Le Premier ministre libanais désigné, Saad Hariri, qui tente depuis mai dernier de former son gouvernement, a assuré jeudi depuis Londres que le processus était "dans les 100 derniers mètres" et que la mise sur pied du cabinet se ferait "bientôt".
"Le gouvernement sera bientôt formé car tout le monde sait que la stabilité économique prime sur tout agenda politique. (...) Nous sommes dans les 100 derniers mètres", a assuré Saad Hariri, lors d'une séance de questions-réponses organisée à Londres par le centre de réflexion Chatham House avec des étudiants et des hommes et femmes d'affaires.
Six députés sunnites pro-syriens insistent à être représentés au sein du prochain gouvernement, mais Saad Hariri s'y oppose catégoriquement, ce qui provoque la poursuite du blocage dans la formation depuis des semaines, après l'optimisme qui avait prévalu auparavant.
"Toutes (les formations politiques) réclament d'être représentées au sein du gouvernement. Je ne pense pas que la mise sur pied du cabinet ait une dimension régionale. Il reste un obstacle, mais je crois qu'il sera surmonté. Durant les derniers jours, je n'ai pas ménagé mes efforts pour la formation du gouvernement et pour assurer une représentation équitable. Le Liban ne peut pas continuer sans gouvernement", a prévenu M. Hariri.(Lire aussi : A Londres, Hariri appelle les investisseurs britanniques à faire confiance au Liban)
Tunnels du Hezbollah
Sur le plan sécuritaire, Saad Hariri a répondu à des questions sur la menace israélienne contre le Liban, au moment où l'Etat hébreu poursuit une opération à la frontière avec pays du Cèdre, après avoir annoncé la découverte de trois tunnels que le Hezbollah aurait creusé entre les deux pays.
"Vous avez entendu parler des tunnels (du Hezbollah entre le Liban et Israël). Mais avez-vous entendu parler des violations israéliennes contre notre territoire, notre espace aérien et maritime? Cela est-il juste? La résolution 1701 (du Conseil de sécurité de l'ONU) doit être appliquée des deux côtés (libanais et israélien)", a-t-il dit.
Votée en août 2006, la 1701 a permis de mettre fin à la guerre de juillet 2006, qui a opposé Israël au Hezbollah, et stipule que le Liban doit étendre son autorité à l’ensemble de son territoire, conformément aux dispositions des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006) et de l’accord de Taëf. La résolution 1701 réaffirme le respect de la ligne bleue et indique qu’aucune force armée, à part l’armée libanaise et la Finul (Force intérimaire des Nations unies au Liban), ne doit se trouver au sud de la rivière Litani.
Abordant ses relations avec le Hezbollah, le Premier ministre désigné a déclaré: "Je ne pourrai pas faire changer au Hezbollah sa position vis-à-vis de l'Iran, et le Hezbollah ne peut pas me faire changer d'avis au sujet de l'Arabie saoudite, et c'est pour cela que nous avons mis de côté nos divergences sur ce plan".
En outre, Saad Hariri a abordé la question du conflit en Syrie voisine et ses conséquences sur le Liban. "Notre armée et nos forces de sécurité sont en constante alerte afin d'empêcher toute infiltration terroriste. Le Liban reste une source de stabilité dans la région. Nous devons œuvrer à éviter que le conflit en Syrie ne s'étende pas au Liban. Mais cette tâche s'avère ardue avec la présence de plus d'un million de réfugiés syriens sur le territoire libanais", a souligné Saad Hariri.
CEDRE et lutte anti-corruption
Sur le plan économique, Saad Hariri a indiqué que "notre stratégie consiste à préparer l'infrastructure libanaise afin qu'elle soit le point de départ des compagnies étrangères qui prendront part à la reconstruction de la Syrie, de l'Irak et de la Libye".
Il a une nouvelle fois insisté sur la nécessité de lutter contre la corruption et d'implémenter une série de réformes.
"Ma principale préoccupation est d'implémenter les décisions de la conférence CEDRE. Il y a un accord avec le président du Parlement, Nabih Berry, et les députés, afin que les lois sur la lutte contre la corruption soient rapidement implémentées".
La réduction du déficit public, d’un point de PIB par an sur cinq ans fait partie des conditions imposées au Liban pour débloquer l’enveloppe de plus de 11 milliards de dollars de prêts et de dons que ses soutiens se sont engagés à lui accorder lors de la conférence de Paris (CEDRE) en avril dernier. Mais cet effort peut difficilement être engagé sans un nouveau gouvernement, dont la formation est bloquée par des tensions politiques depuis les législatives de mai. Vendredi dernier, l’ambassadeur de France à Beyrouth, Bruno Foucher a estimé que le Liban pouvait risquer de passer à côté des engagements de CEDRE si aucune issue n’était rapidement trouvée.
(Lire aussi : CEDRE : un forum à Londres pour promouvoir les PPP au Liban)
Outre le déficit public, le Liban doit également résorber son endettement, qui devait atteindre près de 155 % du PIB à la fin de l’année (autour de 85 milliards de dollars), selon la Banque mondiale. Pour l’instant, les principales agences de notation américaines ont toutes maintenues leurs évaluations respectives de la solvabilité du pays (B3 pour Moody’s, B- pour Standard & Poor’s et Fitch, à chaque fois avec perspective « stable »).
"Les dépôts financiers (au Liban) ont baissé en raison de la situation économique dans les pays du Golfe et la situation monétaire mondiale. Les projets qui seront exécutés vont apporter des fonds au Liban, en plus de ceux prévus par la CEDRE", a en outre expliqué Saad Hariri.
Hier, Saad Hariri avait appelé les hommes d'affaires britanniques à investir au Liban, malgré l'instabilité régionale et le vide gouvernemental, assurant que la région "se dirige vers une période de stabilité, de croissance et de prospérité", lors de l'ouverture du premier forum libano-britannique des affaires et de l’investissement, organisé à Londres.
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commentaires (11)
"tout le monde sait que la stabilité économique prime sur tout agenda politique". Bien entendu! Tout le monde sait, mais est-ce que tout le monde VEUT cette stabilité? C'est la vraie question.
Yves Prevost
07 h 53, le 14 décembre 2018