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Liban - Les échos de l’agora

L’angoissante heure de vérité

Par où commencer pour traiter le malade incurable appelé Liban ? Rien ne ressemble plus à la situation libanaise actuelle que celle d’un malade cancéreux en phase terminale. L’heure de vérité a sonné. Le malade serait-il au bout du rouleau ? Dans ces situations tragiques, le corps du patient perd sa cohésion et sa cohérence, tel un navire qui prend l’eau de partout. Les fonctionnaires du secteur public font grève, depuis les portefaix du port jusqu’aux magistrats et aux argentiers de la Banque centrale, sans parler des retraités et des syndicats.

À longueur de journée, la classe dirigeante se fait insulter dans les médias et sur les réseaux sociaux. Elle le mérite largement car elle est l’unique responsable de la situation désastreuse du pays. Mais, avant d’être pourrie et corrompue, elle est surtout criminellement incompétente. Elle s’est acharnée à démanteler, pièce par pièce, tout ce qui conférait un semblant d’unité et de cohérence à l’État libanais et à ses institutions en vue d’engranger des profits malhonnêtes.

On dira : c’est la corruption. Non, la corruption, comme vice moral, est inscrite dans la nature humaine. C’est l’application des lois et des procédures constitutionnelles qui est supposée prévenir, endiguer et réprimer un tel travers. Tel n’est pas le cas au Liban où une certaine culture populaire fait du mensonge une vertu virile et érige la fourberie au rang de catégorie supérieure de l’intelligence.

Il s’agit de la fameuse et intraduisible « chatara » qui peut vouloir dire la chose et son contraire en fonction des circonstances. Un élève studieux fait preuve de « chatara » au même titre qu’un politicien pourri jusqu’à la moelle. Un petit manœuvre qui accomplit honnêtement son travail est loué pour sa « chatara » ; mais un homme d’affaires malhonnête l’est également. Un fonctionnaire inculte et incompétent est dit « chater » s’il possède, de manière non justifiée, villa, voitures de luxe, domesticité, et j’en passe. Le problème au Liban, c’est que les auteurs de telles malversations bénéficient d’une impunité quasi totale. Faut-il rappeler que la même sacro-sainte impunité couvre les pires criminels auteurs d’assassinats politiques, d’actes de terreur, de crimes contre le service public qu’ils paralysent sous prétexte de chantage afin de faire arriver, par la force et non par la procédure légale, Untel à tel poste ?

La classe dirigeante entend-elle la colère populaire qui s’empare de tous les secteurs ? Ces gens font du chantage ? Oui, car ils n’ont plus peur du gendarme. Comment peut-on craindre une caste politique indigne qui a elle-même paralysé le pays durant de longues années afin de monopoliser le pouvoir ? Qui aurait peur d’un gendarme qui organise lui-même la vampirisation de l’État comme, par exemple, le détournement des droits de douane et d’accises du port de Beyrouth vers Lattaquieh, selon ce que rapportait récemment la journaliste Ghada Eid qui affirme que l’appareil sécuritaire syro-libanais demeure actif et efficace dans sa rapacité mafieuse ?

Bref, quiconque observe le Liban en cette veille de vote précipité d’un budget ne peut que conclure : « Tant pis pour vous, vous l’avez largement mérité. » Les causes du mal crèvent les yeux : l’existence d’un État dans l’État qui détourne certains pouvoirs régaliens, ainsi que la double allégeance à un État moribond et à une communauté religieuse prise en otage par une ou des forces politiques dites « fortes ».

Faut-il assister muet à la décomposition cadavérique du pays ? L’heure n’est pas aux règlements de comptes politiques. Le plus urgent est d’éviter le pire, c’est-à-dire l’annihilation du contrat social, raison d’être de l’État. Tel est le danger. Tel est le risque. À l’horizon, se profilent les nuages noirs de la guerre de tous contre tous.

Mais tout le monde n’est cependant pas pourri. Il existe encore des politiciens relativement honnêtes. La colère populaire légitime devrait pouvoir aboutir au plus urgent, c’est-à-dire à la formation d’une sorte de comité de salut public dont le rôle serait de récupérer l’argent pillé des citoyens qui avoisine 30 à 40 milliards de dollars, selon l’ancien ministre de la Justice Ibrahim Najjar. Cela permettrait de traduire les criminels de la classe dirigeante devant la justice. Les crimes que le Japon reproche à Carlos Ghosn sont peu de chose comparés à ceux des requins et des vampires politiques qui ont fait main basse sur le Liban et le portefeuille de ses citoyens.



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commentaires (8)

LE CONSENSUS DE LA LATTA... MAIS AVEC LA LATTA NOS ABRUTIS ONT CROQUE TOUTE LA BATTA !

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 47, le 06 mai 2019

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • LE CONSENSUS DE LA LATTA... MAIS AVEC LA LATTA NOS ABRUTIS ONT CROQUE TOUTE LA BATTA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 47, le 06 mai 2019

  • je vous cite : ""Les crimes que le Japon reproche à Carlos Ghosn sont peu de chose comparés à ceux des requins et des vampires politiques qui ont fait main basse sur le Liban et le portefeuille de ses citoyens."" Et le travail de Carlos Ghosn, relève de la chatara. Non ? Arriver à ses fins par des procédés discutables, dois-je vous rappeler la vieille saga de Renault-Vilvorde, où il a fait parler de lui pour la première fois.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    15 h 49, le 06 mai 2019

  • M. Corban écrit : ""Faut-il rappeler que la même sacro-sainte impunité couvre les pires criminels auteurs d’assassinats politiques, d’actes de terreur, de crimes contre le service public qu’ils paralysent sous prétexte de chantage afin de faire arriver, par la force et non par la procédure légale, Untel à tel poste ?"" Pour simple rappel, la réhabilitation de quelques ""pires criminels"", s’est faite dans les médias, les journaux, depuis soi-disant la ""fin de la guerre"". Pardon d’utiliser ce mot, (je suis laïc) mais la rédemption par la politique se pratique au Liban, qui peut le nier ? Je reviens sur cette responsabilité des intellectuels, des observateurs, des journalistes, c’est tout !

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    15 h 42, le 06 mai 2019

  • Vous écrivez : ""À longueur de journée, la classe dirigeante se fait insulter dans les médias et sur les réseaux sociaux. "" Et un peu plus loin : Mais tout le monde n’est cependant pas pourri. Il existe encore des politiciens relativement honnêtes."" Qui ? ""La classe dirigeante"", la ""caste politique"", …""politiciens relativement honnêtes"", et je suis d’accord avec vous. MAIS, rejeter toute responsabilité sur les politiciens, n’est-ce pas une façon de jeter l’enfant avec l’eau du bain. Les intellectuels, les observateurs, les profs d’université, ont aussi leur part de responsabilité, quand ils sont crédibles… C’est la faillite de tout un ""système"". Il y en a parmi eux dans les hautes responsabilités de l'""Etat""...

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    15 h 40, le 06 mai 2019

  • BRAVO POUR CET ARTICLE LA VRAIE VERITE DITES EN TOUTES LETTRES MAIS A QUI VOUS VOUS ADDRESSEZ? VOUS PENSEZ VRAIMENT QUE CEUX QUI ONT PILLER LE PAYS VONT VOLONTAIREMENT RENDRE L'ARGENT? OU C'EST JUSTE POUR EXPLIQUER POURQUOI RIEN NE SE FAIT? Il suffirait d'une loi pour exiger la levee du secret bancaire des responsables et de leurs familles pour savoir qui a des palais un peu partout et des millions ( ou milliards ) en banque avec un salaire de quelques milliers de dollars par moi et evidement sans avoir paye un impot quelconque pour enregistrer cet argent RAYMOND EDDE AVAIT DIT MIN AYN LAKA HAZA CAD D'OU AS TU CELA? ENCORE PLUS FACILE : QUEL ETAIT LA FORTUNE DE TON PERE? QUEL A ETE TON SALAIRE PENDANT LES 10 DERNIERES ANNEES COMBIEN AS TU MAINTENANT ? REND TOUT LE SURPLUS A L'ETAT ON PEUT REVER LES TROIS PRESIDENTS NE SONT PAS MBS MALHEUREUSEMENT

    LA VERITE

    14 h 22, le 06 mai 2019

  • La dynamique politique qui s’est mise en place les trois dernières décennies, et qui s’est imposée à tous, est le résultat pervers de décennies de manœuvres , faites de fausses persuasions , de menaces, de crimes, visant à castrer l’arbitre final du système social , l’Etat, à le spolier de ses droits et privilèges, à le piller. Celà s’appelle encore pour certains, l ‘Unité , le Consensus National !

    LeRougeEtLeNoir

    09 h 52, le 06 mai 2019

  • Entièrement d'accord beaucoup de politiciens méritent la prison a commencer par les plus hauts responsables du pouvoir exécutif et législatif

    Tabet Ibrahim

    09 h 01, le 06 mai 2019

  • ENFIN QUELQU,UN QUI DIT LES CHOSES PAR LEURS NOMS. AUX QUALIFICATIFS DE CORROMPUS, IGNORANTS, INCOMPETENTS ET M,ENFOUTISTES QUE J,UTILISE POUR NOS ABRUTIS IL A AJOUTE CELUI DE -CRIMINELS-. IL Y MANQUE LE -MAFFIEUX-. TRES BON ARTICLE DE MONSIEUR ANTOINE COURBAN QUI EXPRIME CE QUE PENSE LE COMMUN DES LIBANAIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 55, le 06 mai 2019

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