Capture d'écran tirée du compte Twitter de la journaliste libanaise Dima Sadek, montrant une image utilisée dans une campagne de publicité pour le magazine américain Reporter.
La journaliste libanaise Dima Sadek a provoqué une polémique ces deux derniers jours après avoir publié sur son compte Twitter une photo, tirée d'une campagne de publicité d'un magazine américain, montrant une femme non voilée lisant dans un océan de porteuses de niqab. Le débat a pris vendredi un nouveau tournant lorsque le porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee, s'y est invité.
Le 9 janvier, la journaliste de la LBC avait publié cette image d'une foule de femmes portant le niqab, à l'exception d'une seule, un exemplaire du magazine à la main, avec pour seul commentaire : "Magnifique."Cette photo fait partie d'une campagne de publicité et de conscientisation lancée par le magazine américain The Reporter. Celle qui a fait polémique, au Liban et ailleurs, s'intitule "Le magazine Reporter, qui remet en question le radicalisme". Sur la couverture du magazine tenu par la jeune femme tournant le dos aux femmes en niqab, on peut lire le titre "Les femmes perturbatrices" (Disruptive women, en anglais).
Adraee s'en mêle
Vendredi, Avichay Adraee, connu pour ses réparties polémiques sur les réseaux sociaux, a partagé l'image et répondu à Mme Sadek, en établissant un lien avec les tunnels creusés selon Israël par le Hezbollah pour infiltrer l'Etat hébreu.
"Des millions d'yeux sont aveuglés arbitrairement, seule une paire d'yeux est ouverte, pour lire la vérité sur les tunnels du Hezbollah", a-t-il écrit, en référence à l'opération de l'armée israélienne "Bouclier du Nord", visant à détruire les coursives souterraines du parti chiite à la frontière. Depuis le début de cette opération, il y a plusieurs semaines, Israël a annoncé avoir détruit cinq tunnels du Hezbollah.
La réponse de la journaliste libanaise ne s'est pas fait attendre. Dans une nouvelle publication, elle a rétorqué que ce sont les yeux du porte-parole qui sont "aveuglés depuis des décennies par notre droit en Palestine et par les massacres commis contre nous bien avant Deir Yassine", village de l'ouest de Jérusalem où les forces juives ont commis un massacre en avril 1948. "A vos yeux aveuglés s'ajoute votre stupide ignorance", a-t-elle ajouté, accusant ensuite l'armée israélienne de s'allier avec les jihadistes.
La journaliste a ensuite bloqué sur son compte twitter le porte-parole israélien.
"Amalgame entre hijab et analphabétisme"
Auparavant, l'image publiée par Dima Sadek avait déjà provoqué des remous sur les réseaux sociaux, nombre d'internautes l'accusant entre autres d'assimiler le port du voile avec l'analphabétisme.
"Qui a dit que se couvrir avec un hijab rend les filles analphabètes ? Ce stéréotype prévaut toujours au XXIe siècle. Madame Sadek, si vous affirmez que porter un hijab contredit l'éducation, permettez-moi de dire que vous représentez l'ignorance même", estime cette utilisatrice de Twitter.
Cet internaute a quant à lui partagé une photo d'une femme voilée dans le cockpit d'un avion, précisant qu'ils s'agit d'une pilote iranienne.
"Si une femme est libre de montrer son corps, pourquoi ne pourrait-elle pas être libre de le couvrir", s'interroge cet internaute.
Cette utilisatrice, suivant l'exemple de nombreuses autres personnes a, de son côté, publié une photo qu'elle a décrite comme "une vue générale de l'image" publiée par Mme Sadek, dans laquelle on voit la femme lisant le magazine avancer vers un précipice, avec la légende : "Tous les livres n'ont pas la même valeur et tous les lecteurs ne sont pas cultivés".
En parallèle aux nombreuses réactions, une campagne de "blocage du compte de Dima Sadek" a été lancée sur Twitter et suivie par des dizaines d'internautes.
Hijab vs. Niqab
Réagissant à ces publications et aux centaines de commentaires ayant suivi le partage de l'image polémique, la journaliste Dima Sadek a publié un communiqué dans lequel elle établit une différence entre le hijab, voile couvrant la tête et les cheveux, et le niqab, voile intégral ne laissant apparaître que les yeux de la personne qui le porte.
"Je suis étonnée du nombre de personnes qui sont prêtes à défendre le niqab (et non pas le hijab ou la burqa) dans le monde arabe", a-t-elle écrit. "Je pensais qu'il était considéré comme le vêtement des régimes extrémistes surtout que, depuis le début du XIXe siècle, de nombreux courants de l'Islam ont autorisé les femmes à montrer leur visage", a ajouté Mme Sadek. Elle a souligné que, dans ce contexte, elle considérait le niqab comme une manifestation "de l'extrémisme religieux et social". "Dans la plupart des cas, le port du niqab est imposé et n'est pas un choix personnel", a-t-elle insisté.
Pour mémoire
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commentaires (9)
Merci à la journaliste libanaise et à son courage. Le combat pour la liberté de pensée continue. Je pense à Voltaire. Philippe
VIARD Philippe
10 h 49, le 13 janvier 2019