Les retombées du discours incendiaire du ministre des Affaires étrangères et chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil jeudi dernier 14 mars n’en finissent pas de se faire ressentir, faisant craindre un éclatement du gouvernement et du compromis présidentiel avec, en toile de fond, les dossiers conflictuels des réfugiés, de la corruption ou encore de l’électricité.
« Soit le retour des réfugiés, soit plus de gouvernement. Soit l’élimination de la corruption, soit plus de gouvernement. Soit réduire le déficit en électricité à zéro, soit un gouvernement réduit à zéro », avait menacé le chef du CPL jeudi dernier, lors d’un dîner de son parti à l’occasion de la commémoration du 14 mars 1989, date du lancement de la « guerre de libération » par le général Michel Aoun, alors chef d’un cabinet militaire de transition, contre les troupes syriennes au Liban.
« D’importants pays empêchent le retour des déplacés dans leur pays. Nous ne permettrons pas la chute du Liban sous prétexte d’humanité au moment où la plus grande action humanitaire consiste à ramener les déplacés dans leur pays », a déclaré M. Bassil. « Ce n’est pas par hasard qu’aujourd’hui je suis avec vous et pas à la conférence de Bruxelles (pour l’avenir de la Syrie, qui avait lieu le même jour), a-t-il ajouté. Ces conférences (donnent de l’argent) pour que les déplacés restent à leur place. Nous, nous voulons qu’elles financent leur retour. »
« Ceux qui veulent le retour des déplacés doivent arrêter leurs mensonges sur la normalisation (des relations) avec la Syrie, a encore dit M. Bassil. Nos relations avec la Syrie existent, elles ne sont pas rompues et n’ont pas besoin de normalisation. »
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Hausse de ton puis accalmie
Les propos de M. Bassil intervenaient au lendemain d’une rencontre avec le Premier ministre, au cours de laquelle le chef du CPL aurait tenté entre autres de convaincre M. Hariri de recourir à nouveau aux navires-centrales afin de combler le déficit en matière de courant électrique. Idée que le chef du gouvernement n’aurait pas acceptée, provoquant de ce fait la colère de Gebran Bassil et poussant ce dernier à hausser le ton et à brandir la menace des réfugiés, de la corruption et de l’échec du gouvernement. Sans oublier le fait que les deux responsables sont aux antipodes au niveau du dossier des réfugiés syriens. M. Bassil et ses alliés estiment qu’il faut collaborer avec Damas pour leur retour, tandis que les partis du 14 Mars pensent que le régime de Bachar el-Assad ne veut pas rapatrier les réfugiés et tenterait de provoquer un changement démographique en Syrie.
S’exprimant à nouveau hier lors de la conférence annuelle du CPL, Gebran Bassil s’est abstenu de jeter de l’huile sur le feu, ce qui a été interprété par certains observateurs comme étant un signe d’accalmie. M. Bassil a réitéré qu’il n’avait aucune intention de briguer la présidence de la République et que les personnes affirmant le contraire cherchaient à le blesser et « à porter atteinte au CPL, au président et au pays », ajoutant qu’il ne permettrait pas « que se répande le virus de la corruption » dans les rangs de son parti. « Je vais vous le dire pour la première fois, je ne devais pas être ministre mais j’ai été obligé de le faire pour le CPL, le président et le pays. J’espère sortir du ministère le plus tôt possible, pour préserver mes intérêts et ma position », a-t-il souligné.
Prenant la défense de M. Bassil, le ministre de la Défense, Élias Bou Saab, a réitéré la demande d’un « retour sécurisé » des réfugiés et non d’un « retour volontaire » qui pourrait, selon lui, les pousser à demander le droit d’asile. « À la différence des Forces libanaises, du Parti socialiste progressiste et du courant du Futur, nous mettons l’intérêt du Liban avant tout et ne sommes pas obligés de complaire à la communauté internationale dans ce dossier », a lancé M. Bou Saab dans une déclaration le week-end dernier. Et le député Mario Aoun de reprendre une diatribe chère au CPL lors d’une interview sur Radio Liban. « Ce qui s’est passé à Bruxelles est faux, s’il s’avère qu’il y a eu versement d’argent pour que les réfugiés restent sur place », a-t-il dit, tout en excluant toute possibilité d’escalade après les propos de M. Bassil.
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« Bassil aurait dû aller à Bruxelles »
Si le chef de la diplomatie a été défendu par son cercle proche, il n’a toutefois pas échappé aux critiques virulentes des milieux du Futur et des FL, qui l’accusent de chercher à saper le gouvernement et le compromis présidentiel entre le CPL et le Futur, en tablant sur des déclarations houleuses à caractère « populiste ».
Pour l’ancien député et membre du bureau politique du Futur Moustapha Allouche, « l’escalade (de M. Bassil) pourrait entraver le mandat Aoun que Saad Hariri essaie de mener à bien ». Elle pourrait même, selon lui, mettre en péril les aides de la conférence de Paris. « Les pays donateurs ont l’air de maintenir leurs promesses, mais sur le niveau pratique, le programme CEDRE pourrait être perturbé lorsque les choses sont dites de la façon dont M. Bassil les a dites », a dit l’ancien député dans une déclaration samedi dernier à l’agence al-Markaziya.
« Si M. Bassil veut que les réfugiés rentrent, il devrait suivre la politique du gouvernement à ce sujet et il aurait dû participer à la conférence de Bruxelles sur l’avenir de la Syrie (…). Nous devons demander l’aide matérielle de la communauté internationale ainsi que son aide pour une solution politique qui permettra à un grand nombre de réfugiés de rentrer chez eux », a poursuivi M. Allouche, au moment où le CPL appelle au retour des réfugiés avec ou sans solution politique.
« Si Gebran Bassil veut combattre la corruption, les dossiers doivent être réglés grâce aux réformes administratives et non pas en imposant des nominations sur une base partisane. Concernant l’électricité, ce n’est pas en amenant de nouveaux navires-centrales qu’on réglera la situation », a-t-il dit, tout en dénonçant le « populisme » de M. Bassil et en invitant ce dernier à régler ces problèmes en Conseil des ministres.
Plus virulent, l’ancien ministre Achraf Rifi a condamné « une tentative de désubstantialiser la Constitution et de l’amender par la pratique », en allusion aux prérogatives du président du Conseil, estimant que les propos de M. Bassil au sujet de la chute du gouvernement révèlent « les intentions du camp des armes et de ses alliés de phagocyter l’État et torpiller l’accord de Taëf ». Achraf Rifi a été rejoint par l’ancien Premier ministre Nagib Mikati, qui a dénoncé sur Twitter « les tentatives de s’en prendre » aux prérogatives du Premier ministre « à travers des fanfaronnades inutiles ». « Retournez tous à la table du Conseil des ministres, seul espace pour résoudre tous les dossiers », a-t-il ajouté.
Du côté des FL, le chef du parti Samir Geagea a réagi sur Twitter face à la polémique sur l’électricité. « Le gaspillage technique et non technique du courant électrique est aujourd’hui de 50 %. Toute solution sérieuse devrait commencer par cela, et non pas sur mer ou sur terre », a-t-il écrit le week-end dernier.
Pour Wehbé Katicha, député du Akkar des Forces libanaises, qui s’exprimait aussi sur Twitter durant le week-end, « lutter contre la corruption ne se fait pas en criant depuis les tribunes à des fins populistes ». Même son de cloche sur le réseau social de la part de l’ancien député Fady Karam.
Le ministre des Affaires sociales, Richard Kouyoumjian, a quant à lui plaidé en faveur de la conférence de Bruxelles III, lors d’une tournée à Tripoli. « La conférence a permis que la question du retour des réfugiés soit posée comme une priorité en Europe et aux États-Unis (…). Les aides (aux pays hôtes) vont continuer en attendant le retour des réfugiés », a-t-il déclaré. « Nous n’attendons pas la solution politique pour le retour. Il suffit que le régime manifeste le souhait d’accueillir ses citoyens et leur assure la sécurité la plus basique et la confiance », a ajouté M. Kouyoumjian.
Pour mémoire
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commentaires (16)
Bizarre quand meme Pas un seul commentaire pro le gendre Les Libanais semblent vraiment devenu moins ....( censure par moi pour ne pas avoir a faire avec la justice le gendre actionnant en justice a tort et a travers toute critique a son encontre } Un conseil: Le gendre devrait ne plus faire parler de lui pendant un certain temps
LA VERITE
20 h 02, le 18 mars 2019