse ont été convoqués par la police criminelle. Il s'agit de : A. A., B. S., A. M., H. F. et A. A. La police a entendu trois d'entre eux, sans clore leurs dossiers qu'elle a transférés aux autorités judiciaires compétentes, en attendant d'avoir les dépositions des deux autres membres de la CGTL.
"Ils en ont fait un saint", s’était moqué le président de la CGTL, provoquant des éclats de rire à gorge déployée des autres intervenants assis auprès de lui, avant de proférer de mauvaises plaisanteries insultantes sur la propension du patriarche défunt "à effectuer des miracles" désormais. L’Orient-Le Jour refuse de reprendre ces propos infamants. Ce que Béchara Asmar ne savait pas, c’est que ses propos avant la conférence de presse ont été filmés et diffusés sur certains sites web. M. Asmar, qui a d’abord essayé de démentir l’information dans un communiqué avant de se raviser (l’enregistrement vidéo de l’insulte étant devenu viral), et de présenter ses excuses, s’est immédiatement attiré les foudres de plusieurs personnalités et formations politiques hier.
Au sein des milieux politiques et syndicaux de tous bords, la colère ne retombaient pas et les appels à la démission de M. Asmar de ses fonctions et de poursuites en justice contre lui continuaient de se multiplier aujourd'hui.
"J'espère que l'arrestation de Béchara Asmar servira de leçon à tous ceux qui outrepassent les limites de la politesse et s'en prennent à la dignité des hommes et des symboles. Tout le monde doit respecter la vérité et les valeurs morales. Il y a une grande différence entre la liberté d'expression et l'impolitesse", a écrit le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, sur Twitter.
(Lire aussi : Macron à Aoun : L’esprit et l’héritage de Sfeir continueront d’inspirer le Liban)
"Le jeter en prison"
Bkerké a réagi aux propos tenus par M. Asmar en début de soirée, samedi.
"Le patriarche Béchara Raï, en même temps que tous les fils de l'église maronite, les laïcs et les Libanais, a regretté les propos offensants tenus à l'encontre du cardinal Nasrallah Sfeir", peut-on lire dans un communiqué publié par le bureau de presse du patriarcat maronite. "Nous condamnons avec force les propos (de Béchara Asmar) qui ont blessé les Libanais, tant au Liban qu'à l'étranger. Nous soutenons les réactions officielles et populaires face à ce comportement irresponsable, ainsi que les déclarations réclamant sa démission et son jugement", ajoute Bkerké en citant le patriarche Béchara Raï .
"Ces propos font perdre à celui qui les a exprimés la capacité d'exercer une responsabilité publique", souligne le patriarche Raï, ajoutant que M. Asmar est obligé de s'excuser auprès de tous les Libanais. "En dépit du fait que les portes du pardon demeurent ouvertes, celles du patriarcat resteront fermées devant lui jusqu'à ce qu'il ait expié son péché", conclut le communiqué.
Ministres et députés continuaient de condamner samedi les propos de M. Asmar.
Le ministre du Travail, Camille Abou Sleiman (Forces libanaises), a estimé qu'il était "honteux de porter atteinte à celui à qui la gloire du Liban a été donnée", en référence à une expression désormais célèbre, lorsqu'il s'agit de rendre hommage au patriarche maronite. Le ministre a ensuite promis de "prendre les mesures prévues par la loi" contre le président de la CGTL. Il a aussi estimé que celui-ci "ne peut pas prendre part au dialogue social prévu", après ses offenses au patriarche Sfeir.
Le député Ziad Assouad (CPL) a pour sa part qualifié la CGTL d'institution "corrompue" tenue par une "milice".
La député Paula Yacoubian a, elle, estimé que Béchara Asmar "ressemble à la plupart des membres de la classe politique dirigeante". "Béchara Asmar a été malchanceux car ses propos ont été rendus publics. Le reste (des dirigeants) partagent la même culture, et passent leur temps à insulter et se moquer de tout le monde, surtout des femmes", a-t-elle posté sur Twitter.
Le député Michel Moawad a de son côté appelé la justice à "sanctionner sévèrement" le président de la CGTL, "en ignorant les interférences politiques". M. Moawad s'est également dit en faveur de l'éviction de M. Asmar de son poste.
Le député Michel Daher a pour sa part appelé M. Asmar à démissionner immédiatement de son poste, estimant que "les excuses pour ce péché sont insuffisantes".
Le député Roger Azar (Courant patriotique libre) a estimé que les propos de Béchara Asmar étaient insultants pour "tous les maronites, tous les travailleurs honorables, et tous les Libanais". Le député César Maalouf (FL) a lui aussi appelé M. Asmar à démissionner et se "mettre à la disposition de Bkerké".
Les réactions ont également fusé dans les milieux politiques druzes. "Le (...) PSP condamne les propos irresponsables du président de la CGTL (...). Ces propos ne peuvent être effacés par des excuses car l'insulte et l'atteinte ont été documentées en vidéo. La démission de Béchara Asmar et son retrait de la vie publique sont le minimum requis afin de rendre à la CGTL sa place et son rôle (...)", a estimé le Parti socialiste progressiste du leader druze Walid Joumblatt dans un communiqué, appelant les syndicats à s'unir contre les propos de M. Asmar.
Le section des syndicats des travailleurs au sein du Parti démocrate du leader druze Talal Arslane a elle aussi condamné les propos de Béchara Asmar. 'Est-il possible que celui qui est censé protéger les intérêts des travailleurs s'en prenne à un symbole national comme le patriarche Sfeir?", s'est demandé le parti.
Le Courant du futur du Premier ministre Saad Hariri a également vivement stigmatisé les propos de Béchara Asmar, lui demandant de présenter sa démission.
La Ligue maronite a pris position samedi en rayant le nom de M. Asmar du registre de ses membres, et en déposant une plainte contre lui.
La Fondation du patriarche Sfeir a elle aussi réagi samedi, condamnant "fermement" les propos du responsable syndical, "surtout que celui-ci appartient à la communauté maronite et occupe un poste public". Il a estimé que ses insultes "constituent un précédent honteux à l'égard de l'auteur de ces propos et nécessitent de prendre des mesures fermes et claires à plusieurs niveaux". La fondation a ensuite annoncé qu'elle allait porter plainte contre M. Asmar et se constituer partie civile, en réclamant "les peines les plus sévères à son encontre".
Le président du Conseil central maronite, l'ancien ministre Wadih el-Khazen, a pour sa part appelé à "arrêter sans plus tarder Béchara Asmar, le jeter en prison, et le juger avant qu'il ne cherche à fuir la justice, de manière à préserver la dignité de tous les Libanais, chrétiens et musulmans".
(Lire aussi : « Le mufti Khaled travaillait avec le patriarche Sfeir et l’imam Chamseddine », assure Siniora)
De syndicats réagissent
Parallèlement, plusieurs fédérations syndicales ont décidé de suspendre leur participation à la CGTL en réaction aux propos de son président.
Le chef du Bloc syndical indépendant, Georges Alam, a ainsi annoncé une liste de dix fédérations syndicales qui se sont désolidarisées de la CGTL. Il s'agit de la Fédération libanaise des syndicats ouvriers, la Fédération libanaise des syndicats libres, la Fédération des syndicats indépendants, la Fédération des syndicats solidaires, La Fédération des syndicats unis, la Fédération des techniques modernes, la Fédération du secteur des transports, la Fédération du secteur commercial, la Fédération des syndicats du Mont-Liban Nord, et la fédération des syndicats du secteur des assurances.
Tous ces syndicats se sont "mis à la disposition" du patriarche maronite, Béchara el-Raï.
Le représentant de la Fédération des employés des banques issu du PSP et membre du bureau exécutif de la CGTL, Akram Arabi, a annoncé aujourd'hui la suspension de sa participation à ce bureau. Un autre membre de ce bureau, Antoun Antoun, président de la Fédération des syndicats des services généraux, a lui aussi suspendu sa participation.
En début d'après-midi, la Voix du Liban (100.3 et 100.5) rapportait que des travailleurs ont appelé à se rassembler devant le siège de la CGTL situé sur la corniche Pierre Gemayel à Beyrouth afin d'exprimer leur soutien au patriarche Sfeir.
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commentaires (20)
Le gendre a appelle le troisieme personage politique du Liban BALTAJI A t'il ete traine en justice ou meme convoque par la securite de l'Etat lui qui ne cesse de faire des proces a des blogueurs ou des journalists qui disent des choses desobligeantes envers lui DEUX POIDS DEUX MESURES sans que je ne veuille comparer, loin de la ,Monseigneur Sfeir a M Berry
LA VERITE
00 h 11, le 20 mai 2019