Le président libanais, Michel Aoun, qui se rendra en Russie les 25 et 26 mars dans le cadre d'une visite officielle, a affirmé jeudi dans des déclarations accordées à des médias russes que la communauté internationale s'efforce de "prendre en otages" les réfugiés syriens en cherchant à "encaisser les dividendes" de ce dossier dans le cadre d'une solution politique au conflit en Syrie voisine.
"Il y a des pressions exercées contre tout le monde en ce moment, à la lumière du lien que fait la communauté internationale entre la reconstruction et le retour des déplacés syriens d'une part, et l'obtention d'une solution politique (au conflit) d'autre part", a affirmé M. Aoun en réponse à une question sur d'éventuelles pressions exercées contre le Liban pour ne pas participer à la reconstruction de la Syrie qui est ravagée depuis le début de la guerre dans ce pays en 2011.
"Les pressions politiques sont directes", a insisté le président Aoun. "Les discussions avec les émissaires internationaux qui viennent au Liban portent sur cette question précisément. Le Liban s'oppose à un tel lien, car il n'y a pas de lien entre les déplacés qui veulent rentrer et la communauté internationale qui les empêche de le faire et qui cherche à prendre en otage les déplacés afin d'encaisser les dividendes dans le cadre d'une solution politique", a-t-il ajouté.
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"Le Liban agira en fonction de ses propres intérêts"
Le Liban accueille près d’un million de réfugiés syriens, et la question de leur retour fait polémique sur la scène politique libanaise. Certains responsables, et notamment Michel Aoun, appellent à organiser le retour de ces réfugiés vers la Syrie, estimant que le pays quasi-entièrement reconquis par les forces du régime est désormais "sûr". D'autres calquent leur point de vue sur celui de la communauté internationale et appellent à un règlement politique du conflit avant d'assurer ce retour.
La Russie avait annoncé en juillet dernier, à l'issue du sommet de Helsinki, qui avait réuni le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue américain, Donald Trump, son initiative pour un retour massif des réfugiés syriens de Liban et de Jordanie. Mais elle est restée lettre morte, notamment en l'absence de financement. Le Premier ministre, Saad Hariri, a affirmé mercredi soir que l'initiative russe pour le retour des réfugiés syriens est "la seule initiative pragmatique actuellement sur la table".
A la récente conférence de Bruxelles sur la Syrie, M. Hariri avait appelé à faire pression sur le régime syrien du président Bachar el-Assad pour le retour des réfugiés. Il avait en outre demandé aux pays donateurs d'accroître leur aide au Liban, soulignant que Beyrouth ne peut plus continuer à gérer cette crise comme cela se fait jusqu'ici.
Interrogé sur la capacité du Liban à mettre en œuvre l'initiative russe pour les réfugiés à la lumière des conditions posées par la communauté internationale, le président Aoun a fait savoir que "le Liban prend note des conditions internationales mais agira en fonction de ses propres intérêts". "Le Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, "nous a confirmé que la situation des déplacés syriens qui sont rentrés est bonne et qu'il vivent paisiblement" chez eux, a ajouté le président Aoun.
Concernant la normalisation des relations entre Damas et Beyrouth, une question qui divise également la classe politique libanaise entre partisans et opposants du régime Assad, le chef de l’État libanais a fait savoir que "les relations entre le Liban et la Syrie sont normales, sachant que les deux pays ont leurs ambassadeurs respectifs, ce qui prouve que ces relations ne sont pas interrompues".
Michel Aoun a également affirmé que le Liban "est capable de participer à la reconstruction de la Syrie (...)".
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Le "blocus contre le Hezbollah"
Par ailleurs, le chef de l’État libanais a abordé la question des sanctions internationales contre le Hezbollah, notamment celle imposées par les États-Unis qui considère le parti chiite comme un groupe terroriste.
"Le Liban vit sous le blocus imposé à la région, notamment du fait qu'il lui est interdit d’œuvrer avec la Syrie, et alors que le Hezbollah est sous blocus financier", a déploré le président Aoun. "Nous sommes ainsi sous blocus mondial, car les effets néfastes du blocus contre le Hezbollah affectent tous les Libanais ainsi que les banques du pays qui craignent que n'importe quel client ait des liens avec le Hezbollah". "Le Liban est désormais sous la coupe du blocus qui touche les autres pays, notamment l'Iran, et passe en conséquence par une grande crise, mais nous ne nous attendons pas à des mesures supplémentaires concernant le secteur bancaire", a-t-il ajouté.
Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a estimé jeudi en Israël, avant de poursuivre sa tournée régionale par Beyrouth demain, que le Hezbollah était une menace pour la stabilité du Moyen-Orient.
Le président Aoun s'entretiendra en Russie avec son homologue russe, Vladimir Poutine, mardi prochain. Il aura des entretiens également avec divers responsables russes durant son séjour. Le chef de l’État libanais a fait savoir aujourd'hui que le programme de l'entretien avec le président Poutine est toujours en cours d'élaboration, mais il a précisé que certains sujets auront trait au "Moyen-Orient et aux guerres qui secouent plusieurs pays de la région et qui ont des conséquences sur le Liban ainsi que sur la situation des chrétiens d'Orient". Il a également mentionné le dossier des réfugiés syriens et l'initiative russe pour leur rapatriement, ainsi que le soutien libanais à cette initiative.
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commentaires (5)
LE JEU DU REGIME SYRIEN, DE LA RUSSIE ET DE L,IRAN EN CE QUI CONCERNE LES REFUGIES ET LES DEPLACES N,EST PAS A MEPRENDRE !
LA LIBRE EXPRESSION
10 h 03, le 22 mars 2019