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Moyen Orient et Monde - Syrie

L’Iran avance ses pions à Lattaquié, « terrain russe »

Moscou et Téhéran veulent chacun leur part du gâteau en récompense de leur participation dans le conflit syrien qui est récemment entré dans sa neuvième année.

Le président syrien Bachar el-Assad aux côtés de son homologue iranien Hassan Rohani, à Téhéran, le 25 février 2019. Photo AFP

L’Iran a franchi un cap dans sa volonté de présence à long terme en Syrie. Dans un document émanant de la direction publique du port de la ville de Lattaquié, et dont l’authenticité a été confirmée par le Syria Report (un site indépendant), la République islamique a obtenu de la part du gouvernement syrien, après un mois de pourparlers entre elle et Damas, la gestion du port de la ville principale de la région, berceau des alaouites et de la famille Assad.

Une véritable aubaine pour Téhéran qui considère ce port comme une opportunité en or pour affermir son influence non seulement en Syrie, mais plus généralement dans la région, notamment à travers la consolidation de son « axe chiite » terrestre reliant l’Iran à la Méditerranée. Selon Fabrice Balanche, géographe français spécialiste de la Syrie interrogé par L’Orient-Le Jour, « le contrat de gestion entre le port, l’entreprise Souria Holding et le transporteur CMA-CGM (qui est actuellement en cours) arrivera à expiration le 1er octobre 2019, date à laquelle les Iraniens pourront prendre officiellement la gestion du port ». À partir de cette date, la République islamique aura les mains libres pour faire entrer ce qu’elle souhaite dans le port, composé de 23 entrepôts. « Il était initialement question que les Iraniens s’installent à Tartous, notamment pour construire un complexe industriel sur place. Mais avoir la présence iranienne à côté du port militaire russe n’a pas plu à Moscou. (…) Le projet de Tartous a été abandonné au profit de Lattaquié », poursuit-il.

Cela marque un renforcement de la présence iranienne en Syrie qui intervient après la visite, le 25 février dernier, du président syrien Bachar el-Assad à Téhéran où il a notamment rencontré son homologue iranien Hassan Rohani et le guide suprême Ali Khamenei. Il s’agissait alors de la première fois que le président syrien se rendait chez son allié régional le plus proche depuis le début du conflit syrien, qui est récemment entré dans sa neuvième année. Une mosaïque d’accords militaires et commerciaux a ainsi vu le jour ces derniers mois entre Téhéran et Damas, notamment dans les domaines industriel, militaire et énergétique. L’un de ces accords prévoit en outre l’établissement de centrales de production d’électricité à Lattaquié. La gestion du port de la ville côtière vient d’une certaine manière ajouter une pierre au projet iranien de maintien de sa présence à long terme en Syrie.

Cela représente néanmoins une mauvaise nouvelle pour Israël, qui pourrait être tenté de mener des frappes sur le port en cas d’arrivée de marchandises qu’il considère comme suspectes, mais surtout pour Moscou qui considère la région de Lattaquié comme stratégique pour sa politique étrangère, notamment à travers les bases de Tartous et de Hmeimim que la Russie contrôle et où elle a beaucoup investi.


(Pour mémoire : L’Iran vante la solidité de ses liens avec la Russie)


Concurrence

« Les bases russes de Tartous et de Hmeimim se situent aux portes de la Méditerranée et assurent à Moscou une présence militaire dans une région située hors de l’ancien espace de l’Union soviétique (…). Elles leur servent à projeter leur puissance vers la Méditerranée et vers le Moyen-Orient », explique M. Balanche. « La région de Lattaquié est censée être la zone d’influence de la Russie à l’intérieur des zones contrôlées par le régime en Syrie », estime pour L’OLJ Nicholas Heras, chercheur au Center for a New American Security (CNAS). « L’avantage que les Russes ont en étant présents dans la région de Lattaquié-Tartous, est qu’ils sont en contact avec la population alaouite qui leur est favorable et qui ne risque pas de provoquer d'attaques terroristes contre eux. Les alaouites se sentent reconnaissants envers les Russes pour leur intervention en 2015 et la présence russe les rassure », poursuit M. Balanche. La Russie espérait par ailleurs obtenir le contrôle de la majorité de la région en guise de « récompense » de sa participation au conflit syrien.

La prochaine gestion iranienne du port dans cette région stratégique pour le Kremlin pourrait-elle engendrer une crise aux allures de confrontation avec Téhéran ? Sans doute pas, même si depuis plusieurs mois, une sorte de concurrence russo-iranienne tend à se dessiner, notamment pour récupérer la plus grosse part du gâteau. « Ce n’est pas encore une crise, mais cela montre que l’Iran tente d’envoyer un message à la Russie selon lequel il est bien plus connecté à Assad, à son régime et au butin de guerre en Syrie », poursuit Nicholas Heras. « Moscou et Téhéran ont prêté beaucoup d’argent à la Syrie. Les Russes ont mis la main sur les ressources en hydrocarbures du pays. Attribuer le port de Lattaquié aux Iraniens est un retour sur investissement pour la République islamique » qui a activement pris part au conflit aux côtés du régime, ajoute-t-il.

Par ailleurs, même si Russes et Iraniens sont alliés sur le papier, tous deux soutenant le régime de Bachar el-Assad et voulant limiter l’influence américaine dans la région, leurs intérêts sont majoritairement divergents. La Russie cherche de son côté à se concentrer sur la reconstruction des institutions de l’État syrien. L’Iran, au contraire, veut consolider son poids dans le pays en créant des combinaisons politiques davantage sous son influence que celle de Damas. Le journal londonien al-Arab a également révélé la semaine dernière l’existence de différends, provoqués par une crise de confiance entre le régime syrien et la Russie, après la visite de Bachar el-Assad à Téhéran. Une concurrence se voit aussi au niveau militaire. Une réunion rassemblant les chefs d’état-major syrien, iranien et irakien a eu lieu lundi dernier, précédant celle entre le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou et le président syrien. Dans les deux cas, il s’agissait de réaffirmer la primauté de la lutte contre le terrorisme.


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commentaires (13)

La Syrie est aujourd’hui un veritable patchwork ! Celui qui tire son épingle du jeu c’est la Russie qui a réussi un coup de maître dans la région et qui maintien ses bases militaires en se renforçant ainsi en Syrie et en Méditerranée . La Turquie , voisin immédiat de la Syrie , est l’electron libre qui représente une menace sur le terrain pour tout le monde . L’iran essaie d’exister et va gérer le port dans le bastion d’Assad .

L’azuréen

14 h 45, le 23 mars 2019

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Commentaires (13)

  • La Syrie est aujourd’hui un veritable patchwork ! Celui qui tire son épingle du jeu c’est la Russie qui a réussi un coup de maître dans la région et qui maintien ses bases militaires en se renforçant ainsi en Syrie et en Méditerranée . La Turquie , voisin immédiat de la Syrie , est l’electron libre qui représente une menace sur le terrain pour tout le monde . L’iran essaie d’exister et va gérer le port dans le bastion d’Assad .

    L’azuréen

    14 h 45, le 23 mars 2019

  • non il ne faut pas tjrs avoir le meme bouc émissaire la turquie …. je vois mal les russes n'avoir pas été déjà au courant … pour saovir s'ils sont d'accords ou non il faut attendre un peu et la reponse (si désaccords) se fera ressentir

    Bery tus

    01 h 14, le 23 mars 2019

  • Je suis désolé de dire car je ne voudrais pas blesser quiconque. Il faut voir ce déploiement dans un contexte plus large ... plutôt pour contrer les ambitions dangereuses de la Turquie qui semble vouloir profiter autrement ... sur le terrain. Si la Turquie comptait beaucoup sur l'installation durable de l'état islamique (ce à quoi elle s'est démené durant plusieurs années) pour tirer profit dans la région, nous savons tous que son plan a échoué.... (Heureux pour nous tous). En se rapprochant de la Russie la Turquie semble vouloir se remettre en scelle ... (ruse) Mais ni l'Iran et encore moins la Russie ne sont dupes ! A mon sens c'est un redéploiement stratégique ...compréhensible. Mais qui peut susciter des craintes chez nous au Liban dans certains partis. C'est aussi compréhensible mais faut-il vraiment craindre ? Je ne sais pas! Il faut juste comprendre que l'Iran tôt ou tard rapatriera ses combattants ou militaires, alors que la Turquie a une longue expérience dans les manipulations ("ottomaniques" et machiavéliques) politiques et entretient sur le sol syrien des milices et vise de rester voir annexer une partie de la Syrie... N'oublions pas que la Turquie, même d'aujourd'hui se considère propriétaire des "terres ottomanes"... D'où son annexion partielle de l'Arménie, de la Grèce, de la Syrie et même de l'Irak .... Affaire à suivre ...

    Sarkis Serge Tateossian

    21 h 26, le 22 mars 2019

  • Ahlala moi qui pensait que l’Iran s’etait déjà implanté sur la Méditerranée du fait de la présence du Hezbollah qui contrôle le port et l’aéroport... “L’axe chiite” qui par ailleurs contient le jihad islamique, le hamas et d’autre factions sunnites... en a marre de vos contradictions permanentes. Continuez dans votre bêtise, confessionnelle, raciste, barbare, et applaudissez l’idiot à la mèche blonde, netanyahu et consorts. Les chiens aboient, la caravane passe

    Chady

    16 h 24, le 22 mars 2019

  • " Vous ne pouvez pas serrer la main à un poing crispé. " Indira Gandhi

    FAKHOURI

    15 h 44, le 22 mars 2019

  • Les charognards se repaissent du cadavre syrien. Rien de neuf a l'horizon

    Rossignol

    14 h 10, le 22 mars 2019

  • Avant de venir nous dire que la Russie de Poutine voit rouge, ne pensez vous pas que celui qui voit rouge c'est quelqu'un d'autre que les russes ? Je parle des puissances internationales aussi bien que des sbires locaux, comme de bien entendu.

    FRIK-A-FRAK

    13 h 28, le 22 mars 2019

  • Il me semble que c'est là un évènement géopolitique majeur, dont nous avons pas encore toute la mesure des conséquences. L'Iran avec un pied-à-terre en Méditerranée, très proche du Liban, c'est une force essentielle pour l'axe irano-chiite, et une menace pour la stabilité du moyen orient. Je serai curieux d'avoir la teneur de l'accord Syro-Iranien. En principe, la gestion d'un port ne donne pas "Les mains libres" pour faire rentrer toute marchandise" dans un entrepôt du port. Ce dernier droit est lié à la souveraineté du pays (contrôle douanier des frontières). La Syrie aurait-elle abandonné sa souveraineté sur le port ?

    Apvrille Denis

    13 h 03, le 22 mars 2019

  • Fun ahead!

    Christine KHALIL

    10 h 31, le 22 mars 2019

  • Ils préparent calmement le chemin de Hassouna et de ses sbires vers le pays Alaouite... En même temps couvent les prémices du conflit a venir car, que cela plaise ou pas, la situation et les intérêts des trois larrons (Iran-Turquie-Russie ou si vous préférez, Chiite, Sunnite et Chrétien) finiront bien par voir le jour. Les cacher sous la carpettes ne change rien a la situation autant que l'ont "résiste" a s'en rendre compte. Finalement les Liba-niaises ne le sont pas autant que certains veulent le faire croire.

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 19, le 22 mars 2019

  • Il faudra encore beaucoup de patience et d'abnégation pour faire comprendre à l'auteur de cet article et aux liba-niaises que là où ils voient un conflit entre Moscou et Teheran n'est en fait qu'une coopération intelligente entre ces 2 nouvelles puissances qui ont vaincu le complot, l'une du monde et l'autre du Moyen-Orient. Le héros syrien pourra dormir sur ses 2 oreilles, sa résistance ce connaît pas de frontières. Ni frontières d'Occident ni d'Orient. Il lui sera encore plus facile de combattre la sottise.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 18, le 22 mars 2019

  • LE SECOND ROUND DU MATCH SYRIEN SE PREPARE. SOUHAITONS QU,IL SOIT POLITIQUE ET NON MILITAIRE POUR NE PAS ENFLAMMER LA REGION TOUTE ENTIERE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 01, le 22 mars 2019

  • Le fameux héros syrien, pour rester au pouvoir, a tout simplement vendu une partie de son pays à l'Iran et à la Russie, ainsi que le Golan à Israël. L'Iran n'en croit pas son bonheur= enfin un pied de "l'axe de résistance chiite" sur la côte de la Méditerrannée ! La Russie, elle, se fait payer en retour pour d'autres raisons économiques, stratégiques etc. Nous, au Liban, on se réjouit déjà de tous les problèmes que ces deux présences vont nous occasionner... Au fait, la Russie, ne se situe-t-elle pas aussi en cet "Occident" tant décrié comme comploteur ??? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 55, le 22 mars 2019

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