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Économie - Conseil constitutionnel

La loi sur les licences de production de courant électrique visée par un recours

Le député Kataëb Samy Gemayel a déposé hier au Conseil constitutionnel un recours en invalidation de la loi n° 129 publiée au « Journal officiel » le 30 avril. Archives ANI

Le chef des Kataëb, Samy Gemayel, a présenté hier au Conseil constitutionnel (CC) un recours en invalidation de la loi n° 129 publiée au Journal officiel le 30 avril. Le CC devrait décider d’ici à lundi s’il y a lieu de suspendre ou non l’application du texte requise par les auteurs du recours, le temps de statuer sur le fond. Le texte visé par le recours a été voté le 17 avril pour prolonger pour trois ans supplémentaires la loi n° 288/2014 qui accorde à l’exécutif le droit d’octroyer des licences de production d’électricité au secteur privé en attendant la création d’une autorité de régulation du secteur de l’électricité. La prolongation de la durée d’application de cette loi constitue une des clefs de voûte de la mise en œuvre du plan de réforme pour ce secteur, qui avait été approuvé par le gouvernement début avril et qui prévoit notamment de confier la production temporaire puis durable de courant à des opérateurs privés. Le recours déposé par Samy Gemayel a été signé par une coalition inhabituelle de neufs autres députés, dont les Kataëb Nadim Gemayel et Élias Hankache ; Nicolas Nahas et Ali Ahmad Darwiche, affiliés au groupe de Nagib Mikati ; Marwan Hamadé, proche de Walid Joumblatt ; Fayçal Karamé et Jihad Samad (prosyriens) ; Oussama Saad, secrétaire général de l’Organisation populaire nassérienne ; et Paula Yacoubian (société civile).


Atteinte à la séparation des pouvoirs
Les signataires contestent la légalité de la loi n° 129 – et à travers elle, celle de la loi n° 288 – à plusieurs niveaux, en commençant par les conditions dans lesquelles elle a été votée. Selon le texte du recours, l’article 36 de la Constitution, qui prévoit que le vote d’une loi se fait toujours par appel nominal à haute voix, n’a pas été respecté au moment d’approuver le texte dans son ensemble. « Le Conseil avait déjà statué sur cette question en 2017 lorsqu’il avait été saisi d’un recours en invalidation de la première loi (n° 45) contenant les mesures fiscales devant financer la nouvelle grille des salaires, adoptée la même année », rappelle à L’Orient-Le Jour Lara Saadé, la conseillère juridique de Samy Gemayel. « Cette fois encore, l’article 36 n’a pas été respecté », ajoute-t-elle.

Deuxième point, la loi visée par le recours contreviendrait à l’article 89 de la Constitution qui dispose qu’« aucune concession ayant pour objet l’exploitation d’une richesse naturelle du pays ou un service d’utilité publique ni aucun monopole ne peuvent être accordés qu’en vertu d’une loi et pour un temps limité ». Or ni le texte voté en avril ni la loi n° 288 ne plafonnent la durée des licences de production d’électricité qu’ils autorisent l’exécutif à octroyer.Les auteurs du recours considèrent en outre que la loi n° 129 porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs consacré par l’alinéa E du préambule de la Constitution ainsi que ses articles 16, 17 et 65. « Les députés ont délégué à la ministre la charge de définir le cadre juridique et les conditions d’octroi des licences de production, alors qu’ils sont en principe seuls compétents pour le faire dans ce cadre », note Lara Saadé.



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Clarté de la loi
Selon les auteurs du recours, la loi n° 129 violerait également le principe juridique de clarté de la loi, en ne définissant pas plusieurs termes comme le « build-operate-transfer » (BOT), la démarche contractuelle qui doit permettre à l’État de déléguer la production de courant, ou le « power purchase agreement » (PPA), le contrat d’achat d’énergie à long terme. Or ces termes ne sont pas expressément définis dans d’autres textes de la législation libanaise. La loi créerait de plus un vide juridique en se soustrayant par exemple au champ d’application de la loi sur les partenariats public-privé (PPP). Adoptée en août 2017, cette dernière fixe notamment le cadre réglementaire des contrats par lesquels l’État ou ses institutions peuvent, par exemple, confier au secteur privé la construction, la modernisation ou la gestion d’équipements et d’infrastructures dans plusieurs domaines.

Le recours souligne en outre l’inexistence de circonstances exceptionnelles justifiant le fait que cette loi, qui retarde encore plus la création d’une autorité de régulation, ait été adoptée. La loi 288/2014, que la loi n° 129 prolonge, avait elle-même amendé un texte adopté 12 ans plus tôt, la loi 462/2002, qui visait – déjà à l’époque – à réformer le secteur de l’électricité dans le pays en prévoyant la création d’une autorité de régulation indépendante devant permettre de renforcer la transparence et la compétitivité. Le projet n’a jamais vu le jour. « Aucune circonstance exceptionnelle ne justifie aujourd’hui que le Conseil des ministres ne nomme pas les membres de cette autorité », martèle la conseillère de Samy Gemayel.

Enfin, la prolongation de la durée d’application de la loi n° 288 porterait atteinte au principe de la sécurité juridique en créant, de fait, un régime de concession de service public distinct de celui déjà existant et régi par la législation du pays.



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