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Liban - Repère

Et le 1er mars 2009, le TSL voyait le jour, au forceps...

L’instance internationale, qui a lancé ses travaux il y a dix ans exactement, quatre ans après l’assassinat de Rafic Hariri, devrait bientôt rendre son jugement.


Le siège du Tribunal spécial pour le Liban à Leidschendam, près de La Haye, aux Pays-Bas. Photo Reuters

Cela a été une naissance dans la douleur. Le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), qui a démarré ses travaux le 1er mars 2009, a pu voir le jour après une série de secousses internes venues amplifier les effets du séisme créé par l’assassinat, en février 2005, de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri. Une période extrêmement agitée et riche en rebondissements politiques a suivi, achevant de scinder la société libanaise en deux camps adverses, désignés depuis sous l’appellation de 8 et 14 Mars.

Chargé de juger les assassins de l’ancien Premier ministre, le TSL, dont la mise en place a fait l’objet de débats houleux sur la scène locale tout au long de sa gestation, a été rendu possible à la faveur d’un forcing international principalement exercé par la France et les États-Unis. Créée le 30 mai 2007 après l’adoption de la résolution 1757 du Conseil de sécurité, l’instance judiciaire a fini par être imposée par le Conseil de sécurité sur la base du chapitre VII de la Charte de l’ONU, rendant ainsi son adoption contraignante. En recourant à ce procédé, le Conseil de sécurité est passé outre l’obligation constitutionnelle de ratification par le président libanais Émile Lahoud, proche de Damas et marginalisé par les Occidentaux. Il a également réussi à ignorer la ratification par le Parlement – verrouillé pendant des mois par son président Nabih Berry – de l’accord conclu à ce dessein entre le Liban et l’ONU.

La naissance au forceps de ce tribunal indépendant est survenue dans un contexte de tensions extrêmes qui ont vite fait de dégager des relents de discorde sunnito-chiite. Dans un premier temps, les accusations ont été un peu hâtivement dirigées par la Commission d’enquête internationale qui avait précédé le TSL, contre la Syrie, farouchement défendue par ses alliés libanais. Damas a nié toute implication et dénoncé une politisation de l’enquête. Le Hezbollah s’est dépêché pour sa part d’incriminer Israël alors même que l’enquête n’avait pas encore démarré. Par la suite, et à la faveur de nouvelles données recueillies par les enquêteurs, le curseur s’est progressivement orienté vers le parti chiite, dont quatre de ses membres sont aujourd’hui inculpés devant l’instance internationale.

Pointés du doigt à tour de rôle, aussi bien la Syrie que le Hezbollah se sont évertués dès le départ à dénigrer le TSL, accusé d’être un instrument de guerre entre les mains des grandes puissances pour faire fléchir l’axe dit de la résistance. Les pourfendeurs du tribunal ont alors tenté par tous les moyens de couper la voie aux efforts entrepris par le camp haririen et ses alliés pour s’en remettre à une justice internationale plutôt que nationale, dans un contexte de violence généralisée et d’intimidations qui a suivi l’assassinat de Rafic Hariri.


(Pour mémoire : TSL : Clôture formelle – et tendue – des audiences)


La Commission d’enquête internationale
Dix jours après l’attentat du 14 février 2005, le secrétaire général de l’ONU a envoyé une mission d’établissement des faits conduite par le chef adjoint des services de police irlandais, Peter FitzGerald. La mission a remis son rapport le 24 mars 2005, recommandant la conduite d’une enquête internationale indépendante sur l’attentat, les autorités libanaises ayant été jugées incapables de mener à bon port cette tâche, « par manque de moyens ou de volonté ». Dans son rapport, Peter FitzGerald a considéré que les services de sécurité libanais et les services de renseignements militaires syriens sont les premiers responsables de l’absence de protection des citoyens et de maintien de l’ordre au Liban. Le rapport a mis en exergue les « tensions politiques » qui ont précédé l’attentat du 14 février et que la Syrie – dont les troupes étaient encore présentes sur le sol libanais – est accusée d’avoir exacerbées.

Le 7 avril 2005, une Commission d’enquête internationale indépendante (UNIIIC) est créée, sur l’impulsion du Conseil de sécurité. Elle a pour objectif de rassembler des éléments de preuve et d’aider les autorités libanaises à enquêter sur l’attentat du 14 février 2005. Dirigée par un ancien juge allemand, Detlev Mehlis, la commission a publié son premier rapport six mois plus tard, enfonçant le clou en évoquant l’implication de la Syrie et des services de sécurité libanais dans l’attentat. Des conclusions particulièrement accablantes qui ont aussitôt provoqué une levée des boucliers au sein du camp prosyrien.

Quatre officiers en poste sous le mandat du président Émile Lahoud, connus pour leurs relations étroites avec le régime de Damas – l’ancien chef de la Garde présidentielle, le général Moustapha Hamdane, et le directeur de la Sûreté générale, Jamil Sayyed, le chef des Renseignements militaires, le général Raymond Azar, et le directeur des Forces de sécurité intérieure (FSI, police nationale), le général Ali Hajj – sont incarcérés sur une recommandation du chef de la commission qui se fonde sur des informations produites par de « faux témoins »*.

Pour Detlev Mehlis, « la décision d’assassiner Rafic Hariri n’aurait pas pu être prise sans l’approbation de hauts responsables syriens de la sécurité et n’aurait pas pu être ensuite organisée sans la connivence de leurs homologues des services de sécurité libanais ». L’enquêteur allemand a justifié la décision de l’assassinat de l’ex-Premier ministre par l’adoption, en septembre 2004 par le Conseil de sécurité, de la résolution 1559 exigeant le retrait des troupes syriennes du Liban, une décision à laquelle l’ex-Premier ministre aurait largement contribué. Deux mois plus tard, le juge allemand se désistait de l’enquête et laissait la place au Belge Serge Brammertz, auquel succédera peu de temps après le juge canadien Daniel Bellemare.

Par la suite, le TSL reconnaîtra les failles qui ont entaché l’enquête préliminaire et ordonnera dès son ouverture en mars 2009 la libération des officiers faute de preuves. Bien que rectifiée par la cour internationale, qui espérait regagner en légitimité, cette « erreur » de parcours viendra alimenter un peu plus la polémique, et permettra aux pourfendeurs du TSL de reprendre du poil de la bête pour un moment.


(Pour mémoire : Au TSL, le nihilisme de la défense de Oneïssi)


Wissam Eid et le réseau téléphonique
Pendant des années, l’investigation traîne au sein de la commission d’enquête et la piste syrienne est peu à peu abandonnée. La Syrie, soupçonnée d’avoir commandité l’assassinat, n’est plus dans le point de mire des enquêteurs qui planchent plutôt sur le modus operandi et les exécutants.

C’est par pur hasard que Daniel Bellemare découvre en épluchant le dossier à son arrivée à Monteverde, siège des enquêteurs internationaux, un rapport fourni par un jeune officier spécialisé des FSI, Wissam Eid, sur une série d’appels téléphoniques effectués avant et après l’attentat. Une découverte magistrale qui conduira de nouveau l’investigation sur la piste du Hezbollah. Le système du réseau téléphonique utilisé dans le cadre de l’attentat du 14 février constituera par la suite l’une des preuves principales sur laquelle l’accusation va édifier sa thèse.

L’assassinat de Wissam Eid dans un attentat à la voiture piégée le 25 janvier 2008 à Hazmieh, alors qu’il se rendait au siège de la commission à Monteverde pour un complément d’enquête, est venu renforcer les soupçons sur l’implication du parti chiite. Cet énième assassinat politique a achevé d’approfondir le fossé qui se creusait parmi les Libanais, que l’enquête internationale avait polarisés à outrance.

La série noire des attentats survenus au lendemain de l’assassinat de l’ancien Premier ministre, celui du PDG d’an-Nahar Gebran Tuéni, en décembre 2005, de l’éditorialiste et politologue Samir Kassir, assassiné en juin 2005, puis du chef du PCL George Haoui, trois semaines plus tard, suivis de la tentative d’assassinat avortée du ministre de l’Intérieur Élias Murr en juillet de la même année, puis de May Chidiac, le 25 septembre 2005, en sus de l’attentat préalable du 1er octobre 2004 contre le ministre Marwan Hamadé, ont poussé le Premier ministre Fouad Siniora à réclamer le 13 décembre 2005 auprès de l’ONU la mise en place d’un tribunal « à caractère international » pour juger les auteurs et responsables de ces attentats, dont trois seulement seront par la suite retenus (Marwan Hamadé, Georges Haoui, Élias Murr) pour leur connexion à l’affaire principale.


(Pour mémoire : TSL : Wissam el-Hassan dans le collimateur de la défense)


Formulée contre l’avis des ministres chiites au sein du gouvernement, la demande de M. Siniora a provoqué une véritable crise politique avec la démission tonitruante des ministres chiites et de leur allié grec-orthodoxe, relevant du même camp politique, provoquant de ce fait une paralysie sans précédent de la scène politique libanaise pendant plus d’un an et demi. Encouragé par la France et les États-Unis Fouad Siniora refuse de rendre son tablier, faisant fi du débat constitutionnel houleux autour de la légitimité d’un gouvernement désormais amputé de l’une de ses composantes communautaires principales. L’impasse politique empêche pendant près de 18 mois la ratification d’un accord entre Beyrouth et les Nations unies, qui sera toutefois imposé en mai 2007 par le Conseil de sécurité, sous le chapitre VII de la Charte de l’ONU. Les pourfendeurs du TSL ne lâchent pas prise pour autant et réussiront, le 12 janvier 2011, à entraîner la chute du cabinet d’union nationale présidé par Saad Hariri à cause de son soutien au TSL.

Dix ans après le début de ses travaux, le tribunal, qui a annoncé en septembre dernier la clôture de ses audiences, devra prochainement rendre son verdict. Le TSL est appelé à se prononcer sur le rôle de quatre hommes, tous membres présumés du Hezbollah, soupçonnés d’être à l’origine de l’assassinat de Rafic Hariri. Son mandat ne porte pas toutefois sur les commanditaires, dont l’identité reste pour l’heure une grande inconnue.

Moustapha Badreddine, le principal accusé décrit comme le « cerveau » de l’attentat par les enquêteurs, a depuis été tué et ne sera donc pas jugé. Reste Salim Ayache, 50 ans, accusé d’avoir été à la tête de l’équipe qui a mené l’attaque. Deux autres hommes, Hussein Oneïssi, 44 ans, et Assad Sabra, 41 ans, sont notamment poursuivis pour avoir enregistré une fausse cassette vidéo qui revendiquait le crime au nom d’un groupe fictif. Le dernier accusé, Hassan Habib Merhi, 52 ans, fait également face à plusieurs chefs d’accusation, tels que complicité de perpétration d’un acte de terrorisme et complot en vue de commettre cet acte.


*Les faux témoins
En 2008, un témoin à charge contre Damas, Mohammad Zouheir Siddiq, un faux agent des services de renseignements syriens, présenté pendant un temps comme le témoin-clé de l’enquête menée par M. Mehlis, disparaît des écrans radar. Son témoignage est invalidé en raison de ses antécédents. D’autres témoins-clés de l’enquêteur en chef allemand, Houssam Houssam, Ibrahim Jarjoura, Akram Chakib Mrad et Abdel Basset Bani Aoudé, voient aussi leurs témoignages, recueillis en 2005 par la Commission d’enquête internationale, invalidés.


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Un autre moyen de pomper les sous du contribuable libanais!

Tina Chamoun

14 h 19, le 04 mars 2019

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Commentaires (4)

  • Un autre moyen de pomper les sous du contribuable libanais!

    Tina Chamoun

    14 h 19, le 04 mars 2019

  • Et à quoi sert ce TSL, si ce n'est à entretenir la haine des uns contre les autres et vice versa et à maintenir le Liban dans l'orbite des divers antagonismes des pays de la région et d'autres plus lointains sur le dos du peuple libanais? Ce pays se meurt par manque d'air, du confessionalisme et du féodalisme savamment entretenu. Un peu d'imagination et du renouveau ne nous ferait pas de mal.

    TrucMuche

    13 h 25, le 04 mars 2019

  • ATTENDONS VOIR !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 48, le 04 mars 2019

  • Georges Haoui n’était plus chef du PCL lors de son assassinat. Il en avait démissionné. Le PCL traînait un peu dans la mouvance du Hezbollah à cette époque.

    Saleh Issal

    06 h 30, le 04 mars 2019

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