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Moyen Orient et Monde - Reportage

En Syrie, le « califat » chancèle mais ses partisans rêvent d’un retour sanglant

De nombreux hommes et femmes refusent de reconnaître la défaite inéluctable des derniers jihadistes acculés.

Des civils évacuant le dernier réduit de l’État islamique en Syrie, dans la ville de Baghouz. Bulent Kilic/AFP

« On se vengera, il y aura du sang », le groupe État islamique (EI) « va rester et s’étendre ». En fuyant son ultime réduit dans l’Est syrien, des jihadistes promettent un retour en force de l’organisation ultraradicale en passe d’être vaincue.

Des milliers de personnes, dont de plus en plus d’éclopés et de blessés, continuent d’abandonner la petite poche de l’EI dans le village de Baghouz, aux confins orientaux de la Syrie. Parmi eux, de nombreux hommes et femmes refusent de reconnaître la défaite inéluctable des derniers jihadistes acculés.

Faisant mine de jeter leurs chaussures, près d’une dizaines de femmes prennent à partie les journalistes, lançant des pierres sur les caméras. « Nous sommes sortis mais il y aura de nouvelles conquêtes », « L’État islamique va rester et s’étendre », « On se vengera et il y aura du sang jusqu’aux genoux », hurlent-elles. Après avoir passé la nuit à l’extérieur près de Baghouz, sur une position des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui mènent l’offensive contre les jihadistes, ces femmes seront transférées vers les camps de déplacés du Nord-Est syrien. « Tu ne lis pas le Coran ? Tu n’as pas honte ? » lance l’une d’entre elles, agrippant la tresse d’une journaliste aux cheveux découverts. « Dieu maudisse la femme qui ressemble à un homme », crie une autre. D’autres femmes, assises par petits groupes à même le sol, se montrent plus discrètes. Mais lorsqu’elles sont interrogées, elles reprennent le même discours : « On attend la victoire, si Dieu le veut », clame ainsi Oum Mohammad, 47 ans, originaire de la province d’al-Anbar en Irak.


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« Résolue et radicalisée »

« Les vauriens et les peureux sont sortis, et nous (les femmes) sommes parties parce que nous étions un fardeau pour les hommes », explique-t-elle. Interrogée sur le sort de son mari, membre de l’EI, Oum Mohammad marque une hésitation, puis dit : « Qu’il soit vivant ou mort, je remercie Dieu. »

Non loin de là, des femmes font leurs prières quotidiennes, d’autres lisent le Coran. Couvert de poussière, un sac à dos sur les épaules, un jeune garçon chantonne en souriant un chant religieux à la gloire de l’EI. « L’État du califat ne va pas disparaître, il est imprimé dans les cerveaux et les cœurs des nouveau-nés et des petits » ayant fui Baghouz avec leurs mères, assure une sexagénaire qui refuse de donner son nom.

Après une montée en puissance fulgurante en 2014, les jihadistes avaient proclamé un « califat » à cheval sur de vastes régions conquises en Syrie et en Irak, attirant des milliers d’étrangers. L’EI avait imposé son règne de la terreur à des millions de personnes, établissant sa propre administration : monnaie frappée, collecte des impôts, police des mœurs, programmes pédagogiques dans les écoles, rien ne manquait à ce proto-État. Mais au terme de multiples offensives, les jihadistes ont tout perdu. Sauf, visiblement, la fidélité de leurs disciples. « La population de l’EI qui est évacuée des derniers vestiges du califat reste largement impénitente, résolue et radicalisée », confirmait jeudi le chef des forces américaines au Moyen-Orient, le général Joseph Votel.


(Lie aussi : « Certains enfants nous racontent avoir assisté à des scènes de décapitation »)

Baghdadi, « notre modèle »

Sur la position des FDS, les hommes soupçonnés d’appartenance à l’EI sont rapidement isolés, après avoir été fouillés et interrogés. En voyant les journalistes affluer, un homme se met debout, malgré une blessure au pied. Il s’époumone, dénonçant le « terrorisme » de la coalition internationale et ses frappes. « Je me suis rendu à cause de ma blessure. Mais j’ai accompagné l’État islamique depuis le début », indique-t-il.

À côté, Abdel Moneim Najia ne cache pas lui non plus son soutien à l’EI, tout en confiant ses désillusions. « La loi de Dieu était appliquée », justifie-t-il. « Mais il y avait des injustices, des dirigeants ont volé l’argent et abandonné le peuple », déplore-t-il.

D’après lui, nombreux sont ceux qui ont fait défection, trouvant le moyen de fuir notamment vers l’Irak ou vers la Turquie.

« À chaque fois, on entendait que l’émir Untel a abandonné le groupe », ajoute-t-il. « Et nous, on est restés, jusqu’à ce que les balles sifflent au-dessus de nos têtes », souligne-t-il. L’homme ne cache pas sa déception vis-à-vis du « calife » Abou Bakr al-Baghdadi, dont le sort demeure inconnu. « Il nous a confiés à des gens qui nous ont laissés tomber. C’est lui qui est responsable, à nos yeux, il est notre modèle », dit-il. S’il a mis autant de temps à sortir, c’est parce que ses cousins étaient des combattants de l’EI et qu’il craignait être arrêté par les FDS. Âgé de 30 ans, il paraît bien plus âgé avec sa barbe et ses cheveux grisonnants. Malgré les déconvenues, il continue de souhaiter de nouvelles « conquêtes » pour le « califat islamique » et son chef Baghdadi.

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« On se vengera, il y aura du sang », le groupe État islamique (EI) « va rester et s’étendre ». En fuyant son ultime réduit dans l’Est syrien, des jihadistes promettent un retour en force de l’organisation ultraradicale en passe d’être vaincue.Des milliers de personnes, dont de plus en plus d’éclopés et de blessés, continuent d’abandonner la petite poche...

commentaires (7)

De radicaliser ces gens, jeunes ou vieux, tâche au delà des projets et possibilités des psy démocratiques Alors faut il "souhaiter" comme certai ministre qu'ils crèvent ou ils sont? Difficile misericorde

Chammas frederico

17 h 43, le 11 mars 2019

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Commentaires (7)

  • De radicaliser ces gens, jeunes ou vieux, tâche au delà des projets et possibilités des psy démocratiques Alors faut il "souhaiter" comme certai ministre qu'ils crèvent ou ils sont? Difficile misericorde

    Chammas frederico

    17 h 43, le 11 mars 2019

  • pas de pitié pour ces gens, qu'ils soient donnés à l'Irak ,et à la Syrie de Assad chez nous on commence à pleuré sur eux les grands parents veulent leurs petit-enfants et leurs filles, comme si ces gens vont devenir de simples personnes

    Talaat Dominique

    13 h 38, le 10 mars 2019

  • Qu'on laisse le hzb s'en occuper...

    Jean abou Fayez

    23 h 45, le 09 mars 2019

  • Deux questions: ou est Baghdadi ? Parce que c’est un sacré malade en liberté .... Que va t on faire de ces milliers de parasites ayant prêté allégeance à cette association de croque-morts?

    L’azuréen

    21 h 24, le 09 mars 2019

  • Baghdadi a démarré une blague et des millions l'ont suivis...triste affaire de notre monde où le ridicule tue et tue méchamment

    Wlek Sanferlou

    17 h 35, le 09 mars 2019

  • On sent dans cet article comme une belle promo pour cet état monté de toute pièce par les comploteurs d'occident . Comme si dans cet article on sentait que cet OCCIDENT refuse SA PROPRE DÉFAITE. OÙ EST PASSÉ L'AGENT israélien baghdadi ??

    FRIK-A-FRAK

    09 h 39, le 09 mars 2019

  • Quelle photo surprenante , paradoxale et épouvantable ! On dirait du bétail dompté par un berger . L'islamisme poussé à son comble !

    Chucri Abboud

    09 h 38, le 09 mars 2019

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