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Liban - Sommet économique arabe

L’invitation du cheikh druze « de Khaldé » cristallise le retour de Damas

La présence de Nasreddine el-Gharib suscite une réaction ferme du cheikh Akl et des milieux joumblattistes.

Le cheikh Akl druze Naïm Hassan (photo de gauche) a critiqué hier, dans un communiqué, la présence du cheikh Gharib au sommet économique arabe. Photos ANI et Facebook

Les signes d’un retour de Damas sur la scène libanaise se multiplient, notamment au lendemain du sommet économique arabe de Beyrouth et le plaidoyer à vitesses variables d’une bonne partie du Liban officiel en faveur d’un retour du régime Assad au sein de la Ligue arabe. L’un des épicentres de ce retour est sans conteste la remise en cause chronique du leadership druze incarné par le chef du Parti socialiste progressiste (PSP) Walid Joumblatt, quasi seul au Liban à continuer à dénoncer les exactions du régime syrien – indépendamment des rapports du PSP avec le Hezbollah – et à retenir d’autres parties, comme le Premier ministre désigné Saad Hariri, plus discret dans ses attaques contre le régime, d’accepter des compromis à ce niveau, confie une source du PSP.

Après les convois armés des partisans de Wi’am Wahhab à Moukhtara et la controverse de Jahiliyé, le sommet arabe a de nouveau été l’occasion de marquer, dimanche, un nouveau coup contre M. Joumblatt, cette fois par le biais du président de la République Michel Aoun, et d’attiser de nouveau les flammes de la discorde interdruze. La présidence a en effet invité aux séances du sommet, aux côtés du cheikh Akl druze officiel, le cheikh Naïm Hassan, élu en vertu de la loi, le cheikh Nasreddine el-Gharib, un cheikh intronisé cheikh Akl par les opposants politiques prosyriens de Walid Joumblatt, à savoir le député Talal Arslane et l’ancien ministre Wahhab.

Ces derniers contestent la loi du 12 juin 2006, qui a pourtant mis en place le premier cadre légal pour organiser les affaires de la communauté. Cette loi, qui se voulait moderne, a établi le conseil druze et consacré l’unicité de l’institution du cheikh Akl. Elle a mis fin à la vieille coutume de la dualité des cheikhs Akl, l’un issu du clan yazbackiste, l’autre du clan joumblattiste. Cette dualité a été abandonnée pendant la guerre civile. Puis, sous la tutelle syrienne, le cheikh Akl de l’époque, Bahjat Ghaïth, avait été choisi avec la bénédiction de Damas pour limiter la marge de manœuvre de Walid Joumblatt au sein de sa communauté.

Pour MM. Arslane et Wahhab, proches du régime Assad, la loi de 2006 est faite à la mesure du PSP et l’unicité du cheikh Akl est une manière d’instituer le monopole de Walid Joumblatt. M. Arslane et Wahhab boycottent les élections du conseil druze depuis 2006. En septembre 2006, alors que ces élections se tenaient pour la première fois, Talal Arslane (qui avait au préalable tenté sans succès un consensus électoral avec M. Joumblatt sur un partage équitable de leurs représentants respectifs au sein du conseil druze) a intronisé à Khaldé le cheikh Gharib en tant que nouveau chef spirituel de la communauté, devant quelque quatre mille partisans et religieux, et en présence des anciens ministres Wi’am Wahhab et Mahmoud Abdel Khalek (Parti syrien national social), et l’ancien député Fayçal Daoud.


(Pour mémoire : Arslane tente de mobiliser les druzes de Syrie autour du régime Assad)


La retenue du cheikh Akl
Dimanche dernier, en marge du sommet arabe, le cheikh Akl Naïm Hassan a ainsi été étonné de croiser le cheikh Gharib, qualifié de « cheikh de Khaldé » par ses détracteurs. Mais le cheikh Hassan s’est retenu d’y réagir dans l’immédiat, choisissant de rester présent à l’événement, rapporte un analyste politique proche du PSP à L’Orient-Le Jour.

Sa réaction est venue hier, au lendemain du sommet, dans un communiqué – que le cheikh Akl s’est d’ailleurs dit désolé de devoir faire – en remettant la question entre les mains du chef de l’État. Il a ainsi dénoncé des « ingérences suspectes dans les affaires internes à la communauté druze » d’une part, et « des tentatives particulièrement dangereuses de saper le pacte national entre les communautés libanaises » de l’autre. Dans les milieux du PSP, la présence du cheikh Gharib est à mettre sur le compte de la politique du Courant patriotique libre (CPL) – ces milieux maintiennent toutefois la distinction, ne serait-ce que pour la forme, entre le CPL et le président de la République – visant à réduire le leadership de Walid Joumblatt.

Outre les discours de cadres du CPL dans le Chouf ravivant les blessures des conflits druzo-maronites et minimisant, ou désavouant, la symbolique de la réconciliation de la Montagne, les législatives de mai 2018 ont vu Talal Arslane constituer un bloc avec les élus du CPL dans le Chouf, sous le parrainage du chef de ce parti, le ministre sortant Gebran Bassil, un « sous-groupe » du bloc aouniste, selon ses détracteurs. Mais ce bloc a servi à légitimer la demande de M. Arslane – refusée par Walid Joumblatt – d’être représenté au sein du cabinet sur la quote-part du chef de l’État. Le nœud dit « druze » a finalement été dénoué à travers un accord entre le leader du PSP et le chef de l’État sur le nom d’un ministrable druze indépendant. Écarté in fine, Talal Arslane aura servi de moyen de pression de la part de Baabda pour tenter d’ébranler M. Joumblatt. Le communiqué du cheikh Akl dénonce d’emblée les pratiques du CPL considérées comme intrusives parce que jouant sur les rivalités interdruzes – en faisant comme si la loi de 2006 n’avait jamais existé, insistent les milieux du PSP en rappelant que le cheikh Akl est considéré comme un fonctionnaire de l’État – et dangereuses, puisqu’alimentant la rhétorique des chrétiens prétendûment « forts » face aux autres communautés. « Il n’est plus tolérable de se taire sur des pratiques de sabordage des cadres constitutionnels et légaux et des fondements du vivre-ensemble », ajoute encore le communiqué.



(Lire aussi : Arslane vs Joumblatt : des siècles de lutte d'influence pour le leadership druze)


Le retour de la vieille garde
Si le communiqué du cheikh Akl druze s’en est remis au président de la République, c’est parce que celui-ci est investi d’une « mission de veiller au respect de la Constitution et de l’application des lois, ainsi qu’au respect des spécificités du tissu communautaire », selon le texte.

Baabda a implicitement répondu au communiqué du cheikh Akl en éludant le problème. « Afin d’éviter toute instrumentalisation (de l’incident), le bureau du palais présidentiel tient à préciser que toute invitation à une cérémonie officielle, qu’elle s’adresse ou non à une personnalité religieuse, ne peut en aucune sorte être considérée comme une violation par la présidence de la République des valeurs et des conceptions nationales et, par extension, de la Constitution et des lois. » Le texte a affirmé, du reste, le souci du chef de l’État de « respecter la Constitution et veiller à l’application des lois », ainsi qu’à « l’unité des communautés libanaises et au respect de leurs représentants ».

« Cette manière de juger hors de propos le communiqué du cheikh Akl en feignant d’y répondre n’est pas sans rappeler les vieilles méthodes utilisées naguère sous la tutelle par le régime de Damas », note l’analyste précité, en rappelant le soutien éminent de l’ancien président Émile Lahoud au cheikh Ghaïth. La même démarche sous-tend la réponse hier de Wi’am Wahhab au communiqué du cheikh Akl, qu’il a invité à « cesser la politique d’amplification du conflit, comme s’il sentait que sa position était menacée et que la situation évoluait en sa défaveur ».

C’est en tout cas la vieille garde héritée de l’ère Lahoud qui officierait actuellement au palais présidentiel et qui a organisé l’événement, relève un observateur.

Talal Arslane a ainsi remercié Michel Aoun d’avoir invité le cheikh Gharib, « cheikh Akl druze », au sommet, preuve que « Baabda ne se soumet pas à la politique d’exclusion » exercée par Walid Joumblatt. Cela dit, cette « invitation est dans l’ordre des choses », a ajouté dans un communiqué le Parti démocrate libanais que préside M. Arslane.

Pour un cadre du PSP, en revanche, la démarche de Baabda fait fi de « la politique d’ouverture au compromis » dont a fait preuve Walid Joumblatt à son égard sur le dossier du gouvernement.

Cela s’explique par l’équation suivante, selon ce cadre : « La normalisation avec Damas que le chef de l’État appuie n’a pour obstacle que le chef du PSP. » S’agissant du Hezbollah, le PSP avait quelque peu calmé ses rapports avec le parti chiite après une rencontre dans la banlieue sud au lendemain des incidents sécuritaires de Jahiliyé provoqués par un raid des services de renseignements des Forces de sécurité intérieure au domicile de Wi’am Wahhab. Pour l’instant, estime un analyste politique, le Hezbollah se tient visiblement à l’écart des tentatives syriennes de circonscrire le leadership de Joumblatt, à la faveur d’un retour de Damas à Beyrouth, à l’heure où se profile une guerre d’influence irano-russe à travers deux courants opposés au sein du régime syrien, et alors que Moukhtara bénéficie, jusqu’à nouvel ordre, du fait de vieilles amitiés ancestrales, d’une certaine protection de la part de Moscou.

Marwan Hamadé a résumé la situation de manière lapidaire dans un communiqué hier : « En plus de la mauvaise gestion du sommet économique arabe avant, durant ou après l’événement, par les concernés (...), nous découvrons que ces derniers ne respectent personne ni à l’étranger ni à l’intérieur du pays. La sécurité du Liban ne saurait aller de pair avec la détermination à accroître les divisions internes, ni avec les jeux puérils et irresponsables qui compromettent nos relations arabes et internationales. »


Pour mémoire
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commentaires (8)

Damas etait de retour depuis un certain deja, ien avant le cheikh druze. Qui est le vice president de la chambre? ferzli! le ministre de la justice? jreissati! et la liste est longue...

Le Phenicien

00 h 27, le 23 janvier 2019

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Commentaires (8)

  • Damas etait de retour depuis un certain deja, ien avant le cheikh druze. Qui est le vice president de la chambre? ferzli! le ministre de la justice? jreissati! et la liste est longue...

    Le Phenicien

    00 h 27, le 23 janvier 2019

  • Je vais vous faire une confidence mes chers compatriotes. Savez-vous ce que retient l'histoire comme la raison principale pour laquelle le dernier roi arménien n'a pas pu transmettre son tronc à ses héritiers et le maudit empire ottoman à conquis ce pays, dailleurs comme Constantinople pour les transformer, en la Turquie actuelle ? LES DIVISIONS ET QUERELLES INCESSANTES DES PRINCES ARMÉNIENS DE CHAQUE REGION... D'OÙ LA FRAGILUSATION DU ROYAUME ET SA DISPARITION. ET ON CONNAIT LA SUITE EN 1915 TROIS SIECLES PLUS TARD. J'estme que dans l'histoire les exemples ne manquent pas pour nous enseigner les vertus de l'union. Cessons nos divisions entre libanais.

    Sarkis Serge Tateossian

    19 h 18, le 22 janvier 2019

  • L’invitation du cheikh druze « de Khaldé » cristallise le retour de Damas. Cristallise ? oui mais serti de diams ! Et envoyez la musique que les joumgirouttes et autres sauront maîtriser le tempo sur lequel ils vont danser .

    FRIK-A-FRAK

    17 h 03, le 22 janvier 2019

  • Ceux qui hurlent de rage à l'imminent retour de la Syrie dans les bonnes graces du giron international seront les premiers à retourner leur veste damassée et aller faire des génuflexions à Bachar, tous muscles ankylosés hahahaha.

    Tina Chamoun

    13 h 53, le 22 janvier 2019

  • Aoun a toujours été, est et restera la cinquième colonne du régime Syrien. En 1989, il a tenté de détruire la résistance. Lorsqu'il a échoué, il s'est servi de la fibre patriotique des Libanais, en général, et des Chrétiens, en particulier, pour diviser le territoire encore libre et les affaiblir en attaquant les troupes Syriennes. Nous avons par la suite assisté a la glorieuse fuite, l'abandon de ses troupe et du peuple Libanais a son sort alors qu'il prétendait rester le dernier et se battre a coup de couteaux de cuisine. Faut il s'attendre a d'autre pratique aujourd'hui? Les membres du CPL espèrent encore que ce Monsieur et sa famille sortiront le pays de la mouise dans laquelle eux même l'y ont mis... Bonne chance!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 46, le 22 janvier 2019

  • IL NE FAUT PAS EXAGERER ET DONNER UNE DIMENSION TROP GRANDE A UN ACTE INTERNE NON CALCULE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 43, le 22 janvier 2019

  • Il y avait le neud sunnite, le neud Aoun-Gendre-Hariri, le neud Hezbollah-Amal, maintenant on noue le neud druze, restent les Arméniens qui n'ont pas encore fabriqué leur neud ! Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 42, le 22 janvier 2019

  • C’est en tout cas la vieille garde héritée de l’ère Lahoud qui officierait actuellement au palais présidentiel et qui a organisé l’événement, relève un observateur Si cela s’avèrerait vrai alors les aounistes sont mal barrer et tous leurs beaux discours leurs manif pendant l ère de la tutelle n aurait servie à rien quoi tous les sacrifices non plus !!

    Bery tus

    07 h 20, le 22 janvier 2019

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