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Liban - Décryptage

Des pressions américaines qui vont crescendo

Ceux qui croyaient que la visite du secrétaire d’État américain au Liban était désormais une page tournée, sans aucun effet en raison de l’unité affichée par les responsables et les différentes parties politiques, se trompent. Chaque jour qui passe permet de dévoiler une nouvelle mesure américaine destinée à faire pression sur le Liban pour qu’il prenne ses distances avec le Hezbollah.

Il y a donc d’abord eu le communiqué d’une rare violence lu par le secrétaire d’État Mike Pompeo à partir du siège du ministère libanais des Affaires étrangères. Il y a eu aussi les informations divulguées après le départ de M. Pompeo au sujet de l’existence d’une usine de fabrication de missiles appartenant au Hezbollah et installée dans la banlieue sud de Beyrouth. Selon les informations rapportées par certaines parties, le secrétaire d’État aurait soulevé cette question avec les responsables en précisant que le Premier ministre israélien lui aurait donné l’information et que l’existence d’une telle usine est inacceptable pour les Israéliens et les Américains, et pourrait entraîner de graves problèmes pour le Liban, justifiant même des bombardements ciblés. Le message était clair et il consistait à pousser les responsables libanais à prendre non seulement leurs distances avec le Hezbollah, mais aussi des mesures concrètes pour l’isoler et le priver de son influence interne.

En dépit de sa clarté, le message de M. Pompeo ne semble pas avoir été bien reçu par les différentes parties libanaises, qui ont privilégié l’unité interne et ont poursuivi leurs activités comme si de rien n’était.

Mais l’administration américaine n’en est pas restée là. Le président Donald Trump a ainsi annoncé sa reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le Golan qui, selon le président de la République Michel Aoun, pourrait avoir des conséquences sur le sort des fermes de Chebaa, des collines de Kfarchouba et d’une partie de la localité de Ghajar, secteurs que le Liban considère libanais. La décision du président américain sur le Golan n’a toutefois pas été acceptée par les dirigeants arabes réunis au sommet de Tunis, qui l’ont condamnée sans prendre cependant de mesures concrètes pour obtenir son annulation. Les dirigeants libanais, Michel Aoun et Nabih Berry en tête, ont été pratiquement les seuls à appeler à une réaction musclée de la part des Arabes. Le président de la Chambre a ainsi déclaré, dans le cadre de la réunion de l’Union parlementaire mondiale à Doha, que la seule solution pour faire face aux ambitions hégémoniques israéliennes est la résistance et l’unité.

Presque au même moment, des informations ont commencé à être publiées dans la presse arabe et internationale sur la volonté de l’administration américaine d’imposer des sanctions économiques à des personnalités proches du Hezbollah, notamment le président de la Chambre. Dans l’approche américaine du dossier libanais, c’est une première car, jusqu’à présent, les administrations américaines successives avaient pris soin de faire une distinction entre le Hezbollah et ses partisans, d’un côté, le président de la Chambre Nabih Berry et ses partisans, de l’autre, ces derniers étant considérés comme des interlocuteurs acceptables et des remplaçants potentiels du Hezbollah au sein de la communauté chiite. L’idée d’imposer des sanctions à Nabih Berry constitue donc un grand changement dans la politique américaine à l’égard du Liban, qui équivaudrait désormais à pointer du doigt toute la communauté chiite au Liban. Après la publication de cette information, les milieux proches de M. Berry ont affirmé qu’il n’y a pour l’instant rien de concret sur ce sujet. De même, le député Yassine Jaber (membre du bloc parlementaire de Nabih Berry, actuellement à Washington avec le président de la commission parlementaire des Finances Ibrahim Kanaan dans le cadre d’une mission officielle prévue avant les rumeurs sur l’élargissement des sanctions américaines à de nouvelles personnalités libanaises) a affirmé qu’il n’y a aucune décision officielle sur ce sujet. Mais pour les milieux proches d’Amal, le fait même de lancer de telles rumeurs à travers les médias constitue une sorte d’avertissement adressé à M. Berry et à ses proches, après les propos directs que lui avait adressés le secrétaire d’État américain. Pour ces milieux, les informations ainsi publiées auraient pour objectif de faire pression sur le chef du mouvement Amal et ses partisans en leur montrant le sérieux des intentions américaines.

Dans ce contexte, la décision annoncée hier par Mike Pompeo de mettre les gardiens de la révolution iraniens sur la liste des organisations terroristes constitue aussi un nouveau seuil franchi par l’administration actuelle dans la lutte qu’elle mène contre l’Iran et son influence dans la région. D’une part, les gardiens de la révolution sont une institution officielle iranienne et, de l’autre, ils constituent un élément important de l’économie de ce pays. Par ailleurs, c’est en principe à travers eux que passent les aides accordées par l’Iran au Hezbollah. Il s’agit donc d’une décision à la fois hautement symbolique et effective qui augmente encore les pressions sur l’Iran et ses alliés dans la région et vise à resserrer encore plus l’étau économique autour de Téhéran et du Hezbollah.

Quelle sera la riposte des Iraniens et de leurs alliés ? Le secrétaire général du Hezbollah doit prononcer un discours aujourd’hui, en principe à l’occasion de la Journée du blessé, une occasion qui arrive à point nommé pour lui permettre de répondre aux pressions américaines. Mais la tendance ne semble pas être d’aller vers l’apaisement par crainte des sanctions.


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Ceux qui croyaient que la visite du secrétaire d’État américain au Liban était désormais une page tournée, sans aucun effet en raison de l’unité affichée par les responsables et les différentes parties politiques, se trompent. Chaque jour qui passe permet de dévoiler une nouvelle mesure américaine destinée à faire pression sur le Liban pour qu’il prenne ses distances avec le...

commentaires (5)

"Journée du blessé", "journée du non-blessé", "journée de l'ancien blessé", "journée du futur blessé"... les occasions ne manquent pas. Les fermes de Chebaa, une partie de Ghajar, secteurs que le Liban considère libanais donc, selon Scarlett Haddad, personne autre que le Liban ne les considère comme libanais... Ce secteur n'est pas libanais, aucun Libanais ne doit mourir pour libérer une terre qui n'est pas la sienne. Et vous, Scarlett Haddad, êtes-vous Libanaise ou d'origine libanaise ou néo-libanaise ?

Un Libanais

16 h 40, le 10 avril 2019

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Commentaires (5)

  • "Journée du blessé", "journée du non-blessé", "journée de l'ancien blessé", "journée du futur blessé"... les occasions ne manquent pas. Les fermes de Chebaa, une partie de Ghajar, secteurs que le Liban considère libanais donc, selon Scarlett Haddad, personne autre que le Liban ne les considère comme libanais... Ce secteur n'est pas libanais, aucun Libanais ne doit mourir pour libérer une terre qui n'est pas la sienne. Et vous, Scarlett Haddad, êtes-vous Libanaise ou d'origine libanaise ou néo-libanaise ?

    Un Libanais

    16 h 40, le 10 avril 2019

  • On peut élaborer toutes les théories possibles, le Hezbollah risque d'entrainer le Liban dans des catastrophes pour le compte des autres. Qu'il nous épargne dorénavant sa soi-disant "résistance à Israël" qui en fait est devenue depuis des années un paravent pratique pour le projet iranien d'éliminer Israël. Le Hezbollah 100% iranien n'hésitera pas de sacrifier notre Liban ainsi qu'une partie de sa population, pour exécuter les ordres venus de Téhéran qui l'arme et le finance. On se souvient tous de ce qui est arrivé en 2006 ! Irène Saïd

    Irene Said

    12 h 09, le 10 avril 2019

  • Les américains ne protègent que les interêts israeliens , strictement , et rien d'autre, tenez-vous le pour dit encore et encore ! Que le Liban disparaisse , si c'est de leur interêt !

    Chucri Abboud

    11 h 35, le 10 avril 2019

  • En lisant votre article, il s'en dégage un mélange de tristesse et de révolte... C'est insupportable que le citoyen libanais et ses politiques n'aient pas pu défendre et rétablir tout seuls, la Souveraineté Nationale, bafouée et otage pendant presque quarante ans, d'un parti, dont l'allégeance inconditionnelle à un Etat étranger et à son idéologie ont bloqué toutes les vélléités de réhabilitation de l'Etat de Droit...! De même qu'il est aussi lamentable aujourd'hui, afin de nous éviter l'effondrement et la dilution de notre Entité Nationale, d'avoir à compter sur des puissances étrangères pour récupérer notre Souveraineté...! Mais plus grave et plus hypocrite encore, c'est de trouver des individus en train de s'offusquer du contenu d'une telle démarche...!

    Salim Dahdah

    10 h 53, le 10 avril 2019

  • EN FIN DE COMPTE C,EST LE CITOYEN LIBANAIS QUI PAYERA LE PRIX.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 21, le 10 avril 2019

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