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Cas de confiance

Le Liban actuel fait penser à un de ces grands malades entourés, pour leur chance, d’un aréopage de médecins accourus à son chevet : un malade qui pourtant reste sourd à toutes les prescriptions, refuse de suivre un régime alimentaire, d’avaler ses cachets et pilules, d’arrêter enfin de fumer ou de s’envoyer des lampées d’arak en cachette. Au nombre de ces éminents spécialistes du mal libanais figure en bonne place le sous-secrétaire d’État américain David Hale, qui connaît bien notre pays, pour y avoir longtemps exercé diverses fonctions diplomatiques de première importance. Durant sa brève visite à Beyrouth, c’est évidemment une belle lapalissade qu’il a énoncée en qualifiant d’inacceptable la présence, au Liban, d’une milice échappant au contrôle de l’État. Ce constat confinait même au paradoxe, puisque l’Américain n’a cessé de souligner, dans le même temps, l’urgente nécessité que revêt la formation d’un gouvernement libanais d’unité : lequel – et il est loin de l’ignorer – devra inévitablement, nécessairement, inclure ladite milice.


Pour sortir de sa léthargie un establishment politique totalement irresponsable, l’émissaire US aura titillé les Libanais là où cela leur fait le plus mal : la poche. De très explicite manière, il a mis en garde contre le désastre économique qui frapperait le pays s’il s’avérait incapable, à force d’obstructionnisme, de procéder aux réformes cruciales exigées par les donateurs internationaux. Et d’entretenir, sinon de regagner, leur confiance. Le message était on ne peut plus clair, même si David Hale a aimablement passé sous silence les graves retombées que pourraient avoir, par ricochet, les sanctions américaines contre le Hezbollah. Cela sans parler des risques d’une soudaine désaffection des États-Unis, bien des nations de par le monde se trouvant en effet à la merci d’un twitte rageur du fantasque Donald Trump. Le voilà d’ailleurs qui menace de ruiner économiquement la Turquie – sa propre alliée au sein de l’OTAN – si seulement elle s’avise d’attaquer les Kurdes du Nord syrien.


Pour opportune qu’elle soit, l’exhortation américaine intervient toutefois à un moment où la fameuse confiance en l’État libanais – puisqu’il s’agit bien d’elle, n’est-ce pas Monsieur Hale – est à son plus bas : y compris, et même à commencer, par celle du peuple lui-même. À peine estompé le souvenir de l’incident de Jahiliyé (une rébellion armée accompagnée de mort d’homme, et demeurée impunie), l’affaire du prochain sommet économique de Beyrouth vient d’illustrer l’impuissance, face aux agissements miliciens, de l’autorité légale : et plus particulièrement d’une présidence de la République qui se rêvait forte. Au Hezbollah l’inacceptable privilège de guerroyer quand il l’entend, et où il l’entend ? Eh bien, c’est son comparse d’Amal qui s’arroge celui de la conduite des Affaires étrangères, recourant, avec le même et inacceptable mépris pour la loi, à la menace et aux actes de vandalisme pour exclure toute participation de la Libye à cette conférence panarabe.


Bien fragile est le prétexte invoqué pour ces débordements commis, de surcroît, par les militants d’un mouvement relevant du président de l’Assemblée nationale, mère de toutes les lois. Car si la Libye de Kadhafi est bien responsable de la criminelle disparition du fondateur d’Amal, l’imam Moussa Sadr, ce n’est guère le cas de l’actuel gouvernement révolutionnaire de ce pays. Mieux, toute coupable qu’elle fût, la même et sulfureuse Libye de Kadhafi avait déjà pris part au sommet arabe de 2002 à Beyrouth, tel étant tout simplement le bon plaisir de la Syrie. Mieux encore, des relations diplomatiques normales existent avec Tripoli, où l’ambassade du Liban était toutefois attaquée lundi par des manifestants en signe de représailles contre les sévices infligés par Amal à l’emblème national libyen. De mieux en mieux pour finir, l’ambassadeur du Liban en Libye, un chiite, se trouve être, dit-on, un proche du président Berry...


À défaut d’un État fort, respecté et qui en imposerait à tous, c’est une monnaie stable et des garanties aux déposants que promettait lundi le président Aoun devant une délégation de la Fondation maronite dans le monde. Mais comment la poche pourrait-elle, à elle seule, être source et garante de confiance?


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Le Liban actuel fait penser à un de ces grands malades entourés, pour leur chance, d’un aréopage de médecins accourus à son chevet : un malade qui pourtant reste sourd à toutes les prescriptions, refuse de suivre un régime alimentaire, d’avaler ses cachets et pilules, d’arrêter enfin de fumer ou de s’envoyer des lampées d’arak en cachette. Au nombre de ces éminents...