Depuis quelques jours, des panneaux publicitaires dispersés dans les différentes régions libanaises interpellent : « Quel sens aurait le Liban sans personnalité », peut-on lire sur ces affiches sur lesquelles les mots « Liban » et « sans personnalité », écrits en blanc, ressortent. Il s’agit de la nouvelle campagne de Kafa qui se poursuivra jusqu’à la fin du mois – et qui sera appuyée également par des spots télévisés – appelant à un code civil du statut personnel.
Et pour cause, puisque « les quinze codes communautaires de statut civil en vigueur actuellement au Liban renforcent les divisions sociétales et communautaires, ainsi que la discrimination envers la femme », explique Leila Awada, avocate et membre fondatrice de Kafa. « Ces lois consacrent l’autorité de l’homme au sein de la famille et soumettent la femme à cette autorité, ce qui favorise la violence à son égard », poursuit-elle. Et d’insister : « L’État est aux abonnés absents. Il manque à son devoir d’établir un code unifié du statut personnel qui assure l’égalité entre tous les citoyens, quels que soient leur sexe ou la communauté à laquelle ils appartiennent. Il est d’ailleurs du devoir de l’État de garantir et de préserver les droits de ses citoyens. C’est le cas dans tous les pays du monde, même dans les pays arabes où le code du statut personnel, qui est basé sur la chari’a islamique, est une loi civile dans le sens où l’État est l’autorité de référence. »
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La femme toujours sous la tutelle de l’homme
La campagne de Kafa part de ce principe et a pour objectif de parvenir à une loi qui établira la justice entre les citoyens à tous les niveaux. « Les lois n’ont pas suivi le développement du statut de la femme en société et la maintiennent toujours sous la tutelle de l’homme qui a une autorité absolue sur elle », déplore Leila Awada.
À ce problème s’ajoute celui de la discrimination établie entre les femmes selon les lois communautaires. « Les besoins fondamentaux des enfants sont les mêmes quelle que soit la communauté, toutefois la valeur de la pension varie d’une communauté à une autre, déplore l’avocate. Il en va de même pour ce qui est de l’âge de garde de l’enfant. De plus, selon ces lois, une femme qui ne respecte pas l’autorité de l’homme est considérée comme insoumise. Ces lois ne font en aucun cas référence à un homme insoumis. En ce qui concerne le divorce, il est plus ou moins facile, selon les communautés, sachant que la femme fait souvent l’objet de chantage dans les tribunaux religieux. »
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Le mariage des mineures qui reste en vigueur dans certaines communautés est un autre problème de l’absence d’un code civil du statut personnel. « C’est une pratique susceptible d’augmenter le taux des femmes analphabètes, constate-t-elle. Est-ce que nous voulons vraiment cela ? »
Pour Kafa donc, « l’absence d’une loi civile porte atteinte à la personnalité et à la souveraineté de l’État, mais aussi au sens d’appartenance citoyenne ». C’est la raison pour laquelle d’ailleurs « la majorité des citoyens n’ont pas de sentiment d’appartenance à l’État, mais à leur communauté, parce que c’est elle qui gère leur vie privée », observe Leila Awada. « Cela est inacceptable, parce qu’il est du devoir de l’État de veiller aux affaires des citoyens et d’organiser les relations entre les individus, mêmes familiales. »
Parallèlement à cette campagne, Kafa prépare une proposition de loi qui serait une alternative à l’ensemble des lois communautaires en vigueur. Un travail de longue haleine.
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commentaires (4)
Mais bien sûr qu’il faut un droit de la famille unifié et opposable à tous les citoyens libanais. Avec une chambre de la famille dans chaque tribunal . 18 droits personnels différents est une ineptie , surtout lorsque l’on sait que le contentieux de la famille est le important en volume dans un tribunal européen ou un quelconque état des usa . Comment laisser encore en 2018 un homme religieux statuer sur le sort d’une femme ou d’une famille en général ?
L’azuréen
12 h 08, le 06 décembre 2018