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Moyen Orient et Monde - Commentaire

Iran/USA : ce n’est pas encore la guerre

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo devant l’ambassade américaine à Bagdad le 9 janvier dernier. Andrew Caballero-Reynolds/Pool/AFP

L’histoire n’est pas en train de se répéter. L’Iran n’est pas l’Irak et Donald Trump n’est pas George W. Bush. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de guerre entre Washington et Téhéran, mais plutôt que la grille de lecture de 2003 n’est pas adaptée à la situation actuelle.

L’invasion de l’Irak par l’hyperpuissance américaine était motivée en grande partie par la conviction des néoconservateurs que la chute de Saddam Hussein allait apporter la démocratie en Irak et dans la région. Washington était guidé par l’hubris, religieusement persuadé d’avoir une mission à accomplir. Même si des relents de cet état d’esprit subsistent aujourd’hui, notamment dans le discours du conseiller à la Sécurité nationale, le faucon John Bolton, les États-Unis de Donald Trump sont dans une logique de désengagement militaire au Moyen-Orient, dans la poursuite de la politique initiée par Barack Obama. Malgré son aspect déroutant, la doctrine trumpienne répond à une certaine cohérence en politique extérieure qui peut faire sérieusement douter de sa volonté d’entrer en guerre contre l’Iran. Le président américain qui, contre l’avis du Pentagone, voulait rapatrier en décembre dernier les 2 000 soldats américains présents en Syrie paraît assez peu enclin à envoyer des dizaines, voire des centaines de milliers de soldats américains faire la guerre à un pays qui ne menace pas directement la sécurité américaine. Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, Donald Trump aboie, mais ne mord pas. Ses menaces participent d’une stratégie pour pousser son adversaire à accepter un « deal » en position de faiblesse. Il se disait encore hier « sûr » que l’Iran voudra bientôt discuter avec les États-Unis. Mais le guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei ne mord pas à l’hameçon et préfère pour l’instant bomber le torse plutôt que de relancer les négociations sur ce que l’Iran considère être des lignes rouges, à savoir ses missiles et ses milices.


(Lire aussi : « La population iranienne dirige sa haine vers les mollahs »)



Washington est persuadé que sa politique de sanctions économiques va mettre l’Iran à genoux. L’idée est de mettre une pression maximum sur le régime et sur ses obligés pour les priver de toutes leurs ressources et pousser la population à se rebeller. Le pari est hasardeux : l’économie iranienne est durement touchée, les dirigeants de la République islamique le reconnaissent eux-mêmes, mais c’est surtout la population et non le régime qui en fait les frais.

En dépit des sanctions et de la rhétorique belliciste des deux camps, les États-Unis et l’Iran ont cherché à éviter la confrontation directe au cours de ces derniers mois dans un contexte régional pourtant explosif. L’escalade de ces derniers jours dans les eaux du Golfe marque clairement une rupture. Les Iraniens semblent vouloir montrer qu’ils ne sont pas prêts à courber l’échine et qu’ils ont les moyens de répondre à la pression américaine sur plusieurs fronts. Cette attitude, additionnée au lobbying d’Israël et des faucons américains qui veulent une confrontation militaire avec l’Iran, fait peser le risque d’une escalade incontrôlée qui serait à l’origine d’une guerre sans aucun doute dévastatrice pour l’ensemble de la région. Les puissances régionales en ont bien conscience : les Émirats et l’Arabie saoudite, à l’avant-garde du front anti-iranien et pourtant directement ciblés au cours de ces derniers jours, ont calmé le jeu dans leurs déclarations respectives.

Les Iraniens ont pu considérer que l’ajout des pasdaran sur la liste des organisations terroristes était la goutte de trop. Face à un fort mécontentement interne, les durs du régime ont besoin d’alimenter la rhétorique anti-américaine, ce qui pourrait expliquer leurs changements d’attitude. Ils semblent désormais considérer que la pression américaine pourrait durer encore des années, notamment en cas de réélection de Trump, et qu’elle fait peser une sérieuse menace pour la survie du régime. Sont-ils pour autant prêts à franchir le Rubicon, par exemple en menant une attaque, via leurs proxys, contre des Américains en Irak ?

Un conflit ouvert avec les États-Unis renforcerait le pouvoir des faucons iraniens à court terme. Mais compte tenu du rapport de force, il est quasi certain qu’il les condamnerait à moyen et long terme. L’Iran n’a pas les moyens de mener une guerre contre la première puissance mondiale. Mais il est toutefois en mesure, en cas de conflit, d’embraser avec lui toute la région.


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L’histoire n’est pas en train de se répéter. L’Iran n’est pas l’Irak et Donald Trump n’est pas George W. Bush. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de guerre entre Washington et Téhéran, mais plutôt que la grille de lecture de 2003 n’est pas adaptée à la situation actuelle. L’invasion de l’Irak par l’hyperpuissance américaine était motivée en grande partie...

commentaires (2)

- Donald Trump aboie, mais ne mord pas... - L'ayatollah Khamenei ne mord pas à l'hameçon... Les Libanais n'ont rien à mordre dans cette histoire, ils sont tranquilles.

Un Libanais

19 h 16, le 16 mai 2019

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Commentaires (2)

  • - Donald Trump aboie, mais ne mord pas... - L'ayatollah Khamenei ne mord pas à l'hameçon... Les Libanais n'ont rien à mordre dans cette histoire, ils sont tranquilles.

    Un Libanais

    19 h 16, le 16 mai 2019

  • UN TRES BON ARTICLE PLEIN D,OBJECTIVITE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 24, le 16 mai 2019

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