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Liban - Droits de l’homme

Proud Lebanon réclame l’abolition de la loi criminalisant l’homosexualité

Alors que chaque année davantage de pays légalisent le mariage gay, le pays du Cèdre continue de faire la guerre à sa communauté LGBTIQ+, malgré quelques décisions de justice en sa faveur.

Lors de la conférence de presse de Proud Lebanon, l’avocate Salwa Rahmé et le directeur exécutif Bertho Makso.

La communauté homosexuelle du Liban a constaté une très relative amélioration de sa situation au Liban durant les dix dernières années. Cette amélioration s’est concrétisée par sept décisions de justice en faveur de membres de la communauté LGBTIQ+, entre les années 2009 et 2019, et par un refus des juges de faire appliquer à ces cas l’article 534 du code pénal qui criminalise les relations charnelles « contre nature ». La dernière décision de justice remonte au mois d’avril dernier. Elle a été prise par le tribunal militaire qui, pour la première fois dans l’histoire du Liban, a acquitté quatre militaires accusés d’homosexualité. Mis à part ces quelques cas, les homosexuels continuent d’être peu ou pas tolérés au pays du Cèdre où ils n’en finissent pas d’être victimes d’arrestations arbitraires, d’intimidations, de moqueries, de discriminations en tous genres et de violations de leurs droits humains liées à leur orientation sexuelle. Parallèlement, non moins de 26 pays ont déjà légalisé le mariage gay. D’où la nécessité de tout mettre en œuvre pour abolir l’article 534 du code pénal qui punit d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à un an « toute conjonction charnelle contre nature ». C’est ce qui ressort de la conférence de presse sur le thème « Protection et justice pour tous », donnée vendredi à l’hôtel Bella Riva à Manara, par l’association Proud Lebanon, qui soutient les communautés marginalisées du Liban parmi lesquelles les communautés lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre, transsexuelle et queer. La conférence clôture une semaine de tables rondes avec nombre de partis politiques libanais, d’événements artistiques aussi, organisés par l’ONG à l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie célébrée le 17 mai 2019, dans l’objectif de changer les choses, un tant soit peu.

Humiliations, harcèlements, licenciements

Devant un parterre particulièrement restreint, limité à une poignée de militants, une paire de journalistes et trois diplomates, l’ambassadeur de Suède, Jorgen Lindstrom, la deuxième secrétaire de l’ambassade du Canada, Fatma Ben Sayeh, et un représentant de l’ambassade du Danemark, deux responsables de Proud Lebanon, son directeur exécutif, Bertho Makso, et l’avocate Salwa Rahmé ont dressé un rapide état des lieux de la situation de la communauté gay au Liban, avant de centrer leur conférence sur l’aspect légal du dossier. C’est dire combien le dossier dérange. Sans oublier qu’en 2016 et 2017, l’association a été interdite de célébrer la Journée mondiale contre l’homophobie et qu’en 2018, elle l’a célébrée dans la plus grande discrétion. L’interdiction avait été décidée par les autorités libanaises, poussées à la fois par l’islam radical au Liban et par Dar el-Fatwa, la plus haute instance religieuse sunnite du pays.

« Cette conférence de presse, nous ne l’avons annoncée qu’en dernière minute. Nous avons lancé les invitations de manière nominative, autrement, elle aurait été interdite », révèle M. Makso à L’Orient-Le Jour. Car la communauté gay est toujours stigmatisée au pays du Cèdre. Elle a les bras liés. « Non seulement les homosexuels sont toujours arrêtés pour leur orientation sexuelle, mais on continue de leur faire subir des traitements dégradants, comme le test anal prétendument utilisé pour prouver un rapport homosexuel, mais qui est en fait une forme de torture. Il est d’ailleurs interdit par l’ordre des médecins », affirme M. Makso qui tient à préciser que « le refus d’être soumis à ce test peut être utilisé contre les personnes en état d’arrestation ».

Bertho Makso rapporte aussi les humiliations, les licenciements professionnels, les harcèlements, dont sont victimes les membres de la communauté LGBTIQ+, plus particulièrement s’il s’agit de militaires ou de membres des forces de l’ordre qui encourent de graves sanctions administratives, jusqu’à se voir privés de leurs indemnités de retraite. « Lorsqu’un homosexuel est arrêté, son casier judiciaire porte noir sur blanc la raison de son arrestation. Le terme apposé, “Louât”, est volontairement dégradant. La personne est alors privée de ses droits civiques et politiques. Elle est souvent licenciée de son emploi. Et avec la mention de son homosexualité, il lui devient impossible de trouver une nouvelle activité professionnelle », gronde-t-il. « De quoi décourager les personnes que nous tentons d’aider et auxquelles nous apportons un soutien juridique, de nous accorder leurs témoignages », regrette le militant, justifiant ainsi l’absence de statistiques et de présentation de cas. « À leur sortie de prison, les membres de la communauté ont peur. Ils n’ont qu’un but : se faire oublier. »

Amender les lois et les programmes scolaires

Pour avoir évoqué la question autour d’une table ronde avec des juges, Proud Lebanon assène qu’aucune évolution permanente ne peut se faire sans une abolition totale de l’article 534 du code pénal, car « les juges ont l’obligation de faire appliquer la loi ». Les deux intervenants invitent le Liban, de plus, à amender son cadre légal dans le sens de ses engagements internationaux contre la pratique de la torture, en faveur des catégories les plus vulnérables, mais aussi contre les discours haineux. Et ce d’autant que la Constitution libanaise consacre le respect des droits humains et l’égalité des individus, sans aucune discrimination.

Mettre fin à la discrimination envers la communauté homosexuelle « passe aussi par des mesures pratiques », conclut Bertho Makso, comme « la modernisation des programmes scolaires » dans le sens du respect des droits de l’homme et de tout individu sans discrimination, « le développement de programmes de soutien » à leur intention, sur les plans de la santé, de la justice, des affaires sociales, mais aussi « la reconnaissance » des associations de défense des droits homosexuels comme telles. « Le seul programme de soutien aux homosexuels du Liban reste le Programme national contre le VIH », déplore le militant. Et cela ne suffit pas.

La communauté homosexuelle du Liban a constaté une très relative amélioration de sa situation au Liban durant les dix dernières années. Cette amélioration s’est concrétisée par sept décisions de justice en faveur de membres de la communauté LGBTIQ+, entre les années 2009 et 2019, et par un refus des juges de faire appliquer à ces cas l’article 534 du code pénal qui criminalise...

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