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Moyen Orient et Monde - Israël

Netanyahu concurrencé sur son propre terrain

Benny Gantz, son rival pour les prochaines législatives, dispose d’une autorité naturelle qui pourrait faire de l’ombre au Premier ministre.


Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (gauche), le ministre de la Défense de l’époque Moshe Yaalon (centre) et le général Benny Gantz (droite), alors chef d’état-major de l’armée, le 27 août 2014 lors d’une conférence de presse à Jérusalem. Thomas Coex/AFP

Même si tous les sondages le donnent vainqueur lors des prochaines élections législatives israéliennes du 9 avril prochain, Benjamin Netanyahu doit faire face à un sérieux concurrent qui n’est autre que son ancien chef d’état-major, Benny Gantz (2011-2014). Ce dernier, figure militaire très respectée en Israël et artisan de la guerre de Gaza de 2014, concurrence le Premier ministre israélien sur son propre terrain : celui de la sécurité. Au moment d’annoncer sa candidature, celui qui ne cesse de monter dans les sondages – son parti « Résilience pour Israël » arriverait en deuxième position derrière le Likoud, selon les dernières estimations – a eu recours, la semaine dernière, à une rhétorique très proche de son principal concurrent en matière de politique sécuritaire. « Dans un Moyen-Orient dur et violent, il n’y a pas de pitié pour les faibles, seul le fort survit ! » a-t-il dit à l’adresse de l’Iran, du Hezbollah et du Hamas. « Nous ne permettrons pas aux millions de Palestiniens vivant de l’autre côté du mur de séparation de mettre en danger notre sécurité et notre identité en tant qu’État juif », a-t-il également déclaré, comme pour marteler le fait qu’il privilégie la même approche que Benjamin Netanyahu sur les grandes lignes stratégiques, alors que ce dernier est surnommé « M. Sécurité » en Israël.

S’il était élu dans deux mois, Benny Gantz pourrait devenir le troisième chef d’état-major à accéder au poste de Premier ministre dans l’histoire de son pays, après Yitzhak Rabin (1974-1977 et 1992-1995) et Ehud Barak (1999-2001). Il briserait dans le même temps le rêve de « Bibi » en le privant d’une cinquième reconduction à la tête de l’État hébreu, synonyme de record de longévité au poste de Premier ministre depuis la création du pays. « Ces dernières années, sur les 19 chefs d’état-major qui se sont succédé à la tête de l’armée, 17 ont évolué dans la sphère politique à la fin de leur service. Ce n’est ainsi pas surprenant de voir Benny Gantz se présenter aujourd’hui face à M. Netanyahu », décrypte Paul Scham, directeur exécutif de l’Institut Gildenhorn pour les études israéliennes à l’Université du Maryland et chercheur au Middle East Institute, contacté par L’Orient-Le Jour.


(Lire aussi : Benny Gantz, le rival potentiel de Netanyahu, lance sa campagne)



Version plus honnête

À l’issue de leur carrière militaire, chefs d’état-major, généraux et autres hauts gardés de l’armée israélienne se voient régulièrement ouvrir les portes de la Knesset (Parlement israélien) ou du gouvernement en tant que ministres (le plus souvent de la Défense). Cette reconversion explique en grande partie le poids important de l’armée dans la vie civile israélienne. « L’armée jouit d’une popularité exceptionnelle au sein de la population, non seulement en raison de l’état de guerre prolongé, mais aussi parce qu’elle est perçue comme l’ultime rempart contre la destruction de l’État et parce qu’elle représente l’armée “de toute la nation” », explique Samy Cohen, enseignant à Sciences Po et spécialiste de l’armée israélienne, dans un article publié dans la revue scientifique Cairn.

Les hauts gradés de l’armée disposent d’un poids important au sein de la société, parfois même plus que les politiciens. « Les généraux sont des figures promises aux plus hautes fonctions au sein du gouvernement dès l’instant où ils retrouvent la vie civile, même si leur statut de quasi-intouchables est de plus en plus contesté par une partie de la société civile (ONG des droits humains, mères de soldats, refuzniks qui refusent de porter les armes, activistes de mouvements de la paix, médias). Leur popularité dans l’opinion publique est globalement supérieure à celle des hommes politiques, souvent discrédités en raison de leur médiocrité et de divers scandales », poursuit Samy Cohen. Cette popularité des hauts gradés, associée à une image de probité, explique pourquoi Benny Gantz est perçu comme une menace sérieuse par le Premier ministre israélien, empêtré dans plusieurs scandales de corruption. L’ancien chef d’état-major veut ainsi se présenter comme une version plus honnête et plus droite de Benjamin Netanyahu. Leur rivalité résume les rapports ambivalents qu’entretient le Premier ministre israélien avec son état-major.


(Lire aussi : Apaiser Gaza ou ménager les électeurs, le dilemme de Netanyahu)


Plus militariste que l’armée

D’un autre côté, à l’avantage de Benjamin Netanyahu, on peut citer son service militaire (obligatoire en Israël), son passé de soldat dans les forces spéciales israéliennes et la mort de son frère Yonathan, tué en service lors de l’opération Entebbe en Ouganda en 1976, qui ont grandement influencé son caractère « protecteur » envers les forces armées. Moins aventuriste que beaucoup de ses prédécesseurs – il n’a mené qu’une seule guerre en plus de dix ans au pouvoir, à Gaza en 2014 –, ses sorties bellicistes et théâtrales ne font toutefois pas consensus. Benjamin Netanyahu se veut souvent, dans les mots, plus militariste que l’armée. Dans l’un de ses numéros parus en 2016, le magazine en ligne Foreign Affairs mettait en avant plusieurs frictions survenues entre « Bibi » et l’état-major au fur et à mesure de ses mandats. « De 2009 à 2012, les hauts responsables de l’armée israélienne ont aidé à bloquer le plan du gouvernement Netanyahu visant à attaquer les installations nucléaires iraniennes (…), en 2015, le chef d’état-major de l’armée, le général Gadi Eisenkot, a publiquement rompu avec la condamnation sans réserve de Netanyahu à propos de l’accord conclu entre Téhéran et six pays (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne), destiné à limiter les activités nucléaires de l’Iran. » « En plus du refus d’attaque des installations iraniennes, il y a eu en 2016 l’affaire du soldat israélien ayant tué un Palestinien d’une balle dans la tête dans la ville de Hébron alors que celui-ci était blessé. L’armée et le chef de l’état-major ont traîné le soldat en justice mais ce dernier a reçu le soutien du Premier ministre et de la population israélienne », explique Paul Scham. Ledit soldat, un Franco-Israélien de 19 ans, a été libéré après avoir purgé une peine de prison de neuf mois, malgré sa condamnation à dix-huit mois fermes. Dans une interview récemment accordée au New York Times, le général Eisenkot, aujourd’hui à la retraite, avoue toutefois avoir supervisé à partir de janvier 2017 les « milliers de frappes » de l’aviation israélienne sur le territoire syrien, contre des cibles iraniennes. Peu importe le différend entre un chef d’état-major et le Premier ministre, c’est ce dernier qui a le dernier mot quand il s’agit d’une intervention militaire. Il a également le pouvoir de le révoquer, mais la popularité et le prestige du plus haut gradé de l’armée risquent de compliquer davantage les choses. « Un différend entre le Premier ministre et le chef d’état-major général de l’armée se solde rarement par l’éviction de ce dernier. On ne limoge pas un personnage de cette envergure sans prendre le risque d’ouvrir une crise politique et sans que les partis d’opposition ne cherchent à instrumentaliser cette situation », écrit encore Samy Cohen.

Dans sa première allocution en tant que candidat, Benny Gantz a accusé M. Netanyahu d’instrumentaliser les questions de sécurité et a critiqué la sortie de la politique d’ambiguïté concernant les frappes israéliennes en Syrie, alors que l’État hébreu revendique désormais ses attaques. Son autorité naturelle lui permet de faire de l’ombre à « Bibi » dans son pré carré et d’importer les différends entre M. Netanyahu et l’armée sur la scène politique. Et de contester ainsi ouvertement la domination du chef du Likoud dans ce domaine.



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commentaires (1)

Comme si c'était une question d'homme ! Le jeu se fera sur celui qui en a tué le plus ou qui en tuera le plus , d'innocentes victimes palestiniennes . Le plus important pour le Liban est que les résistants puissent être toujours prêts à rendre coup pour coup .

FRIK-A-FRAK

13 h 12, le 04 février 2019

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Commentaires (1)

  • Comme si c'était une question d'homme ! Le jeu se fera sur celui qui en a tué le plus ou qui en tuera le plus , d'innocentes victimes palestiniennes . Le plus important pour le Liban est que les résistants puissent être toujours prêts à rendre coup pour coup .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 12, le 04 février 2019

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