La visite à Beyrouth du secrétaire d’État américain adjoint aux Affaires politiques, David Hale, parallèlement à la tournée régionale du secrétaire d’État US Mike Pompeo, a renvoyé plusieurs messages internes et externes. D’emblée, elle a permis de préciser la politique américaine à l’égard de l’Iran, par-delà les paradoxes des choix de Washington dans la région. Certes, il s’est avéré que l’administration Trump n’envisage pas de substitut au régime actuel à Téhéran, mais elle souhaite voir se produire un changement des méthodes et de la politique de ce régime. C’est en revanche une position plus radicale que Washington a décidé de prendre à l’égard du Hezbollah. C’est ce que David Hale a voulu exprimer, qui plus est depuis la Maison du Centre, à l’heure où le Premier ministre Saad Hariri fait face à un blocage de la formation du gouvernement pour des raisons en partie liées aux intérêts du Hezbollah. C’est dans la symbolique du lieu choisi qu’il faut cerner l’essentiel de la visite de David Hale et la teneur de la position américaine actuelle au Liban : Washington se tient aux côtés de Saad Hariri non pas pour former un cabinet au plus vite, cela est une affaire intérieure, mais en raison de son intérêt pour un cabinet qui ne soit pas propice à une mainmise entière du Hezbollah. La stabilité au Liban relèverait de la nature du gouvernement plus que de sa formation. Telle est la position de Washington qui s’est exprimée ainsi pour la première fois officiellement.
Peut-on aller jusqu’à dire qu’une décision a été prise en faveur d’une solution radicale à la question des armes du Hezbollah ? Washington soutiendrait la conversion de la milice en parti politique libanais, débarrassé de sa dimension iranienne, mais il reste à savoir s’il s’agit d’un objectif réalisable ou seulement d’une position de principe. Quelle lecture faire en outre de sa déclaration d’appui à l’armée : une réaffirmation d’une position constante de Washington ou une référence implicite à une nouvelle démarche initiée en faveur du monopole des armes ?
Dans les milieux politiques informés de la visite de David Hale, le choix de la Maison du Centre pour prendre position contre le Hezbollah est en soi le signe qu’une décision a bel et bien été prise pour entamer le processus de désarmement de la formation chiite, si bien que l’ambassadeur d’Iran, peu coutumier de cette adresse, s’y est rendu hier pour répondre, par un parallélisme des formes, à « l’immixtion flagrante » de Washington au Liban et en Syrie contre le Hezbollah et les intérêts iraniens, selon ses termes.
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Or, cette « immixtion » serait bel et bien amorcée contre l’arsenal du parti chiite. Une action en faveur du monopole des armes aurait pris forme, ce qui explique que la formation du gouvernement soit entre-temps suspendue, croient savoir les milieux politiques déjà cités.
Dans ce contexte, une réactivation du cabinet d’expédition des affaires courantes est souhaitable, si l’on veut contenir le risque de ripostes violentes de Téhéran et du Hezbollah contre certaines mesures américaines à leur égard, principalement les sanctions économiques, précisent des milieux diplomatiques occidentaux.
Mais Téhéran serait bien informé du plan de l’administration Trump, par le biais de Moscou, qui aurait appelé l’Iran à mettre de l’eau dans son vin, confient ces milieux diplomatiques.
Par-delà les pressions présumées de Washington pour que l’Iran cesse ses ingérences militaires dans la région, Téhéran doit prendre en compte – c’est en tout cas le conseil de Moscou – les intérêts d’Israël en Syrie relatifs à la sécurité de ses frontières. Ce dernier aurait en effet renouvelé ses raids dans ce pays contre des positions iraniennes, épargnant les positions du régime syrien tout en informant Moscou, selon les mêmes milieux.
Certains diplomates occidentaux n’y vont pas par quatre chemins et soutiennent l’obligation pour le Hezbollah d’abolir son aile militaire, comme s’il y avait désormais un impératif d’appliquer la résolution 1559. Celle-ci prévoit notamment le désarmement et la dissolution de toutes les milices libanaises et non libanaises. Selon ces diplomates, si la politique de Téhéran dans la région est combattue par les États-Unis, c’est parce qu’elle risque d’entraver le nouveau plan de paix israélo-arabe du président américain. Support de l’action iranienne dans la région, le Hezbollah risque de se retrouver très vite dans l’œil du cyclone. C’est une période dangereuse pour le parti chiite qui s’annonce.
Les incidents itinérants à caractère politico-sécuritaire que connaît le Liban pourraient en être le présage. Les actes et discours d’hostilité à la Libye, qui ont amené ce pays à retirer sa participation au sommet économique arabe de dimanche prochain, sont un message au chef de la diplomatie Gebran Bassil, et à travers lui au régime actuel, qui paraît de plus en plus conciliant avec la politique de Washington. Soutenu par Damas, le Hezbollah a peut-être entamé, par le biais de son allié, le président de la Chambre Nabih Berry, une révolution blanche…
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commentaires (6)
Et juste pour notre info, il se trouve ou le Hassan Nasrallah?
IMB a SPO
19 h 01, le 16 janvier 2019