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Campus - TÉMOIGNAGES

« J’ai abandonné un excellent poste pour me lancer dans l’inconnu ! »

Injustice, frustration, tels sont les mots qui reviennent à la bouche de ces jeunes qui ont claqué la porte des entreprises où ils travaillaient, avec un salaire fixe et une sécurité garantie, pour se lancer en solo à leurs propres risques. Ils racontent leur décision, leurs craintes, mais surtout leur satisfaction de travailler comme ils le souhaitent.

« J’ai dû beaucoup me battre, me casser la tête, poser des questions pour trouver les solutions et lancer mon projet. »

Sybille Georges, 25 ans, architecte : « Je sais que c’est mon futur que je suis en train de bâtir »

« Dans le bureau d’architecture où j’ai travaillé à Paris pendant deux ans, je n’étais plus vraiment contente. Je sentais qu’il y avait beaucoup d’hypocrisie parmi les collègues et de plus, en architecture, nous travaillons de longues heures, avec un salaire de misère et très peu de reconnaissance de la part de nos directeurs. Souvent, nous sommes obligés d’exécuter des idées dont nous ne sommes pas convaincus et ce ne sont jamais nos noms qui sont mis en avant lorsque le concept plaît, mais celui de la boîte.

Lorsque la société a refusé de signer mon contrat de travail à durée indéterminée (CDI), j’ai sauté sur l’occasion. J’ai démissionné et j’ai décidé de réaliser une idée que j’avais depuis longtemps en tête : créer une plateforme de location de vêtements de particulier à particulier. J’avoue que je ne m’attendais pas à ce que les débuts soient aussi difficiles. D’autant que je ne connaissais strictement rien aux affaires, vu que je viens d’un background d’architecture. J’ai dû donc beaucoup me battre, travailler, me casser la tête, poser des questions pour trouver les solutions et lancer mon projet. Mais comme je voulais absolument réaliser mon idée, je bossais sans arrêt, même durant mes vacances, car je sentais que je créais quelque chose pour moi-même. Et cela m’a permis d’apprendre énormément de choses dans des domaines très différents et que je n’aurais jamais connues si j’étais restée dans l’architecture.

Lancer sa propre start-up pousse à être autodidacte et à toucher à tous les domaines. Mais le problème dans le travail en solo, c’est qu’on se rend compte subitement qu’il n’y a plus de limites entre notre vie personnelle et le travail. On a toujours l’impression que l’on doit faire plus pour avancer, bosser au lieu de s’amuser, travailler même les week-ends... On perd cette sécurité et cette structure organisée que donnent les entreprises : horaires précis, week-ends libres, salaire fixe… Et le plus déroutant, c’est cette discipline que l’on doit soi-même s’imposer, surtout au tout début, pour ne pas se laisser tenter par cette nouvelle liberté qui peut être une pente très glissante. Il ne faut pas oublier qu’il n’y a plus personne pour nous surveiller et nous pénaliser comme au travail en entreprise, et l’on n’a plus de routine avec des horaires fixes.

Aujourd’hui, avec le recul et malgré mes longues heures de travail et de fatigue, je ne regrette absolument pas ma décision. Je sais que c’est mon futur que je suis en train de bâtir. Et si mon idée ne marche pas, au moins j’aurai eu la satisfaction d’avoir essayé. »

Michel Achkar, 29 ans, ingénieur polytechnique : « En choisissant de travailler seul, on n’opte pas nécessairement pour la facilité »

« J’étais très content dans ce cabinet français de conseil basé au Liban, où je travaillais dans le domaine digital. J’avais un bon salaire et je voyageais beaucoup. Mais comme j’ai toujours eu un esprit d’entrepreneur, j’ai eu envie, à 23 ans et au bout de deux ans de travail, de lancer ma propre boîte. À l’époque, et à cause du retard du Liban dans le domaine digital, il y avait beaucoup d’opportunités que j’ai saisies. J’ai commencé d’abord en parallèle à mon boulot, ce qui était une grosse gaffe. Puis j’ai quitté ma société pour me lancer à fond. Et je crois que cela a été très bénéfique. J’avoue que cette liberté que l’on ressent au tout début, d’être maître de soi-même, de son temps et de ses décisions, est un pur bonheur. Mais on réalise très vite que cette liberté subite est une pente très glissante vers l’échec, si on ne réagit pas à temps. Car au final, on se rend compte qu’on n’est pas vraiment maître de son temps, et que les vrais chefs sont les clients qu’il faut satisfaire à temps, au risque de les perdre. On comprend alors qu’il faut beaucoup de rigueur et de discipline, qu’il faut bien gérer son temps, son équipe et ses journées pour avancer, et qu’en choisissant de travailler seul, on n’opte pas nécessairement pour la facilité.

Il y a beaucoup de frustrations dont tout entrepreneur doit être conscient, surtout la première année : accepter de n’avoir plus de rentrées pendant plus d’un an, modifier son rythme de vie, sa vie sociale, ses voyages, ses sorties… C’est pour cela que c’est une décision qui doit être très bien réfléchie et qui n’est pas adaptée à tout le monde. J’avoue que commencer à travailler seul, lorsque l’on est trop jeune, présente certaines difficultés, en raison du manque d’expérience dans certains domaines, notamment le management et le recrutement du personnel, par exemple, ou au niveau des décisions que l’on doit prendre seul. Mais l’avantage, c’est que l’on peut réintégrer plus facilement un travail en entreprise en cas d’échec. Et ça, c’est très important. Pour ma part, je n’ai jamais regretté ma décision. Voir son bébé grandir est un pur moment de satisfaction. »

Kim Torbey, 26 ans, graphic designer : « La productivité ne vient pas sur commande »

« Travailler de 9h à 17h dans un bureau de restauration collective à Londres, en tant que designer, et essayer de créer une idée lorsqu’ils nous le demandaient ne me convenait plus du tout. Je trouve qu’on ne doit pas imposer des horaires précis, surtout aux créatifs, car la productivité ne vient pas sur commande, mais selon l’inspiration et le moment venu. Moi, je suis beaucoup plus productive la nuit que le matin, par exemple. Et cela, je ne pouvais pas le faire en travaillant dans des tranches horaires fixes. De plus, j’ai senti que je ne pourrais jamais avancer ni entreprendre de grands projets dont j’allais être fière tant que je restais sous les directives de quelqu’un.

En août, j’ai décidé de retourner au Liban et de travailler en free-lance. J’étais consciente des risques du travail en solo, des jours où je n’aurais peut-être pas de projets, de la sécurité financière que je n’aurais plus, avec des rentrées fixes en fin de mois. Mais j’étais prête à tenter l’expérience. Il faut dire que je n’ai pas encore la responsabilité d’une famille à entretenir. Au début, cela a été difficile et surtout déroutant. J’ai réalisé subitement que toute la responsabilité des décisions reposait entièrement sur moi. Il n’y avait plus personne pour valider ou approuver mon projet, comme dans les entreprises où les chefs nous corrigeaient dans le cas où l’idée n’était pas bonne. Là, c’était à moi de poser un regard objectif sur mon travail, de décider si le concept allait plaire et vendre et de convaincre le client de mon idée. Et c’est vraiment très stressant au début. Par la suite, on apprend à avoir une plus grande confiance en soi et en son choix pour défendre ses idées et surtout se défendre face aux clients qui ont tendance à être exigeants dans leurs demandes lorsqu’ils nous voient seuls.

On réalise subitement que l’on est maître de tout : de notre temps qu’il faut apprendre à gérer, de nos journées qu’il faut réorganiser, de l’autodiscipline qu’il faut s’imposer pour être productif et ne pas se laisser aller. Aujourd’hui, je me lève tous les jours à 8h, même si je n’ai pas de projets à rendre, parce que j’ai besoin de cette structure pour fonctionner. Je m’oblige à faire deux fois par semaine du sport, j’organise mon horaire et le respecte très rigoureusement. Mais c’est sûr que pour tracer son chemin dans le domaine créatif et bâtir son avenir, il faut être très bien connecté dans un réseau d’artistes, aller dans des cafés culturels et artistiques, parler aux gens, se faire connaître. Par la suite, c’est le bouche à oreille et surtout les résultats de notre travail qui nous ouvriront les portes et les projets à venir. »

Jad el-Sheikh, 28 ans, licence en business : « J’ai laissé un excellent poste avec un très bon salaire pour me lancer dans l’inconnu »

« J’avoue que se lancer seul, c’est comme naviguer sur un bateau dans des eaux que l’on ne connaît pas. Car on réalise subitement, que l’on n’a plus ce minimum de sécurité que nous donnaient les sociétés, tant dans les salaires fixes que dans les horaires organisés ou dans le système bien structuré déjà mis en place. On se retrouve face à soi-même, sans personne pour nous rappeler à l’ordre et nous mettre dans le droit chemin, et on devient maître de ses propres décisions, qui peuvent être à double tranchant : lorsque l’on prend la mauvaise décision, on se fait avoir, mais si l’on fait le bon choix, on est récompensé. Mais j’étais tellement écœuré de la politique de ces grandes sociétés qui n’encouragent pas vraiment le travail des jeunes : des directeurs ingrats, de longues heures de travail, une pression pour atteindre un chiffre de vente incroyable, et beaucoup de stress… que j’ai décidé, il y a un an, de tout quitter et de lancer ma propre société de gérance d’appartements et de bureaux à Beyrouth. Je me suis attiré les foudres de mon entourage, car je laissais un excellent poste avec un très bon salaire pour me lancer dans l’inconnu. Mais je ne le regrette absolument pas.

Certes, au tout début, il faut batailler, se convaincre que l’idée que nous lançons est la bonne. Et cela n’est pas du tout facile. On se rend compte également qu’il faut bâtir sa renommée et que le succès dépend de la confiance que les clients auront en nous. Car au final, ce n’est plus le nom de la société qui est en jeu, mais notre propre nom. Aujourd’hui, j’ai appris de mes erreurs, et je sais qu’il faut être toujours à l’écoute des besoins des autres, foncer, ne pas avoir peur des risques, persister dans son choix, surtout si l’idée est bonne. Je suis content d’avoir sauté ce pas, alors que je n’ai pas encore de responsabilités et une famille à ma charge. Mais je conseille à tous ceux qui veulent se lancer d’avoir au préalable une expérience dans une société, pour mieux connaître le monde du travail. Je sais qu’aujourd’hui, je ne serais pas arrivé au même niveau et aussi rapidement si j’avais foncé dans mon entreprise à la sortie de l’université. »

Yasmina el-Baba, 28 ans, ingénieure en robotique : « Aujourd’hui, je suis tellement motivée que je ne sens pas la fatigue »

« J’étais très contente durant les premières années de mon travail en tant qu’ingénieure en robotique dans la société où je travaillais au Japon. Au bout de trois ans, j’ai senti que j’avais besoin d’avancer. On m’a alors promue en tant que manager d’une équipe. Là, je l’ai beaucoup regretté. Je n’avais pas la marge de manœuvre pour faire ce que je voulais. Je dépendais d’une hiérarchie qui m’imposait de faire des choses que je ne comprenais pas. Je sentais la frustration de mon équipe qui avait envie d’innover mais n’arrivait pas à le faire à cause de la mentalité encore archaïque de nos managers. Et je sentais surtout qu’il y avait une très forte compétition entre les employés qui cherchaient à se valoriser aux yeux des directeurs. Et cela, je ne l’ai plus supporté.

Au bout de deux ans, j’ai claqué la porte. J’ai rejoint alors des copains qui venaient de lancer leur propre start-up au Liban. Et là, j’ai senti toute la différence entre les grandes compagnies et ces petites start-up, où il y a moins de bureaucratie, très peu de politique et d’intérêts personnels et pas de compétition entre les employés. Tout le monde travaille pour un même objectif, avec le but de faire avancer ce projet sans aucun esprit de compétition.

Aujourd’hui, je bosse beaucoup plus qu’avant, même durant les week-ends, et je reste souvent jusqu’à trois heures du matin. Je ne prends plus de vacances et j’ai mis de côté ma vie sociale, car je sais que je suis en train de bâtir quelque chose que j’ai créé moi-même. Mais je suis tellement motivée que je ne sens pas la fatigue ni les privations que mon travail exige.

Je n’ai pas réellement pensé aux risques, car je sais que j’ai un background qui me permettra de reprendre un travail en entreprise à n’importe quel moment. Et cela est très important. D’ailleurs, je conseille aux jeunes qui veulent tenter l’expérience en freelance d’avoir une solution de retour avant de se lancer, de s’assurer qu’ils pourront reprendre le travail dans une société, dans le cas où leur décision échoue. Je leur conseille également de se faire une expérience au préalable dans une entreprise, pour connaître tous les rouages du monde du travail, mais surtout d’assurer un soutien financier qui leur permettra de tenir le coup, spécialement au tout début. À ce moment-là, ils doivent foncer sans hésiter, car ils le regretteront plus tard lorsqu’ils seront submergés de responsabilités. »



Sybille Georges, 25 ans, architecte : « Je sais que c’est mon futur que je suis en train de bâtir » « Dans le bureau d’architecture où j’ai travaillé à Paris pendant deux ans, je n’étais plus vraiment contente. Je sentais qu’il y avait beaucoup d’hypocrisie parmi les collègues et de plus, en architecture, nous travaillons de longues heures, avec un salaire...

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