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Moyen Orient et Monde - analyse

Les raisons de la brouille diplomatique entre Riyad et Rabat

Les relations entre le Maroc et l’Arabie saoudite se sont graduellement détériorées ces derniers mois.

Le roi Mohammad VI du Maroc. Ludovic Marin/AFP. Photo archives

Si plusieurs indices avaient laissé transparaître, ces derniers mois, un refroidissement des relations entre le Maroc et l’Arabie saoudite, un palier a été franchi cette semaine.
Un responsable du gouvernement marocain a déclaré jeudi que son pays ne participait plus aux interventions militaires ni aux réunions ministérielles au sein de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen, selon l’agence Associated Press. Dans le même temps, l’ambassadeur marocain à Riyad, Moustapha Mansouri, confirmait au site marocain d’information Le360, proche du régime, son rappel à Rabat pour « consultations ». Un responsable gouvernemental marocain a déclaré à Reuters que M. Mansouri était au Maroc depuis environ une semaine, sans en préciser la raison, mais ce dernier a affirmé que son rappel était une réponse à la diffusion par la chaîne de télévision saoudienne al-Arabiya d’un documentaire qui n’est pas en accord avec la position marocaine sur la question du Sahara Occidental, ligne rouge pour Rabat, qui considère ce territoire comme partie intégrante de son royaume.

Mais l’origine de cette crise diplomatique semble remonter à plus loin que la diffusion de ce documentaire ; elle aurait débuté au moment de la décision des pays de l’axe saoudien d’imposer un embargo sur le Qatar en juin 2017 et se serait accentuée avec la détérioration de la situation humanitaire au Yémen – où Riyad intervient en soutien au gouvernement – et avec l’éclatement de l’affaire Khashoggi. Le documentaire en question a été diffusé le 29 janvier dernier, à l’occasion du briefing de l’émissaire de l’ONU pour le Sahara occidental, Horst Köhler, devant les membres du Conseil de sécurité, sur la « table ronde initiale » de Genève des 5 et 6 décembre dernier, qui avait marqué la reprise des discussions sur ce dossier après six ans d’interruption. Pour la presse arabe et marocaine, la diffusion du documentaire, saluée par le Front Polisario, est une réponse de Riyad à l’entrevue accordée par le ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Nasser Bourita, à la chaîne qatarie al-Jazeera. Le 23 janvier dernier, M. Bourita annonçait dans l’émission Bila Houdoud (Sans frontières) que son pays avait amorcé son « désengagement » du Yémen, expliquant que « le Maroc a des préoccupations humanitaires fortes », et que « c’est la pire catastrophe humanitaire au monde ».


(Pour mémoire : Le Maroc annonce la rupture de ses relations diplomatiques avec l'Iran, le Hezbollah en cause)


« Le reportage est tombé à point »

La crise humanitaire au Yémen et l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien à Istanbul le 2 octobre dernier – après lequel le prince héritier Mohammad ben Salmane a été pointé du doigt – ont terni l’image de l’Arabie saoudite au niveau international. Les Marocains, qui semblaient avoir « réduit leur participation à la coalition au Yémen depuis que les houthis ont abattu un F-16 marocain en 2015, s’étaient engagés pour continuer à bénéficier des financements saoudiens, et pour manifester aux États-Unis leur soutien contre l’Iran », explique Yahia Zoubir, professeur de relations internationales et directeur de recherche en géopolitique à la KEDGE Business School à Marseille, interrogé par L’Orient-Le Jour. Il ajoute qu’« à l’époque, cet alignement n’avait pas trop de conséquences pour le Maroc ». Mais à la lumière des développements au Yémen et de l’affaire Khashoggi, le documentaire ne semble pas avoir été « le facteur déterminant » dans la décision de Rabat, « car d’autres pays, même amis du Maroc, ont diffusé ce genre de reportage et estiment que le Maroc a envahi le Sahara occidental en 1975, sans qu’il y ait répercussions dans leurs relations. L’Arabie saoudite a aidé le Maroc pendant de longues années à combattre les forces nationalistes du Polisario, mais le reportage est tombé à point et a fourni au Maroc une justification pour suspendre sa participation à la coalition », indique le chercheur.

Pour Riyad, la diffusion du documentaire sur al-Arabiya s’apparente à un message politique. Riyad reprocherait à Rabat sa neutralité dans le conflit qui l’oppose au Qatar. Même s’il avait envoyé des avions de denrées alimentaires au Qatar, le royaume chérifien avait proposé sa médiation « si les partis le souhaitent », affirmant sa « neutralité constructive », et citant les « liens personnels solides de fraternité sincère et de considération mutuelle entre Sa Majesté le Roi Mohammad VI, et ses frères rois et émirs des pays du Golfe », selon un communiqué officiel. En novembre 2017, l’avion du roi marocain avait notamment « brisé » l’embargo en faisant un vol direct Abou Dhabi-Doha, pour affirmer sa neutralité.


Mauvaise réputation, selfie et football

Quelques mois plus tard, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite manifestaient symboliquement leur mécontentement. Sans doute dans l’idée de faire plaisir à leurs alliés américains, ils votaient en faveur de leur candidature contre celle du Maroc pour gagner le droit d’organiser le Mondial de football 2026, remporté par le trio nord-américain (Canada, États-Unis et Mexique). Le jour même, le roi marocain Mohammad VI avait appelé l’émir du Qatar pour le remercier de son soutien et le cabinet royal avait tenu à le faire savoir. Le dernier indice avant-coureur, et le plus notable, du fossé qui se creusait entre Rabat et Riyad est survenu six mois après ce vote. Lorsque le prince héritier saoudien, alors soupçonné d’avoir commandité le meurtre de Jamal Khashoggi avait été snobé par le roi du Maroc lors de sa tournée de novembre dernier pour redorer son image. À l’occasion de son voyage avant d’assister au G20 en Argentine (30 novembre-1er décembre), MBS avait fait escale en Algérie, à Bahreïn, en Égypte, aux Émirats, en Jordanie, en Mauritanie et en Tunisie, et devait également se rendre au Maroc. M. Bourita a réitéré durant son entrevue sur al-Jazeera la position officielle du royaume chérifien sur cet épisode, expliquant qu’il y a eu un « désaccord sur le timing de la visite », et que ce genre de choses arrivent souvent. Moins d’un an plus tôt, c’est pourtant tout sourire que Mohammad VI s’affichait au côté de Mohammad ben Salmane, et du Premier ministre libanais Saad Hariri à Paris dans un selfie publié par ce dernier le 9 avril 2018.

Le rappel de l’ambassadeur marocain pour « consultations », et la suspension de la participation à la coalition au Yémen, semblent entrer dans un cadre d’analyse géopolitique de coût-avantage de la part de Rabat. « Les véritables raisons sont dues à quatre facteurs : la tension entre le Maroc et l’Arabie saoudite après que le Maroc eut soutenu, de manière timide certes, le Qatar dans sa dispute avec l’Arabie saoudite ; les conditions humanitaires catastrophiques au Yémen ; l’affaire Khashoggi ; et la position du Congrès américain qui se durcit vis-à-vis de l’Arabie saoudite », résume M. Zoubir.



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commentaires (1)

Le Maroc et la bensaoudie sont faits du même bois , celui de ces petits arabes aux ordres du maître américain. Si une dispute se fait jour , c'est certainement que la pression sur le Maroc a dû être maximale du côté de leur boss us, pourquoi ? On ne sait pas trop mais il semblerait que la chasse aux bensaouds est lancée, certains alliés de ces usa sentant le vent tourner , décident d'anticiper des positions pour se mettre à l'abri de la tempête. Le vilain petit Qatar ne doit pas être loin de cette manoeuvre, toujours est il que ce bloc des collabos us etc... se fissure grave , après la Turquie et les kurdes.

FRIK-A-FRAK

08 h 58, le 09 février 2019

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Commentaires (1)

  • Le Maroc et la bensaoudie sont faits du même bois , celui de ces petits arabes aux ordres du maître américain. Si une dispute se fait jour , c'est certainement que la pression sur le Maroc a dû être maximale du côté de leur boss us, pourquoi ? On ne sait pas trop mais il semblerait que la chasse aux bensaouds est lancée, certains alliés de ces usa sentant le vent tourner , décident d'anticiper des positions pour se mettre à l'abri de la tempête. Le vilain petit Qatar ne doit pas être loin de cette manoeuvre, toujours est il que ce bloc des collabos us etc... se fissure grave , après la Turquie et les kurdes.

    FRIK-A-FRAK

    08 h 58, le 09 février 2019

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