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À La Une - scandales

Agressions sexuelles : les annonces du pape trop "timides", selon les organisations de victimes

"Tout cela n'est pas suffisant; c'est un écran de fumée pour dire +on fait quelque chose+ mais cela perpétue le problème car cela reste en vase clos au sein de l’Église", déplore Peter, qui, enfant, a été agressé sexuellement par ds prêtres.

Le pape François lors d'une rencontre avec des fidèles à la basilique Saint John du Latran, à Rome, le 9 mai 2019. Photo REUTERS/Remo Casilli

"Un pas timide" ou un "écran de fumée" : des victimes de prêtres pédophiles se disent déçues après les modifications de la législation interne annoncées par le pape sur les agressions sexuelles, estimant notamment que face à la perte de confiance en l’Église, il aurait dû rendre obligatoire le signalement aux autorités civiles.

François a dévoilé jeudi une révision de la loi canonique - la législation en vigueur dans l’Église catholique - obligeant désormais prêtres et autres religieux à signaler à l'Église tout soupçon d'agression sexuelle ou de harcèlement, ainsi que toute dissimulation de tels faits par la hiérarchie cléricale.

Des mesures censées répondre aux fortes attentes des victimes, après un sommet inédit en février ayant réuni les conférences épiscopales du monde entier au Vatican sur ce sujet. L’Église catholique est en pleine tourmente avec les révélations successives sur des scandales d'agressions à caractère pédophile commises pendant des décennies par des religieux et souvent étouffés par leur hiérarchie.

Cette obligation de dénonciation est un "pas timide mais un pas important", a commenté vendredi à l'AFP José Andrès Murillo, une victime chilienne qui a créé en 2010 dans son pays une association de lutte contre les agressions sexuelles.
"Au moins, le monde est-il une fois encore alerté sur ce véritable cancer", a réagi Peter Saunders, le fondateur en Grande-Bretagne de l'Association nationale pour les personnes victimes de pédophilie (Napac). Son frère Michael et lui, alors enfants, ont été agressés sexuellement par des prêtres. Cependant "tout cela n'est pas suffisant; c'est un écran de fumée pour dire +on fait quelque chose+ mais cela perpétue le problème car cela reste en vase clos au sein de l’Église", déplore-t-il.

"C'est très facile de créer l'impunité quand l'enquête est faite par la même partie (l’Église, NDLR)", relève M. Murillo, pour qui "secret et silence sont la clef de voûte de l'agression sexuelle".

Le texte pontifical ne comporte en effet aucune obligation de signaler les cas devant la justice profane, sauf là où la loi locale l'impose.

Fer de lance d'un contre-sommet des victimes en février à Rome, l'organisation internationale de victimes Ending Clerical Abuse (ECA) a elle aussi fait part de son désappointement : "il n'y aura toujours pas d'obligation pour les prêtres et les évêques de dénoncer des cas d'abus sexuels auprès des autorités civiles des pays".


(Pour mémoire : Les principaux scandales de pédophilie dans l'Eglise catholique)



La question des réparations financières
"Il aurait été intéressant" que le texte stipule que "là où il y a un État de droit, il faut obligatoirement en référer à la justice civile", a renchéri Marie-Jo Thiel, un professeur d'éthique à l'Université Marc-Bloch de Strasbourg (est de la France).

Cette lacune permet de continuer à "couvrir les abus", déplore encore ECA. "Nombre d'évêques à travers le monde, notamment en Afrique, en Asie et dans une partie de l'Amérique latine, sont très hostiles à toute forme de transparence qui remettrait en cause leur autorité et leur pouvoir sur les prêtres de leurs diocèses". Autre motif de déception : cette législation "va potentiellement maintenir dans leurs fonctions des milliers de prédateurs connus", considère ECA, qui réclame que ces derniers soient défroqués.

Pour François Devaux, le président de l'association française de victimes La Parole libérée, le pape devrait avant tout écarter "ceux qui ont couvert des prédateurs ou qui ont eux-mêmes abusé" de leurs jeunes victimes.

"Si on avait pendu 100 prêtres agresseurs sur la place Saint-Pierre, tout le monde aurait été content mais on n'aurait rien résolu. Les choses se résolvent avec des procédures", a quant à lui déclaré vendredi le pape, semblant répondre à ces critiques. François souligne souvent qu'il faut avant tout changer les mentalités.

En Pologne, Marek Lisinski, le président de la fondation "N'ayez pas peur" de soutien aux victimes, salue toutefois "un document officiel du Vatican où des évêques qui cachent des auteurs seront tenus pour responsables".

Lacune également déplorée : la question des compensations financières. Le "terme de réparation n'est même pas mentionné", critique une victime française, Olivier Savignac. Dans le texte du pape jeudi, il est juste dit que les victimes doivent recevoir "une assistance spirituelle, médicale et psychologique", sans précisions sur les modalités.



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