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Liban - Manifestations

L’effet « gilets jaunes » gagne la toile libanaise

Des appels à une manifestation dimanche à Beyrouth se multiplient, sans que l’on sache qui est derrière ce mouvement.


Manifestation organisée dimanche 16 décembre 2018 par le Parti communiste libanais et la fédération nationale des syndicats ouvriers afin de protester contre la corruption au sein des institutions politiques. AFP / ANWAR AMRO

L’approche de Noël et la probable naissance du gouvernement ne semblent pas constituer des motifs suffisants pour dissuader les contestataires d’amplifier leur mouvement de protestation entamé la semaine dernière à Beyrouth et à Tripoli. La situation économique et sociale est si déplorable que de nombreux internautes se mobilisent sur les réseaux sociaux pour appeler le plus de monde à s’insurger « dans la rue », ce dimanche à 12h, contre la détérioration des conditions de vie et contre la classe au pouvoir, qu’ils accusent de corruption, clientélisme et confessionnalisme. Une déferlante de gilets jaunes a ainsi envahi Twitter, inondé également du hashtag #Je descends dans la rue, assorti de commentaires aussi variés que « Le gouvernement ne nous importe pas, nous voulons des gens qui ont une conscience », « Je descends dans la rue pour revendiquer des opportunités de travail », « Je descends dans la rue pour réclamer la baisse des prix, des impôts et des intérêts bancaires », « Je descends dans la rue pour que mes enfants ne s’expatrient pas comme je l’ai fait », « Mettez à l’écart votre religion, votre parti et votre leader, et pensez à l’avenir de vos enfants », « Je suis un chiite qui a faim, un sunnite qui a froid, un druze fauché, un chrétien noyé », « Le pays est en train de s’effondrer sur la tête du riche et du pauvre » ou encore « Les gens meurent aux portes des hôpitaux ». Ce dernier post fait vraisemblablement allusion à Mohammad Wehbé, un petit Palestinien qui serait décédé lundi soir faute de soins, pour avoir été refusé dans plusieurs hôpitaux. Des manifestations ont d’ailleurs eu lieu dans la nuit de mardi à mercredi dans différentes régions du pays, notamment au centre-ville de Beyrouth et à Tripoli, en signe de protestation contre l’Unrwa (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient), l’État libanais et le ministère de la Santé, à qui les protestataires ont fait assumer la responsabilité du décès, bien que le ministère ait affirmé que l’enfant était hospitalisé au moment de sa mort. Il n’a pas été possible de savoir si une partie politique est derrière ces appels, alors que plusieurs utilisateurs de réseaux sociaux ont exprimé leurs appréhensions à l’égard de « l’éventuelle infiltration d’une cinquième colonne ».

Au niveau des formations politiques, Hanna Gharib, secrétaire général du Parti communiste libanais (PCL), et Oussama Saad, député de Saïda et secrétaire général de l’Organisation populaire nassérienne, se sont réunis hier au domicile de M. Saad « pour évaluer dans la forme et dans le fond la manifestation de dimanche dernier et appeler à une réunion demain à 16h, au siège du PCL, en vue de discuter des prochaines étapes ». À l’issue de la réunion, le député nassérien a insisté sur « l’importance d’élargir l’éventail de participation et de permettre aux forces nationales progressistes de remplir un rôle essentiel dans la vie politique, d’autant que la situation économique a atteint un niveau dramatique ».

Pour sa part, M. Gharib a affirmé qu’« une série de démarches seront effectuées dans le cadre d’un mouvement d’escalade dans différentes régions », soulignant que la réunion de demain « est ouverte à tous ».


(Lire aussi : Le PCL réclame "la fin de l'Etat corrompu" lors d'une manifestation inspirée des "Gilets jaunes")


« On ne peut imiter les Français »
« De nombreuses associations et personnalités assisteront à cette réunion », affirme Omar Dib, cadre du PCL, interrogé par L’Orient-Le Jour, tout en précisant que « la manifestation du 23 décembre sera l’œuvre d’initiatives individuelles ». « Il est vrai que nous avons lancé le mouvement, mais c’est les gens et la société civile qui, enthousiasmés, ont appelé à cet événement », assure-t-il, déplorant toutefois que celui-ci « se tienne sous l’emblème des gilets jaunes ». « On ne peut imiter les Français, parce que ce qui réussit dans un pays ne réussit pas dans l’autre », estime-t-il, avant d’affirmer que le Parti communiste libanais et l’organisation populaire nassérienne vont organiser des manifestations « dans les deux ou trois prochaines semaines ». M. Dib estime que le nombre de manifestants sera encore plus grand que celui de dimanche dernier, souhaitant que « le peuple dans sa totalité se soulève contre les responsables ». Les partis traditionnels seront-ils inclus ? « Nous n’accueillerons pas les partis au pouvoir parce qu’ils vont accorder la confiance au gouvernement sous prétexte de remédier à la situation économique », lance-t-il, déplorant que « le prochain cabinet sera forcé de se plier aux conditions de la CEDRE, c’est-à-dire de réduire le déficit budgétaire en augmentant la TVA, les impôts sur le carburant et les factures d’électricité, tout en réduisant les indemnités des retraités ». Au sujet de savoir si même les partisans du Hezbollah ne sont pas les bienvenus, M. Dib affirme qu’« on ne peut empêcher un citoyen de venir exprimer ses souffrances ».

Interrogé par L’OLJ, un militant actif de la société civile qui a requis l’anonymat, enthousiaste mais néanmoins sceptique, pour l’heure, face à ce mouvement, s’indigne à cet égard que « dimanche dernier, des journalistes proches du Hezbollah, notamment Habib Fayad et Fayçal Abdel Sater, étaient aux premiers rangs des contestataires ». « Les organisateurs auraient dû leur demander de se retirer », soutient-il. S’il approuve le mouvement parrainé par le PCL au plan de ses revendications et de ses critiques contre l’État, il trouve « une certaine incohérence dans l’alignement de ce parti sur les forces du 8 Mars, notamment le Hezbollah ». Pour lui, le parti chiite est « un acteur du pouvoir. Il fait partie du régime sectaire, et couvre la corruption, voire y participe ». « Comment dès lors le PCL peut-il être crédible aux yeux des vrais indépendants, alors qu’il dédouane le Hezbollah de sa responsabilité ? » s’interroge l’activiste, estimant que « l’anti-impérialisme, la lutte contre l’hégémonie américaine et la résistance contre Israël ne suffisent pas à réhabiliter une formation politique qui fait partie de l'establishment ».


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commentaires (3)

SE PLAINDRE, S,EXHIBER ET PUIS SE TAIRE C,EST L,APANAGE DES REVENDICATIONS DES LIBANAIS...

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 32, le 20 décembre 2018

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Commentaires (3)

  • SE PLAINDRE, S,EXHIBER ET PUIS SE TAIRE C,EST L,APANAGE DES REVENDICATIONS DES LIBANAIS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 32, le 20 décembre 2018

  • L'idée que le peuple paupérisé se rebelle est bonne quelle que soit la couleur du gilet. Mais malheureusement, d'autres manifs ont été étouffées dans l'oeuf dans un passé récent. Pourvu que celles à venir ne fassent pas long feu et que les revendications ne partent pas dans tous les sens pour ne pas perdre de leur sens. P.S: Contrairement à ce que certains croient et écrivent, "Faire long feu" signifie ne pas durer longtemps.

    Tina Chamoun

    12 h 12, le 20 décembre 2018

  • Allah yesa3idna....

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 06, le 20 décembre 2018

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