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Mission du troisième type

Ce sera tant pis si ce cliché est usé jusqu’à la corde mais avec la disparition hier de Sélim Abou, c’est bien un de ses phares intellectuels et académiques les plus lumineux, les plus éclairants, que perd le Liban.

Homme de religion et homme de science, c’est à la connaissance et au service de l’humain, dans ses déclinaisons les plus diverses, qu’il avait voué une existence bien remplie, et que l’on croirait tirée d’un roman. Théologue, philosophe, anthropologue, linguiste, écrivain, professeur, doyen de faculté et puis recteur, le père Abou aura marqué de son empreinte des générations de diplômés de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. Pour maints de ceux-ci d’ailleurs, il sera demeuré, au fil des décennies, un mentor, un maître à penser.

Mais de toutes les casquettes qu’arborait cet être d’exception, c’est surtout celle de missionnaire – un missionnaire de type inédit, il est vrai – que retiendront ceux qui l’ont aimé et estimé. Tout aussi orphelins de ce familier des missions jésuites d’Argentine sont, bien sûr, ses chers Indiens guaranis, qu’il s’en allait régulièrement aider à s’intégrer dans leur environnement sans perdre pour autant leur identité et leur patrimoine culturels. C’est sur un terrain bien plus vaste cependant, celui du dialogue des cultures, et naturellement des religions, que ce puits de science s’acharnait à porter la bonne parole. Par ses écrits ou ses étincelantes interventions dans les conférences internationales, il était devenu une prestigieuse référence en la matière. Ce faisant, et charité bien ordonnée commençant par soi-même, c’est à la consolidation d’un délicat tissu national trop souvent exposé aux accrocs qu’il œuvrait inlassablement. Il n’y a là rien de surprenant, puisque cette préoccupation s’inscrit dans la plus pure tradition d’une université religieuse certes, qui porte d’ailleurs le nom d’un saint chrétien, mais qui a toujours tiré fierté de son assiduité à former des élites provenant des diverses familles spirituelles libanaises.

Que dans ses allocutions solennelles prononcées sous l’occupation syrienne cet ardent patriote ait précisément fait de l’université le berceau, le foyer, le vivier d’une résistance à l’injustice, à l’oppression et à l’humiliation, ne devrait pas surprendre non plus. Nombreux furent à l’époque ses détracteurs, au sein d’une caste politique résignée à filer doux. Nombreux aussi sont ceux qui, plus tard, n’ont pas manqué de lui rendre justice.

Mission en tout point spéciale. Mission largement accomplie.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Ce sera tant pis si ce cliché est usé jusqu’à la corde mais avec la disparition hier de Sélim Abou, c’est bien un de ses phares intellectuels et académiques les plus lumineux, les plus éclairants, que perd le Liban.Homme de religion et homme de science, c’est à la connaissance et au service de l’humain, dans ses déclinaisons les plus diverses, qu’il avait voué une existence...