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Liban - Liberté d’expression

La liste noire s’allonge : un cheikh et deux journalistes devant la justice

Alors qu’Adam Chamseddine a de nouveau comparu devant le tribunal militaire, le juge Peter Germanos a porté plainte contre la journaliste Mona Saliba. Le cheikh Mohammad Ali Hajj fait, quant à lui, l’objet de trois plaintes pour avoir critiqué le CSC.


Adam Chamseddine, reporter à al-Jadeed. Photo tirée de son compte Facebook

Faire son métier de journaliste, exprimer son opinion sur les réseaux sociaux ou encore produire des indices contre la corruption (contre laquelle tout le monde semble pourtant pressé de lutter) devient extrêmement périlleux au Liban. Trois affaires, qui se poursuivent depuis un certain temps ou qui viennent d’éclater, en sont l’illustration.

Ainsi, le journaliste Adam Chamseddine, de la chaîne al-Jadeed, a comparu une nouvelle fois devant le tribunal militaire, dans le procès intenté contre lui par la Sécurité de l’État, qui l’accuse de « dénigrement » parce qu’il a critiqué l’arrestation injustifiée d’un homme atteint du sida. De son côté, la journaliste Mona Saliba fait l’objet d’un procès intenté contre elle par le juge Peter Germanos, délégué du gouvernement près la cour militaire, sur fond d’un reportage portant sur lui. De son côté, le cheikh chiite Mohammad Ali Hajj fait l’objet de non moins de trois plaintes pour avoir évoqué des affaires de corruption au sein du Conseil supérieur chiite. Les trois affaires ne se ressemblent pas nécessairement, mais elles ont un point commun, elles témoignent d’une intention de plus en plus manifeste de réprimer les libertés d’expression et de presse.

Ainsi, selon l’Agence nationale d’information, le juge Germanos a porté plainte contre la journaliste Mona Saliba auprès du tribunal des imprimés pour « avoir publié une information sur le site internet de la MTV, et l’avoir diffusée durant le journal télévisé de 20 heures de cette même soirée, comportant des éléments erronés le concernant, dans l’objectif de remonter l’opinion publique contre lui et d’influer sur les décisions des autorités, poussée par des parties non identifiées à semer le doute autour de lui ». Il précise également qu’un certain Joseph Azar, qui se fait passer pour le directeur de son bureau de communication, est en fait un proche des appareils sécuritaires depuis des années.

Contactée pour un commentaire, la MTV a refusé de répondre aux questions de L’Orient-Le Jour tant qu’elle n’a pas été notifiée officiellement du procès. Aucun commentaire non plus du côté du juge Germanos.


(Lire aussi : Le Liban perd des places en matière de liberté d’expression, d’indépendance judiciaire et de lutte contre les discriminations)

« Sans loi claire, le chaos persistera »

Adam Chamseddine, lui, a été entendu hier une nouvelle fois devant le parquet militaire. Il explique à L’OLJ qu’au cours d’une séance d’interrogation précédente, le juge d’instruction unique auprès du parquet militaire, le général Antoine Halabi, avait refusé de plancher sur les vices de forme. Le journaliste et son avocat ont en effet fait valoir depuis le début de l’affaire que le parquet militaire n’a pas compétence à statuer en pareilles affaires, qui sont du ressort du tribunal des imprimés. M. Chamseddine est poursuivi pour avoir publié sur son compte Facebook un plaidoyer contre l’arrestation d’un tatoueur par la Sécurité de l’État, parce qu’il est atteint du sida (sous prétexte qu’il représente un danger pour ses clients).

Le journaliste a été interpellé depuis pour « dénigrement de la Sécurité de l’État », et il a été précédemment condamné à trois mois de prison par contumace. Hier donc, il devait être une nouvelle fois interrogé par le juge Halabi, mais les choses ne se seraient pas passées comme prévu. Au cours de la séance, raconte-t-il, « le juge s’est retiré, et un autre juge, le général Hassan Abdallah, a poursuivi l’interrogatoire ». Est-ce usuel qu’un tel échange ait lieu ? « Je crois qu’il s’agit d’un précédent, mais qu’on a voulu épargner au juge Halabi de devoir se rétracter », répond-il. Et de poursuivre : « Le général Abdallah est un militaire qui a été blessé au combat. Je lui ai dit que j’étais interpellé pour un avis que j’avais exprimé sur les réseaux sociaux et que ce n’était pas de la compétence du tribunal militaire de statuer en pareilles affaires. Mon avocat Aymane Raad a lui aussi fait valoir deux arguments, d’une part la non-compétence du tribunal, et d’autre part qu’il n’y a pas eu dénigrement des forces de l’ordre. J’ai dit au juge que j’espérais être innocenté et… félicité. Ce dernier terme l’a étonné, mais je lui ai affirmé que j’étais fier d’avoir défendu un homme sans défense. En fin de compte, le juge a conclu à la non-compétence de la cour militaire et renvoyé le dossier auprès du juge Peter Germanos. »

À partir de là, le journaliste souligne que le juge aura trois possibilités : soit de confirmer que le dossier doit être traité par la cour militaire, soit le transmettre au tribunal des imprimés, soit clore l’affaire une fois pour toutes.

La liberté d’expression justement, qu’en reste-t-il avec toutes ces plaintes pour des opinions sur des réseaux sociaux ? « Je crains pour la liberté d’expression, cela est sûr, affirme M. Chamseddine. En l’absence d’autres espaces d’expression, les réseaux sociaux se font l’exutoire de toute sorte d’opinions, il faut donc s’attendre à une répression, une tentative de cerner toute cette nouvelle liberté. Et en l’absence de lois claires qui régissent les réseaux sociaux, le chaos va persister, notamment au niveau des jugements. Il nous faut une loi moderne qui prenne en compte les nouveaux espaces d’expression. »


(Pour mémoire : Liberté d'expression, torture, discriminations : Amnesty épingle le Liban)


Trois plaintes du CSC… au moins

Le cas du cheikh Mohammad Ali Hajj nous est détaillé par le chercheur Lokman Slim. Celui-ci explique à L’OLJ que « depuis 2010-2012, le cheikh Hajj, d’autres personnes et moi-même essayons d’alerter la justice sur des faits anormaux au sein du CSC, ayant trait à plusieurs aspects comme l’élection du président, la gestion financière, etc. ». Il ajoute qu’une plainte a même été déposée auprès du Conseil d’État, mais sans suite.

« Récemment, le cheikh Hajj a été invité à participer à l’émission de Ghada Eid à la MTV, où il a présenté des preuves de cas de corruption au sein du CSC. Depuis, il fait l’objet d’une vague de plaintes, trois jusqu’à présent, mais nous avons des informations à propos de deux autres : l’une auprès du juge des référés, la seconde auprès du parquet civil et la troisième auprès du bureau de cybercriminalité (des Forces de sécurité intérieure). Il a été entendu dans le cadre des deux premières, et il sera convoqué mardi au bureau de cybercriminalité. »

Toujours selon Lokman Slim, des pressions sont exercées sur les médias pour arrêter d’inviter le religieux sur les plateaux. « Au lieu que la justice ne se saisisse de cette affaire, le dénonciateur se retrouve dans l’œil du cyclone, déplore-t-il. Mais nous le soutenons dans sa revendication de réformes au sein du CSC et allons multiplier les sit-in et les activités contre les tentatives de le faire taire. » « Cette affaire dépasse la simple question communautaire au moins par deux aspects : la liberté d’expression et la lutte contre la corruption qu’on essaie d’étouffer dans l’œuf », conclut-il.



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HRW publie un nouveau rapport accablant sur le Liban

Solidarité massive avec quatre journalistes libanais ayant défié la censure


Faire son métier de journaliste, exprimer son opinion sur les réseaux sociaux ou encore produire des indices contre la corruption (contre laquelle tout le monde semble pourtant pressé de lutter) devient extrêmement périlleux au Liban. Trois affaires, qui se poursuivent depuis un certain temps ou qui viennent d’éclater, en sont l’illustration. Ainsi, le journaliste Adam Chamseddine, de...

commentaires (4)

un parti qui se dit LIBAN FORT n'a pas besoin de dechainer ces sbires contre ceux qui donne une opinion et souvent des preuves que le president a lui meme demande au peUple de trouver et d'informer Attaquer ces journalists et toutes les personnes qui donnent une opinion est une honte mais malheureusement le gendre ( CONTRE PAULA YACOUBIAN) a donne l'example et toute la classe politique et autre le fait L'EXAMPLE DOIT ETRE DONNE AU PLUS HAUT SOMMET DE L'ETAT LA CRITIQUE EST PERMISE TOUJOURS SURTOUT PREUVE A L'APPUI ET SANS CRAINDRE LES POURSUITES JUDICIAIRES OU ALORS QU'ON CESSE DE DIRE QUE CE GOUVERNEMENT FORT EST " AU TRAVAIL " SANS AJOUTER APRES TRAVAIL ( POUR DEVELOPPER ENCORE PLUS LA CORRUPTION )

LA VERITE

11 h 13, le 12 avril 2019

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Commentaires (4)

  • un parti qui se dit LIBAN FORT n'a pas besoin de dechainer ces sbires contre ceux qui donne une opinion et souvent des preuves que le president a lui meme demande au peUple de trouver et d'informer Attaquer ces journalists et toutes les personnes qui donnent une opinion est une honte mais malheureusement le gendre ( CONTRE PAULA YACOUBIAN) a donne l'example et toute la classe politique et autre le fait L'EXAMPLE DOIT ETRE DONNE AU PLUS HAUT SOMMET DE L'ETAT LA CRITIQUE EST PERMISE TOUJOURS SURTOUT PREUVE A L'APPUI ET SANS CRAINDRE LES POURSUITES JUDICIAIRES OU ALORS QU'ON CESSE DE DIRE QUE CE GOUVERNEMENT FORT EST " AU TRAVAIL " SANS AJOUTER APRES TRAVAIL ( POUR DEVELOPPER ENCORE PLUS LA CORRUPTION )

    LA VERITE

    11 h 13, le 12 avril 2019

  • A CE TRAIN ON SERAIT A LA QUEUE DE LA LISTE DES PAYS OU LA LIBERTE D,EXPRESSION EST PERMISE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 09, le 12 avril 2019

  • Avis à la population! Une grande campagne anti-corruption est lancée au niveau national! Article 1: Tout citoyen est invité à dénoncer tout acte de corruption dont il aurait été témoin ou dont il aurait eu connaissance. Article 2: Toute critique justifiée ou non, envers une personnalité politique, député, ministre ou chef de parti proche du pouvoir, ou envers un organisme officiel, et ce, sans qu'il soit nécessaire de faire examen des preuves éventuellement présentées, est passible de jugement.

    Yves Prevost

    07 h 42, le 12 avril 2019

  • Mais ceci n’est que du menu fretin, le peuple demande du sang, du gros sang, du vrai sang, celui des grands requins et les saigner à blanc comme ils le font pour lui. Mascarades, pantomimes, comedies, demain un subalterne sera mis aux arrêts, reconnu coupable, crucifié, pendu, décapité, il portera et le chapeau et tous les péchés du monde, puis on n’en parlera plus. Georges Tyan

    Lecteurs OLJ 3 / BLF

    07 h 28, le 12 avril 2019

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