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Liban - Partis

Nawaf Moussaoui sanctionné pour ses propos, le Hezbollah se tourne vers une « stratégie douce »

Nawaf Moussaoui a été sanctionné par son propre parti. Photo Marwane Assaf

L’information a quelque peu fait l’effet d’un coup de tonnerre. Le député du Hezbollah Nawaf Moussaoui, membre du Hezbollah, a été sanctionné hier par la direction de sa formation pour avoir lancé, le 13 février, dans le cadre du débat de confiance à la Chambre des députés, que le chef de l’État Michel Aoun avait été « élu grâce au fusil de la résistance » et que l’ancien président Bachir Gemayel était « arrivé au palais de Baabda grâce aux chars israéliens », lors de l’invasion israélienne de 1982.

Un haut responsable du bureau de presse du parti chiite a confirmé sous le couvert de l’anonymat à L’Orient-Le Jour cette information, rapportée par la chaîne LBCI, mais n’a pas souhaité commenter cette affaire.

Selon la LBCI, la direction du Hezbollah a décidé « de suspendre temporairement l’action parlementaire de Nawaf Moussaoui, en guise de sanction pour son comportement et ses propos, et de lui interdire temporairement de prononcer des discours et d’assister aux réunions du groupe parlementaire du parti ». La chaîne souligne, dans ce contexte, que M. Moussaoui s’est absenté de la réunion hebdomadaire du groupe parlementaire de sa formation, qui s’est tenue hier.

Une source proche du Hezbollah a expliqué à L’Orient-Le Jour que ce n’est pas la première fois qu’un haut responsable du parti chiite est sanctionné : « En cas de faute grave, les membres peuvent même être déférés devant le tribunal du parti. » Toujours selon cette source, le Hezbollah a probablement « laissé filtrer cette information pour montrer son sérieux en politique interne et sa détermination à éviter toute escalade, d’autant que l’intervention de M. Moussaoui au Parlement a fait beaucoup de bruit ».


(Lire aussi : « Si Bachir Gemayel était encore en vie, nous n’aurions pas vu tout ce beau monde »)


Lectures politique et symbolique

La sanction qui a frappé M. Moussaoui, l’une des figures de proue du groupe parlementaire de la Fidélité à la résistance, serait à lire sous différents angles.

Au plan politique, les propos du ténor parlementaire du Hezbollah, pourtant adressés au chef du parti Kataëb, le député Samy Gemayel, au Parlement, pour s’en prendre à la mémoire de Bachir Gemayel, avaient en fait, par ricochet, visé le président de la République.

« Sous le couvert d’une attaque contre Bachir Gemayel, c’est en fait Michel Aoun qui s’est retrouvé dans le viseur du député et, par extension, du Hezbollah », explique un analyste politique sous le couvert de l’anonymat. « En affirmant que Michel Aoun avait été élu grâce au fusil de la résistance, le député du Hezbollah l’a en quelque sorte dénudé du compromis politique réalisé en octobre 2016, réduisant sa légitimité de président élu régulièrement par la Chambre des députés en vertu d’un vaste consensus politique transcommunautaire à celle d’un président catapulté à la magistrature suprême par une milice toute-puissante », note cet analyste. « En ce sens, établir un parallèle entre l’élection de Bachir Gemayel et celle de Michel Aoun n’était pas une trouvaille particulièrement heureuse, qui plus est à l’heure où le Hezbollah est dans le collimateur de la communauté internationale et où le Liban officiel essaie de jongler comme un funambule pour éviter d’être pris globalement dans le maelstrom des sanctions qui visent l’Iran », ajoute-t-il. « Anodine ou pas, la phrase de Nawaf Moussaoui a embarrassé Baabda et le Courant patriotique libre. De “père de tous”, le slogan qui lui était attribué depuis son élection, le chef de l’État se voyait relégué en figure paternelle symbolique des armes illégales, ce qui, au-delà du camouflet politique fait à un allié, constitue une insulte au prestige du président de la République et une erreur politico-stratégique grossière », souligne cet analyste, qui n’écarte pas que le Hezbollah ait voulu transmettre un message au chef de l’État et au chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, pour « les inciter à veiller à respecter leur positionnement stratégique aux côtés de l’axe iranien », à la veille de la conférence de Varsovie.

Selon l’agence al-Markaziya, il aurait fallu une valse de concertations pour que l’incident soit contenu. Le président Aoun, soucieux de garantir le climat politique propice à la reprise de l’action gouvernementale, aurait pris contact avec le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah pour condamner les propos de M. Moussaoui. Le leader du Hezbollah se serait engagé à résorber le problème, ce qui expliquerait la démarche du chef du groupe parlementaire du parti, le député Mohammad Raad, qui avait pris la parole le 15 février, au troisième jour des débats autour du vote de confiance, pour présenter des excuses officielles au nom du Hezbollah. Qualifiant l’intervention inopinée de M. Moussaoui de « réaction impulsive », et soulignant qu’il avait dépassé « les limites » et « les règles de bienséance » généralement suivies par les représentants du parti, M. Raad avait demandé qu’elle soit retirée du procès-verbal de la séance.

Mais le Hezbollah aurait également décidé de sanctionner M. Moussaoui pour d’autres raisons. Si les propos du député avaient provoqué un climat de vive tension entre sa formation d’une part et les partis chrétiens de l’autre, les excuses de M. Raad quelques jours plus tard ont été favorablement accueillies et applaudies, surtout en milieu chrétien. Des milieux politiques proches de l’opposition estiment que le Hezbollah aurait décidé, au plan symbolique, de « capitaliser sur cette réaction d’empathie » suscitée par le positionnement de Mohammad Raad. La mise au ban de Nawaf Moussaoui serait donc à lire, selon ces milieux, en tant que « stratégie douce » adoptée par le parti chiite, qui « prépare son grand retour aux affaires intérieures après ses équipées militaires dans la région, pour restaurer son image et se lancer dans une certaine opération de séduction en direction de l’opinion publique, y compris chrétienne, et faire oublier son arsenal ainsi que son emprise sur les institutions ».

Quant à M. Moussaoui, il a réagi hier à la sanction en ces termes : « Je présente mes excuses à cette voie divine pour ce que j’ai pu lui porter comme tort. Ma consolation, c’est que cette voie est solide, somptueuse, éternelle, et que ma petite personne ne compte guère face à cela. »


Pour mémoire
Raad crée la surprise et présente au nom du Hezbollah ses excuses

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L’information a quelque peu fait l’effet d’un coup de tonnerre. Le député du Hezbollah Nawaf Moussaoui, membre du Hezbollah, a été sanctionné hier par la direction de sa formation pour avoir lancé, le 13 février, dans le cadre du débat de confiance à la Chambre des députés, que le chef de l’État Michel Aoun avait été « élu grâce au fusil de la résistance » et...

commentaires (6)

Qu'on aime ou qu'on aime pas le Hezb, cette affaire mérite respect & applaudissements. Franchement Bravo!

Shou fi

20 h 58, le 24 février 2019

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Commentaires (6)

  • Qu'on aime ou qu'on aime pas le Hezb, cette affaire mérite respect & applaudissements. Franchement Bravo!

    Shou fi

    20 h 58, le 24 février 2019

  • AH LALALA ! est ce de la bonte de coeur ? est ce de l'ignorance ? est ce du cynisme ? est ce de la stupidite ? est-ce ALL OF THE ABOVE? on y croit a ces sanctions et le mea culpa de cet energumene voue a son parti- bizarre qu'il se soit abstenu de parler souliers lui - comment croire que C'etait fait dans le SEUL BUT de plaire a aoun, se faire pardonner par leur SEUL VRAI allie ? comment ne pas noter que le mea culpa ne s'adressait ni a la famille du president b gemyael,ni aux millions de citoyens qui croient en lui- Croyaient - en lui ? comment ne pas noter que le mea culpa ne s'adressait meme pas au president aoun ? ET L'ON SE COMPLAIT A CHANTER ET LOUER LEUR QUOI ? LEUR CIVILITE? LEUR ETHIQUE?LEUR DOUCE STRATEGIE ???

    Gaby SIOUFI

    14 h 02, le 23 février 2019

  • Où l'on reparle du "tribunal du parti" Hezbollah sans que personne juge bon de creuser la question qui n'est pourtant pas anodine. Sur la forme, le Hezbollah confirme son excellent sens politique. En se montrant tout à tour insultants et magnanimes, ses représentants sèment des petits cailloux politiques qui font des ronds dans l'eau...et dans l'opinion publique. Que les autres en prennent de la graine.

    Marionet

    11 h 01, le 23 février 2019

  • IL Y A DU CHANGEMENT CHEZ LE HEZBOLLAH QU,IL FAUT SAISIR ET OUVRIR DES DISCUSSIONS ENTRE LES PARTIS. L,ENTENTE ET LA SECURITE DOIVENT PRIMER SUR TOUTES LES AUTRES CONSIDERATIONS POUR QUE LES REFORMES ET LES ENGAGEMENTS SOIENT POSSIBLES SURTOUT DANS LES SECTEURS ECONOMIQUE, FINANCIER, DE LA CORRUPTION, DE LA DISTANCIATION ET DES ASSAINISSEMENTS DE TOUS LES SECTEURS PUBLICS... AUTREMENT L,ECHEC SERAIT ATTRIBUE A TOUS LES ABRUTIS ET LE PEUPLE NE PARDONNERA PAS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 08, le 23 février 2019

  • La magnanimité du fort qui peut le moins quand il est capable du plus. Le seul reproche qu'il resterait à lui faire c'est un délit de faciès. Pour ceux qui s'attardent sur les apparence.

    FRIK-A-FRAK

    08 h 52, le 23 février 2019

  • Etrange comportement: Moussawi présente ses excuses à son parti pou l'avoir mis dans l'embarras, mais pas à Nadim Gemayel pour avoir insulté son père!

    Yves Prevost

    08 h 09, le 23 février 2019

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