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À La Une - Reportage

Sur un marché du travail sinistré, la Grèce peine à intégrer ses réfugiés

"Pour un étranger en Grèce, ouvrir son commerce relève d'un vrai parcours du combattant!"

Une cliente se fait couper les cheveux à Athènes dans le salon de Manassif Raza, un réfugiés pakistanais, le 23 janvier 2019. Photo AFP / LOUISA GOULIAMAKI

Dans le quartier métissé d'Aghios Panteleimonas, au centre d'Athènes, Manassif Raza, réfugié pakistanais, accueille ses premiers clients dans son salon de coiffure flambant neuf. Sans aide de l'Etat, il a reçu le soutien de l'entreprise sociale "Layali" pour se lancer sur le marché du travail.

"Je commence enfin à voir mon avenir plus sereinement", se réjouit Manassif, arrivé il y a deux ans en Grèce sans argent ni famille. 
"En Grèce, les allocations sociales (pour les étrangers) sont quasi inexistantes, et il est dur de survivre. J'ai enchaîné des petits boulots au noir... Je me suis aussi fait héberger par des amis un temps. C'est le monde de la débrouille!", raconte le jeune homme, qui a ouvert son salon mi-janvier.

En Grèce, le taux de chômage reste le plus élevé de la zone euro (18%) et frappe surtout les jeunes au sortir d'une récession inédite.
Au printemps dernier, alors que Manassif suit une formation pour devenir coiffeur, il est contacté par l'entreprise sociale "Layali" ("mes nuits" en arabe), qui vient de se créer pour aider les réfugiés à s'intégrer dans la société grecque. "Nous avions obtenu gratuitement le local du salon par une connaissance. Mais ensuite, pour créer l'entreprise, nous avons dû accumuler de nombreux papiers, passer des heures dans les administrations, et trouver des fonds... Pour un étranger en Grèce, ouvrir son commerce relève d'un vrai parcours du combattant!", estime Marine Liakis, une Franco-Grecque à l'origine du projet. A terme, l'entreprise sociale veut former d'autres réfugiés à la coiffure, à la manucure, et les aider à décrocher un emploi. 

"Layali" a inauguré en décembre un magasin près de la Place Syntagma, face au parlement grec. Bijoux, porte-feuilles, sacs sont fabriqués par des réfugiés. Tous les profits leur reviennent.

Shaghayegh Farhang, 26 ans, vend ses oeuvres d'art dans l'échoppe. "Je suis venue en Europe parce que je ne voulais pas être censurée par les autorités étatiques ou religieuses (en Iran). Mais j'ai longtemps détesté la Grèce car je ne pouvais pas m'exprimer justement, pas par censure mais par manque de moyens d'expression et de place dédiée aux réfugiés dans la société grecque", constate la jeune Iranienne. "Avec ce projet, je recommence à trouver un sens à ma vie", note l'autodidacte qui en Iran faisait des photos de mariages. Le reste de sa famille est partie en Autriche: "Ici c'était trop difficile pour eux, ils ne voyaient pas d'avenir sans travail".
Le gérant du magasin, Iman, est également réfugié iranien, employé par l'entreprise sociale. Mais l'ancien étudiant en microbiologie rêve secrètement de monter son entreprise de cosmétiques.


(Lire aussi : Bloqués en Grèce, des réfugiés se reconstruisent par l'art et le sport)



"Le milieu associatif comble le vide"
Selon Dimitris Skleparis, professeur en sciences politiques à l'Université de Glasgow, auteur d'un ouvrage sur l'intégration des jeunes réfugiés syriens en Europe, "les réfugiés en Grèce ne bénéficient pas de soutien pour être orientés, formés ou même reconnus dans leur domaine de prédilection". 

Face au manque d'initiatives de l'État grec, c'est le milieu associatif qui a investi le vide existant. La Citi Foundation et l'ONG International Rescue Committee (IRC) ont elles aussi lancé un programme pour permettre à de jeunes réfugiés de devenir auto-entrepreneurs. En Grèce, Solidarity Now et Knowl le mettent en place.
Dans une salle de cours, une vingtaine de participants - des Afghans, des Nord-Africains, des Sierra-Léonais ou des Ivoiriens - écoutent le professeur qui leur enseigne comment faire une présentation Powerpoint et prendre la parole en public. Après deux semaines de formation, les réfugiés devront dévoiler leurs projets devant un jury composé d'entrepreneurs et de membres d'ONG. 
Les candidats sélectionnés bénéficieront d'une bourse d'environ 1.000 euros pour se lancer. Touria, une Marocaine de 31 ans, veut ouvrir un restaurant et "faire découvrir aux Grecs le couscous et le tajine!". "La bourse est juste un petit apport, mais cela m'encouragerait à aller de l'avant. Après, il me faudra trouver d'autres sources de financement et avec la crise, les banques grecques ne prêtent malheureusement pas facilement", déplore Touria. Jusqu'à présent, plus de 150 personnes ont suivi la formation. 
Au total, plus de 70.000 migrants et réfugiés vivent actuellement en Grèce. Moins de 10% ont un emploi, selon Dimitris Skleparis.


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