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Le Liban, seul pays au monde doté d'une Journée nationale pour le dialogue islamo-chrétien

Pourquoi avoir choisi la date du 25 mars, date de la célébration par les chrétiens de l'Annonciation ? Comment a été lancé ce projet ? L'Orient-Le Jour fait le point.

Une icône représentant l'Annonciation à Marie encadrée par le récit de cet épisode, à gauche dans la sourate coranique al-Omran, et à droite dans l'Evangile de Saint Luc.

A l'occasion de la fête de l'Annonciation, le 25 mars, nous republions ce repère écrit en 2019, sur le choix de cette date, au Liban, pour célébrer le dialogue islamo-chrétien. Ce texte avait été publié notamment après l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, issu de la droite conservatrice, au Brésil, pendant le mandat présidentiel de Donald Trump aux Etats-Unis et dix jours après les attentats terroristes de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, contre deux mosquées, qui avaient fait plus de 50 morts. 


A l'heure où, politiquement, le populisme continue de séduire du Brésil à la Hongrie en passant par les États-Unis, où l'on note ici et là des tendances au repli communautaire et/ou à une radicalisation religieuse, une certaine vision du monde que l'on pourrait résumer par "nous contre eux" fait non seulement des émules, mais est parfois clairement et fièrement revendiquée. Une situation qui peut prendre une tournure extrême et dramatique, comme lors de la tuerie le 15 mars dernier dans les mosquées de Christchurch en Nouvelle-Zélande, perpétrée par un homme se réclamant du "suprémacisme blanc".

Face à cette tendance, de nombreuses initiatives existent, prônant le dialogue, le vivre-ensemble, la tolérance. Des démarches associatives, d'autres plus symboliques et à portée internationale, comme la signature par le pape François et le grand imam sunnite de l'institut égyptien al-Azhar, le cheikh Ahmed al-Tayeb, lors d'un sommet à Abou Dhabi en février dernier, d’un "document sur la fraternité humaine", appelant en particulier à la liberté de croyance et d’expression.

Au milieu de cette foule d'initiatives, grandes et petites, officielles ou pas, le Liban a une place toute particulière dans le dialogue interreligieux. Fort de la présence sur son territoire de dix-huit communautés, ce pays qui a vécu durant les 15 années de la guerre civile ce que la haine de l'autre peut produire de pire est en effet parvenu à dépasser le simple cadre des initiatives éparses de promotion de la tolérance et du dialogue, en devenant le premier et le seul à instituer officiellement une fête nationale pour le dialogue islamo-chrétien. Cette fête est célébrée le 25 mars.

Pourquoi avoir choisi cette date, celle de la célébration par les chrétiens de l'Annonciation ? Comment a été lancé ce projet ? Retour sur la gestation de cette célébration.

La figure de Marie, pont entre les religions

Le 25 mars est pour les chrétiens la fête de l'annonce faite à la Vierge Marie par l'archange Gabriel de la conception divine de Jésus, "fils de Dieu", selon les textes bibliques. 

Dans le Coran, l'annonce par Gabriel de la maternité de Marie, non pas du fils de Dieu mais d'un prophète appelé Issa, est mentionnée dans deux sourates différentes :  la troisième sourate, al-Omran (la famille d'Omran) et la dix-neuvième, la sourate de Marie (Mariam, en arabe). La figure de Marie apparaît, elle, plus d'une trentaine de fois dans le Coran, c'est à dire plus que la mère, les épouses ou la fille du prophète Mohammed. A ce titre, et en tant que mère d'un prophète, elle bénéficie d'une reconnaissance particulière parmi les musulmans. 

Ceci explique pourquoi tant de visiteurs musulmans se rendent au sanctuaire de Notre-Dame de Harissa, sur la colline surplombant la baie de Jounieh, à une vingtaine de kilomètres au nord de Beyrouth. De même, Gérard Testard, coordinateur d’Ensemble avec Marie, une initiative française de rencontre entre chrétiens et musulmans, indiquait dans un article paru dans le journal La Croix qu'à Lourdes, théâtre aux yeux des fidèles d'apparitions mariales, les musulmans représentent 5% des 6 millions de visiteurs annuels, soit pas moins de 300.000 personnes.  


L'origine de la fête islamo-chrétienne au Liban

Au début des années 2000 se multiplient au Liban les tables-rondes, conférences et rencontres autour du thème du dialogue islamo-chrétien. "Ces événements étaient réguliers mais nous formions un club fermé de quelque 100-150 membres, qui se gargarisaient de grands mots sur le dialogue, sans avoir aucun impact sur la société", explique à L'Orient-Le Jour Nagy el-Khoury, qui était alors éducateur au collège Notre-Dame de Jamhour. Lors d'un de ces événements et lassé de ces conversations ne menant à rien de concret, il demande à Mohammad Nokkari, ancien directeur général de Dar el-Fatwa et juge chérié à Beyrouth : "Ne peut-on pas tout simplement prier ensemble ?". Ce à quoi ce dernier répond qu'il n'y a "que Marie" qui peut rassembler chrétiens et musulmans.

Ensemble, les deux hommes mettent sur pied dès juillet 2006 des rencontres de prières interreligieuses. En mars 2007, à l'occasion de la célébration de l'Annonciation, ils organisent une première grande cérémonie, à laquelle participent près d'un millier de personnes de toutes les communautés. "C'était un événement extraordinaire de voir chrétiens et musulmans prier ensemble pour une même figure religieuse, de les entendre tous chanter, d'entendre résonner l'appel à la prière dans une église", raconte le cheikh Nokkari à L'Orient-Le Jour. Devant le succès de cette démarche, à laquelle avait notamment été dépêchée une délégation d'al-Azhar, ils décident de faire de cette cérémonie un rendez-vous annuel et commencent à militer pour faire de la date du 25 mars une fête nationale officielle, afin "pour une fois, de travailler sur ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous sépare", souligne Nagy el-Khoury. 


Des représentants de différentes communautés religieuses au Liban prononçant une prière commune, lors d'une célébration pour l'Annonciation, le 25 mars 2011, en l'église Notre-Dame de Jamhour. Photo tirée du compte Facebook "Ensemble autour de Marie"
Le 25 mars, fête nationale

En février 2010, le Premier ministre Saad Hariri décrète le 25 mars, Journée nationale pour le dialogue islamo-chrétien. Cette journée devient dès lors fériée au Liban.

Sur le terrain, une trentaine d'associations de tous horizons rejoignent peu à peu MM. Nokkari et Khoury, et finissent par former la "Rencontre islamo-chrétienne autour de Marie", en charge de l'organisation des cérémonies annuelles et de nombreuses activités périphériques sur l'ensemble du territoire libanais. "Depuis le lancement de notre initiative, nous nous sommes rendus compte qu'une nouvelle culture mariale fédérant chrétiens et musulmans a vu le jour, produisant une foison d’œuvres, de peintures, de chants", souligne Nagy el-Khoury, qui décrit notamment une icône de l'Annonciation sur laquelle est écrit un extrait de la sourate coranique de Mariam.


Le logo de la Rencontre islamo-chrétienne autour de Marie

Les ambitions d'une culture du dialogue qui s'exporte

Aujourd'hui, la Rencontre veut "renforcer cette culture et l'exporter", au Liban et ailleurs.

Au niveau local, son ambition est selon M. Khoury, aujourd'hui conseiller du président de la République pour le dialogue islamo-chrétien, de parvenir à abattre toutes les barrières entre les communautés. Pour ce faire, M. Khoury, mandaté par le chef de l’État, travaille avec les dizaines d'associations locales œuvrant pour le dialogue afin de préparer un projet commun : faire du Liban un centre international pour le dialogue des religions. L'action de ce centre sera complétée par un projet d'Académie pour le dialogue entre les hommes, sur laquelle travaille actuellement le ministre d’État pour les Affaires de la présidence, Salim Jreissati.
Pour Nagy el-Khoury, le choix du Liban pour de telles initiatives n'est pas anodin : "Il s'agit d'un des seuls pays où l'on trouve une réelle mixité, il ne s'agit pas d'un pays musulman où vivent des chrétiens ou vice-versa. Malgré les crises et les problèmes, chrétiens et musulmans vivent naturellement ensemble". 

Et la culture mariale de dialogue gagne progressivement du terrain. Certes, le cheikh Nokkari a fait l'objet de critiques et de menaces de la part d'islamistes pour son engagement, certains extrémistes chrétiens ont même accusé la Rencontre de "voler la fête de l'Annonciation. "Mais la plupart de temps, il s'agit plus de malentendus que d'opposition, selon Mohammad Nokkari. Par exemple, l'utilisation du terme +prière+ posait problème aux salafistes et wahhabites, qui pensaient qu'il s'agissait d'une prière liturgique. Nous préférons dès lors parler d'+invocation+ de Marie. Même chose pour certaines personnes qui ne comprenaient pas qu'il puisse s'agir d'une fête nationale et pensaient que nous voulions ajouter une nouvelle fête religieuse aux deux grandes célébrations de l'Adha (fête du sacrifice) et du Fitr (marquant la fin du jeûne du ramadan)", ajoute-t-il. De son côté, Nagy el-Khoury souligne que "la politique joue le plus souvent les trouble-fêtes". Début janvier, la députée musulmane sunnite de Beyrouth, Roula Tabch Jaroudi (Courant du Futur), qui avait assisté à une messe et s'était avancée vers le prêtre distribuant la communion, avait été contrainte par Dar el-Fatwa de "s’excuser" et de faire à nouveau allégeance à l’islam. Malgré tout, "95% des Libanais de toutes les communautés sont convaincus du bien-fondé du projet", assure Nagy el-Khoury.

Et le cheikh d'espérer également l'ouverture de nouveaux ponts entre les communautés, "peut-être en faisant participer des chrétiens à la fête de l'Adha, Abraham étant après tout une figure très importante chez les chrétiens comme les musulmans".

Sur le plan international, le dialogue islamo-chrétien centré autour de l'Annonciation fait également de plus en plus d'adeptes. En Europe, des événements sur le modèle de la cérémonie du 25 mars sont organisés dans de nombreuses régions de France, en Belgique, à Malte et en Italie, et ce depuis quelques années. Et dans la région, le premier événement du genre a été organisé, l'année dernière à Amman, en Jordanie. Un pays qui à son tour se dirige, selon MM. Khoury et Nokkari, vers l'instauration d'une journée nationale pour le dialogue.

A l'occasion de la fête de l'Annonciation, le 25 mars, nous republions ce repère écrit en 2019, sur le choix de cette date, au Liban, pour célébrer le dialogue islamo-chrétien. Ce texte avait été publié notamment après l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, issu de la droite conservatrice, au Brésil, pendant le mandat présidentiel de Donald Trump aux Etats-Unis et dix jours après...

commentaires (9)

SORRY, JE VOIS QUE C,EST UN DE MES COMMENTAIRES DE 2019/ PAS DE PROBLEME.

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 48, le 25 mars 2024

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • SORRY, JE VOIS QUE C,EST UN DE MES COMMENTAIRES DE 2019/ PAS DE PROBLEME.

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 48, le 25 mars 2024

  • LE COMMENTAIRE DE 15.03 SIGNE LA LIBRE EXPRESSION N,EST PAS MIEN. COMMENT PEUT-ON ENVOYER DES COMMENTAIRES AU NOM D,AUTRES ET COMMENT PASSENT-ILS VOTRE CENSURE. BIEN QU,IL NE DIT RIEN QUE JE NE DIRAIS PAS .... IL N,EST PAS MIEN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 44, le 25 mars 2024

  • EQUITE OBLIGE : AVEZ-VOUS DIT DIALOGUE ISLAMO CHRETIEN AU LIBAN ? FAUT COMMENCER PAR LES DIALOGUES INTER COMMUNAUTAIRES/RELIGIEUX AVANT DE PRETENDRE ACCEDER AU PLUS HAUT DEGRE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 26, le 25 mars 2024

  • Les meilleurs dialogues sont entre sourds! Car il ne s'entendent pas pour s'offusquer de ce que l'autre dit, et continuent à s'echanger des sourires. C'est ce qu'on appelle techniquement "dialogue de sourds" mais aussi on aurait apprécier qu'ils soient aussi muets.

    Wlek Sanferlou

    17 h 45, le 26 mars 2019

  • ET IL N Y A PAS QUELQUES SEMAINES ON CRITIQUAIT LA POLITICIENNE MUSULMANE QUI ETAIT ALLER A UNE CEREMONIE RELIGIEUSE CHRETIENNE ET PASSER DEVANT LE CURE SANS PRENDRE L'OSTIE PAUVRE LIBAN

    LA VERITE

    16 h 00, le 26 mars 2019

  • ESPERONS QUE L,ANGE GABRIEL QUI A PRECHE A LA SAINTE MARIE L,IMMACULEE CONCEPTION ECLAIRE TOUS LES ESPRITS SURTOUT AU LIBAN SUR LA NECESSITE DE SAUVER CE PAUVRE PAYS DE LA MENACE DE SES FILS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 03, le 25 mars 2019

  • C SUPER BIEN, avouez le ! mais il reste que les resultats benefiques ne toucheront malheureusement QUE les peuples et pt't aussi les clerges. CERTAINEMENT PAS les politiciens de tous bords qui sont de nos jours a l'origine de ce mal. celui de denigrer l'autre POUR SES CONVICTIONS RELIGIEUSES.

    Gaby SIOUFI

    13 h 36, le 25 mars 2019

  • Notre dame de Makdouche aussi au sud du Liban

    Eleni Caridopoulou

    12 h 50, le 25 mars 2019

  • Il y a aussi Mar Makdouche au sud

    Eleni Caridopoulou

    12 h 43, le 25 mars 2019

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