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Moyen Orient et Monde - Syrie

Les habitants pris au piège dans la province d’Idleb

L’escalade des violences entraîne des déplacements de population vers la frontière avec la Turquie.

Une épaisse fumée se dégage suite à un bombardement imputé au régime syrien dans le village de Kafr Aïn, jeudi dans la province d’Idleb. Omar Haj Kadour/AFP

« Des avions de reconnaissance viennent de faire le tour de Khan Cheikhoun. Restez sur vos gardes. » La messagerie WhatsApp du téléphone portable de Laith* ne cesse de sonner. Cet activiste de l’opposition syrienne ne peut quitter sa ville de la province d’Idleb, bombardée depuis des mois par les forces de Bachar el-Assad et leur allié russe. « On se tient tous informés sur le groupe pour pouvoir se protéger ou intervenir au cas où il y a des victimes après les bombardements », explique-t-il par téléphone. Depuis une dizaine de jours, plusieurs localités au nord de la province de Hama et au sud de celle d’Idlib subissent un déluge de feu. Les médias de l’opposition qualifiaient la journée d’hier comme la plus violente depuis le début de l’accord de cessez-le feu, avec plus de 224 raids aériens et 366 roquettes lancés par Damas. « À Idleb, on ressent les secousses des bombes qui atteignent des villages à plus de 100 km de là. Ce déferlement de violence est impressionnant », confie Assaad, un journaliste de la ville.


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La province d’Idleb et les territoires insurgés adjacents font l’objet depuis septembre 2018 d’un accord russo-turc sur une « zone démilitarisée » censée permettre à la région d’éviter une vaste offensive militaire du régime. Un cessez-le-feu constamment violé depuis des mois par Damas. Cette province, majoritairement contrôlée par le groupe jihadiste Hay’at Tahrir al-Cham (HTC), dominé par l’ex-branche syrienne d’el-Qaëda, est dans le collimateur du régime qui espère en découdre une fois pour toutes avec la rébellion. Comme lors de la reprise de la Ghouta et d’Alep-Est, le régime accentue la pression sur la population pour la pousser à la reddition. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), entre le 15 février et le 2 mai, plus de 559 personnes ont été tuées dans les zones de trêve russo-turques, dont 85 enfants. En quelques jours, la vague de bombardements est montée en puissance. « Nous sommes bombardés 24h sur 24 et par tous types d’armes : missiles, barils, roquettes… On s’attend vraiment à une offensive terrestre prochaine de la part de l’armée et de ses alliés et les factions rebelles s’activent pour rassembler leurs effectifs », résume Laith. Les États-Unis ont appelé mardi Moscou et le régime syrien à se conformer à leurs engagements et à mettre fin à l’« escalade » de violence dans la région d’Idleb. Certaines factions proches d’Ankara dénoncent les violations russes de l’accord signé en septembre et craignent qu’elles ne soient le prélude à une offensive plus vaste.


(Lire aussi : Moustapha el-Khatib, un « miraculé » des prisons d’Assad)


Décapité par l’explosion
À Maarat al-Noumane, où les bombardements se poursuivaient hier, des centaines de personnes ont manifesté dans les rues contre les bombardements du régime et de Moscou. Khan Cheikhoun en revanche a des allures de ville fantôme, selon plusieurs habitants, les gens ne sortant de chez eux que par extrême nécessité. Alors que le mois de ramadan approche, plus de 90 % des magasins ont baissé leurs rideaux. « Tout le monde a peur. Il ne se passe pas une minute sans la déflagration d’un missile ou d’un obus. Moi, je passe mes journées à courir à droite et à gauche pour aider les secouristes qui peinent à venir en aide aux victimes », raconte l’activiste. Il n’y aurait plus que 30 % de la population initiale, pour la plupart des jeunes gens ou des familles n’ayant pas les moyens de partir. « Je reste et j’attends la mort. Nous n’avons pas le choix. Fuir est humiliant et je n’ai pas de quoi payer un logement pour mes parents ailleurs », dit-il. Karim*, un autre habitant de Khan Cheikhoun, avait fui avec sa famille les bombardements en février dernier pour se réfugier plus au nord, à Jabal Zawiya. Le pilonnage y étant incessant depuis quatre jours, la famille est retournée hier avec précipitation dans son village d’origine. « C’est l’horreur partout, donc mieux vaut mourir chez soi », confie Karim. À peine arrivé dans l’appartement familial, il apprenait la mort d’une famille à Jabal Zawiya, suite à un bombardement près de leur ancien logement. « Tout le monde m’a écrit pour s’enquérir de notre santé, car l’homme a été décapité par l’explosion », raconte-t-il.

Selon l’ONU, plus de 138 500 personnes ont été déplacées de la zone tampon depuis février, dont plus de 32 500 rien que durant le mois d’avril. « C’est la panique dans tout le rif d’Idleb, et même dans celui de Hama. Depuis deux jours, je vois affluer des tas de voitures dans le centre-ville d’Idleb. Les gens cherchent des hébergements libres, mais c’est quasi impossible, donc ils tentent d’aller vers la frontière turque », témoigne Ahmad* via WhatsApp. Les déplacements entraînent une crise majeure au niveau de l’immobilier. « Il faut débourser 100 dollars par mois pour un appartement en colocation avec parfois jusqu’à 15 personnes à Idleb. Dans les zones frontalières avec la Turquie, les prix peuvent grimper jusqu’à 500 dollars, ce qui est hors budget pour la plupart d’entre nous », poursuit Ahmad.

* Les prénoms ont été changés pour des raisons de sécurité.


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LA LIBRE EXPRESSION

14 h 50, le 04 mai 2019

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    14 h 50, le 04 mai 2019

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