La semaine de la reprise de l’initiative par le président de la République touche à sa fin, sans avoir enregistré des résultats concrets sur le plan de la formation du gouvernement. Elle avait commencé par une décision claire de la part du chef de l’État d’accélérer le processus de formation, considérant que le délai s’était prolongé bien plus que prévu alors que la situation économique s’approche dangereusement des clignotants rouges.
Au départ, le président songeait sérieusement à adresser une lettre au Parlement pour placer les différentes parties devant leurs responsabilités. Il a d’ailleurs discuté de cette option avec le président de la Chambre, Nabih Berry, lors de leur rencontre à Baabda. Selon des sources proches de Aïn el-Tiné, le président de la Chambre aurait déconseillé au chef de l’État de prendre cette initiative, estimant qu’elle ne doit être utilisée qu’en dernier recours, même s’il est exact qu’elle fait partie des prérogatives constitutionnelles accordées au chef de l’État. M. Berry pense en effet qu’il y a des risques que les députés sunnites boycottent la séance qui serait consacrée à la lecture de la lettre du président. Ce qui le pousserait à la reporter pour ne pas tomber dans le piège de l’exclusion d’une composante importante du tissu national libanais et pour ne pas aggraver les divisions internes et entraîner le Liban dans une crise de régime au lieu d’être une simple crise politique. De plus, selon les sources de Aïn el-Tiné, si la lettre présidentielle n’a pas l’effet escompté auprès des députés, ce serait un coup porté au prestige et au rôle de la présidence de la République. C’est pourquoi Nabih Berry aurait donc suggéré au président Aoun de n’adopter ce scénario qu’en ultime recours.
De son côté, le chef de l’État avait un objectif précis, à travers la menace d’utiliser cette prérogative, celui de faire bouger le dossier de la formation du gouvernement et de le sortir de l’immobilisme. De fait, les différentes parties concernées ont soudain décidé de remettre le dossier de la représentation des sunnites du 8 Mars au sein du gouvernement au cœur des négociations et c’est ainsi que le chef de l’État a reçu à Baabda le Premier ministre désigné, les membres de la Rencontre consultative ( les six députés sunnites du 8 Mars), une délégation du bloc de la résistance(Hezbollah), ainsi que le député Teymour Joumblatt et d’autres personnalités concernées par le dossier.
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Toutefois, selon des sources proches de la Rencontre consultative, les réunions de Baabda n’ont pas vraiment permis de faire une percée dans le dossier. Selon ces mêmes sources, les six députés sunnites croyaient que le président allait leur soumettre une idée précise alors que le chef de l’État semblait attendre d’eux une initiative donnée. La rencontre a donc été très cordiale, mais elle n’a pas abouti à un progrès concret dans le dossier de la représentation des sunnites du 8 Mars au sein du gouvernement. Le seul élément nouveau, c’est que le chef de l’État aurait suggéré aux membres de la Rencontre consultative de choisir pour les représenter une personnalité en dehors de leur groupe.
Pour l’instant, le chef de l’État serait en train d’évaluer les résultats des contacts effectués au cours de la semaine écoulée et de faire une synthèse au sujet des solutions possibles, en attendant le retour à Beyrouth du Premier ministre désigné, ainsi que les résultats de la rencontre entre Saad Hariri et Gebran Bassil à Londres.
Jusqu’à présent, les efforts du chef de l’État se heurtent à un double refus : celui de Saad Hariri qui n’accepte toujours pas de rencontrer les six députés de la Rencontre consultative, et encore moins de leur octroyer un ministère d’État, et celui du groupe des six qui refuse de ne pas être représenté par l’un de ses membres au sein du gouvernement.
La solution possible, estiment des sources qui suivent le dossier, consiste donc dans la remise par les six députés sunnites du 8 Mars au président de la République d’une liste de trois noms de personnalités proches d’eux afin qu’il en choisisse une qui serait incluse dans sa part gouvernementale. Un peu dans le genre de la solution adoptée pour le nœud dit druze. Mais ce scénario se heurte encore à trois obstacles. D’abord l’exigence des six députés sunnites d’être reçus par le Premier ministre désigné, car cette rencontre représenterait une reconnaissance de sa part de leur existence. Ensuite, leur refus déclaré jusqu’à présent de se faire représenter par une personnalité qui ne serait pas membre de la Rencontre consultative et, enfin, le refus de Gebran Bassil de réduire la part du président et celle du CPL, qui, selon lui, devrait être (au total) de 11 ministres dans un gouvernement de 30. M. Bassil précise, dans ce contexte, qu’il ne s’agit pas de vouloir pour le camp présidentiel le tiers de blocage au sein du gouvernement, car, selon lui, il n’en a pas besoin, mais plutôt d’une question de principe relative aux résultats des élections législatives. Le chef du CPL préférerait, en effet, la solution des 32 ministres qui a été rejetée par Hariri.Pour l’instant donc, et après une semaine de concertations, le dossier de la formation du gouvernement continue de tourner en rond. Et les grands perdants sont le Liban et les Libanais.
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commentaires (10)
Il ne faut pas attribuer tout les retards aux luttes politiques et au hasard. Il y a aussi 5'000.- fonctionnaires que les ministres sortants semblent avoir employés depuis les élections de mai (selon la presse). Donc certains arrivistes pourraient favoriser la continuité du Gouvernement sortant et le presque vide institutionnel.
Shou fi
17 h 55, le 14 décembre 2018