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Moyen Orient et Monde - COP24

Le « passeport climatique » peut-il être une solution d’avenir ?

L’Université des Nations unies vient de présenter les résultats d’une recherche sur les migrations humaines et le changement climatique.

Des inondations massives dans la banlieue d’Asuncion, au Paraguay, le 24 octobre dernier. JORGE ADORNO / REUTERS

À trois jours de la clôture du 24e sommet climatique de l’ONU à Katowice en Pologne, dont l’objectif principal est l’adoption d’une feuille de route pour l’application de l’Accord de Paris signé par les parties en 2015, alors même que les débats sur les questions financières et sur l’ambition des pays à réduire leurs émissions continuent de faire rage, il était aussi question, au siège de la COP, de migrations humaines qu’entraînera (s’il ne le fait déjà) le changement climatique dans le monde.

Le rapport présenté hier est signé par l’Institut pour l’environnement et la sécurité humaine de l’Université des Nations unies (UNU-EHS). Dirk Messner, directeur de l’institut, répond aux questions de L’Orient-Le Jour sur ce phénomène dont la gravité est déjà constatée dans le monde : il est en effet estimé, selon le rapport, que 12 % des migrations mondiales actuelles sont dues à des raisons liées à l’environnement, notamment au changement climatique.

Pour Dirk Messner, en matière de migrations liées au changement climatique, il faut respecter trois priorités : la première est de faire tout ce qui est possible pour éviter d’en arriver à cette extrémité, la deuxième est d’initier des actions pour répondre aux besoins d’adaptation des sociétés sur place, comme des infrastructures adaptées par exemple, et la troisième consiste à faire face aux migrations forcées dues aux changements brutaux dans l’environnement des pays, comme la disparition d’îles causée par la hausse du niveau de la mer.

L’une des idées phares de cette étude est celle d’introduire l’idée du « passeport climatique », qui serait accordé à ceux dont la migration est devenue la seule option possible, afin de faciliter leur transfert vers d’autres pays. « C’est une mesure d’urgence qui serait, dans un premier temps, réservée aux citoyens des pays insulaires qui risquent de disparaître », explique Dirk Messner. Selon lui, l’idée n’est pas d’encourager de quelconques migrations, mais d’éviter que « ces mouvements de population, qui pourraient devenir inévitables, ne se fassent pas dans le chaos ». Et qu’en est-il d’autres populations qui pourraient être amenées à migrer en raison de sévères sécheresses par exemple ? « Il faudra ouvrir le débat sur toutes ces éventualités, dit-il. Nous estimons que près de 150 millions de personnes pourraient, à l’avenir, être amenées à se déplacer pour des raisons liées à la dégradation de l’environnement et au climat si des actions très significatives ne seraient pas menées au plus vite. »

Comment cette question du « passeport climatique » sera-t-elle accueillie par des sociétés qui se révoltent déjà contre les flux d’immigrés, avec les conséquences qu’on connaît ? Selon Dirk Messner, il est important que les sociétés, notamment des pays développés, comprennent que le problème va survenir dans tous les cas et que mieux vaut avoir une stratégie pour éviter les migrations chaotiques. « Il faut se battre pour ce genre de solutions et promouvoir les actions préventives, souligne-t-il. Le changement climatique est aussi un problème qui prend une dimension sécuritaire, ce qui doit être pris en compte. »


(Lire aussi : Contre le réchauffement climatique, des initiatives individuelles mises à l’honneur)


Ne pas oublier « les autres »
À la question de savoir comment de telles idées sur les migrations humaines peuvent être introduites dans les négociations en cours, Dirk Messner souligne que ce thème s’insère dans les pourparlers spécifiques au financement des « pertes et dommages », en d’autres termes tout ce qui a trait aux compensations des victimes d’événements liés au changement climatique (par opposition au financement des projets de « mitigation », c’est-à-dire l’action pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et d’ « adaptation », pour aider les sociétés les plus vulnérables à s’acclimater aux changements). Or, les « pertes et dommages » sont traditionnellement le parent pauvre des négociations, ce qui a encore été confirmé au cours de cette COP, où aucun progrès n’a été fait sur ce plan, selon les ONG sur place. Traditionnellement, et c’est toujours le cas aujourd’hui, les pays développés, qui devraient financer la mise en application de l’Accord de Paris (un financement dont les mécanismes n’ont toujours pas été finalisés), préfèrent consacrer l’argent à la mitigation et rechignent même à financer l’adaptation, d’où un conflit qui s’éternise avec les pays en développement. Comment, dans ce contexte tendu, aborder la migration des populations les plus démunies ?

Les expressions « justice climatique » et « transition écologique juste » sont souvent prononcées au cours des négociations. « Avec ces notions, qui visent à protéger les emplois de ceux qui seraient affectés par la transition écologique (énergétique par exemple), nous parlons surtout de nos propres sociétés, souligne Dirk Messner. Mais n’oublions pas que le changement climatique affecte les autres aussi, et les migrations en sont une manifestation. »

Ce risque de fortes migrations humaines n’est pas une vue de l’esprit, selon l’expert. Il devrait intervenir même si on réussit à limiter la hausse de la température de la terre à 1,5 ou 2 degrés par rapport à l’ère préindustrielle. Or, rappelons que le rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC, plus grande instance scientifique mondiale sur le climat), publié en octobre, a recommandé des actions ambitieuses pour limiter la hausse à 1,5 degré… et que ce texte a été « accueilli favorablement » par tous les pays à la COP24, excepté quatre puissances pétrolières : les États-Unis, la Russie, l’Arabie saoudite et le Koweït, qui ne veulent qu’« en prendre note ». Autrement dit, ils ne souhaitent pas l’inclure dans les débats. La partie n’est pas gagnée d’avance…



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À trois jours de la clôture du 24e sommet climatique de l’ONU à Katowice en Pologne, dont l’objectif principal est l’adoption d’une feuille de route pour l’application de l’Accord de Paris signé par les parties en 2015, alors même que les débats sur les questions financières et sur l’ambition des pays à réduire leurs émissions continuent de faire rage, il était aussi...

commentaires (1)

Original ce passeport climatique mais ces pays d'acceuil sont-ils prêts à recevoir ce grand nombre de personnes ? A suivre .

Antoine Sabbagha

18 h 07, le 13 décembre 2018

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Commentaires (1)

  • Original ce passeport climatique mais ces pays d'acceuil sont-ils prêts à recevoir ce grand nombre de personnes ? A suivre .

    Antoine Sabbagha

    18 h 07, le 13 décembre 2018

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