Le président Michel Aoun a affirmé jeudi en recevant son homologue grec Prokópis Pavlópoulos que le Liban refusait de se joindre à toute alliance internationale dont ferait partie Israël, notamment en ce qui concerne l'exploitation d'hydrocarbures offshore, alors que les pays de la région, dont la Grèce, œuvrent au développement de tels mécanismes de coopération avec l'Etat hébreu.
"Nous avons hâte de participer au sommet rassemblant le Liban, la Grèce et Chypre, qui sera accueilli par Nicosie afin de consolider la coopération entre les trois pays", a déclaré M. Aoun à l'issue d'une réunion avec son homologue grec au palais de Baabda. "J'ai assuré au président grec le droit du Liban d'exploiter le pétrole et le gaz dans sa Zone économique exclusive", a déclaré le président Aoun, qui a insisté sur "le refus" de son pays d''intégrer tout forum ou mécanisme de coopération auquel participe Israël, entre autres le Forum du gaz de la Méditerranée orientale (EMGF)".
La création de l'EMGF avait été annoncée en janvier dernier au Caire. Ce forum rassemble l’Égypte, Chypre, la Grèce, l’Italie, Israël, la Jordanie et la Palestine, et ambitionne de développer des infrastructures, des politiques et des projets communs. Israël faisant partie de ce forum, le Liban ne peut y participer. Parallèlement à ce projet, la Grèce et Chypre sont membres, avec Israël, du projet de développement d'un gazoduc sous-marin, EastMed, reliant l'est de la Méditerranée à l'Europe.
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Beyrouth a accueilli ces derniers jours une série de responsables et ministres grecs et chypriotes, entre autres les chefs de la diplomatie des deux pays, Georgios Katrougalos et Nikos Christodoulides. Le chef de l'Etat libanais a qualifié les réunions qu'ils ont tenues à Beyrouth de "pont de communication" entre les trois pays, très important "pour partager les expériences, notamment en matière de droit maritime".
Dans ce contexte, le Liban et Chypre ont annoncé jeudi œuvrer à la mise en place d'une "alliance pétrolière et gazière" concernant l'exploration des fonds marins riches en hydrocarbures à la lisière entre leurs zones maritimes respectives.
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Les réfugiés
Le président libanais a par ailleurs remercié son homologue grec pour la solidarité de la Grèce avec le Liban et sa participation à la conférence de Paris d'avril dernier, au cours de laquelle onze milliards avaient été promis à Beyrouth par la communauté internationale. Il a encore évoqué avec M. Pavlópoulos la question des réfugiés syriens : "Je lui ai expliqué que le Liban ne peut plus supporter le poids de la présence d'1,8 million de déplacés, qui viennent s'ajouter aux réfugiés palestiniens". Il a appelé à ce que la communauté internationale "prenne ses responsabilités pour œuvrer à fermer rapidement ce dossier en facilitant le retour" des réfugiés vers "les régions sûres de Syrie".
De son côté, le chef de l'Etat grec a exprimé "sa reconnaissance envers le Liban qui fait preuve de beaucoup d'humanité et de solidarité" envers les réfugiés syriens, estimant que l'Europe aurait dû intervenir en Syrie, ce qui aurait permis de "mettre un terme bien plus tôt à la guerre, et avec moins de dégâts". M. Pavlópoulos a encore salué le rôle important que joue le Liban dans la région en faveur du dialogue entre les cultures.
Le Liban accueille près d’un million de réfugiés syriens, selon les chiffres de l'ONU et la question de leur retour fait polémique sur la scène politique libanaise. Certains responsables, notamment le chef de l'Etat, appellent à organiser le retour de ces réfugiés vers la Syrie, estimant que le pays quasi-entièrement reconquis par les forces du régime est désormais "sûr".
"Nous soutenons le Liban pour qu'il puisse redevenir prospère", a souligné le président grec. Et d'ajouter que la Grèce interviendra auprès des instances internationales pour qu'Israël "applique le droit international" afin que les droits du Liban en matière de souveraineté territoriale soient respectés.
Dans l'après-midi, Prokópis Pavlópoulos a été reçu à Aïn el-Tiné par le président du Parlement, Nabih Berry. Ce dernier a déclaré, à l'issue de leur réunion, que le Liban faisait face à "un mois délicat, au cours duquel des mesures doivent être prises, à commencer par le budget, soulignant qu'il n'y avait toutefois pas de raison "d'avoir peur pour le pays".
La veille, le Premier ministre libanais, Saad Hariri, avait affirmé "craindre que le Liban finisse par connaître une crise similaire à celle qu’a connu la Grèce, et cela ne doit pas arriver", en référence à la crise de la dette publique qu'a connue Athènes en 2008. Nabih Berry a souligné que "le plan de réformes du secteur de l'électricité est en bonne voie, mais cela n'est pas suffisant, il faut que nous préparions notre agenda en ce qui concerne l'adoption du budget" de l'Etat pour l'exercice 2019.
Avec Saad Hariri, qui l'a reçu au Sérail, M. Pavlopoulos a évoqué "les derniers développements au Liban et dans la région, de même que les relations bilatérales entre les deux pays et les façons de les développer, notamment aux niveaux économique et touristique".
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commentaires (12)
Donc en somme il suffirait à Israel d'être présent dans tous les forums pour écarter le Liban en tant que concurrent potentiel? Brillantissime! Au contraire, si on veut lui mettre des bâtons dans les trous, il faudrait justement participer à tous les forums où Israel est présent, et vendre notre gaz moins cher. Ce qui dans tous les cas de figure serait mieux que de ne pas le vendre du tout...
Gros Gnon
12 h 17, le 12 avril 2019