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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Avec George Bush père, une Amérique plus puissante que jamais débarque au Moyen-Orient

Le 41e président des États-Unis, décédé vendredi, a été au cœur de deux dossiers majeurs dans la région : la guerre du Golfe et le processus de paix israélo-arabe.

Photo du président américain George Bush prise le 31 octobre 1992. Archives AFP

« Les États-Unis ont progressé au niveau de leur connaissance du monde arabe. Ils s’en préoccupent davantage aujourd’hui que dans le passé », estimait le célèbre journaliste libanais Ghassan Tueni au lendemain de la victoire de Bill Clinton à l’élection présidentielle américaine de novembre 1992. Un progrès largement attribué à son prédécesseur, bon perdant de cette seconde course à la Maison-Blanche, George Bush, qui vient de décéder à l’âge de 94 ans. Profitant à l’époque d’une dynamique mondiale nouvelle, il va être au cœur des défis les plus brûlants qu’ait connu le Moyen-Orient à la fin des années 80 et au début des années 90. Avec lui, les États-Unis vont faire une entrée en force dans la région, comme ailleurs, en tant que superpuissance unique. Un temps aujourd’hui révolu au vu du relatif désengagement américain du Proche et du Moyen-Orient initié par Barack Obama.

Lorsqu’il remporte l’élection de 1988, ce républicain, ancien vice-président de Ronald Reagan, montre d’emblée un intérêt certain pour la diplomatie, un penchant qui lui sera reproché lors du scrutin suivant par un électorat davantage préoccupé par les enjeux de politique intérieure. Au début de son mandat, le Moyen-Orient n’est pas vraiment la priorité de George Bush, qui choisit de se focaliser sur les relations avec ses alliés de l’OTAN, mais surtout sur celles avec l’Union soviétique, qui commençait à l’époque son processus de décomposition. Mais un événement va ramener la région au-dessus de la pile sur la table ovale. Près de deux ans après la fin de la guerre Iran-Irak, un nouveau conflit émerge, et pour la première fois de son histoire, Bagdad envahit une nation arabe. Le Golfe est une nouvelle fois ébranlé. Face au refus des pays voisins de renflouer ses caisses laissées vides après près de huit années de guerre, dont il est sorti victorieux, Saddam Hussein choisit de les faire payer d’une autre manière. C’est le petit émirat du Koweït qui voit sa souveraineté bafouée le 2 août 1990. « Le paon (l’émir du Koweït) est tombé, et une nouvelle aube a pointé », scandent alors les médias irakiens. Bagdad, qui est apparu pour certains dans les années 80 comme un rempart contre l’intégrisme, fait désormais peur. La communauté internationale, qui l’avait soutenu face à l’Iran, change son fusil d’épaule, condamnant aussitôt l’agression militaire. George Bush paraît alors déterminé à prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver les intérêts vitaux de Washington dans le Golfe découlant du pacte de Quincy scellé entre le président Roosevelt et le roi Abdelaziz ben Saoud en 1945. Le dirigeant américain déclare alors n’exclure aucune hypothèse et choisit d’abord de laisser la parole aux diplomates plutôt qu’aux militaires. Il sait que, la situation dans la région étant volatile et bien souvent explosive, son pays ne doit pas donner l’impression de faire une démonstration de force. Alors qu’il se fait extrêmement virulent vis-à-vis des « renégats » irakiens, George Bush espère que les États arabes condamneront ce scandale, comme le reste du monde. Mais il déchante rapidement au fil des commentaires de certains qui trouvent des excuses à Saddam Hussein. « Un dirigeant arabe, que je respecte énormément, m’a dit qu’il fallait 48 heures pour trouver ce qu’il appelait une solution arabe. De toute évidence, cela a échoué », déclare le président américain quelques jours après l’invasion. L’opération Bouclier du désert va sécuriser l’allié saoudien, suivie par l’offensive militaire Tempête du désert qui chasse les troupes irakiennes hors du Koweït et réduit l’aviation irakienne quasi à néant. Pour ce faire, George Bush va afficher une détermination sans failles, mais aussi et surtout, exercer un certain talent pour entraîner derrière lui une coalition de 32 pays ultrahétéroclites – des Pays-Bas à la Syrie – pour ce qui constitue la première intervention militaire directe de Washington dans la région.


(Lire aussi : George H.W. Bush, chef de dynastie mais président d'un seul mandat)


Un bloc s’effondre
Entre-temps, le mur de Berlin est tombé et a emporté derrière lui le domino soviétique. « Il est clair qu’un dictateur ne peut plus compter sur la confrontation Est-Ouest pour faire échec à une action concertée des Nations unies contre l’agression. Un nouveau partenariat des nations a commencé. Et nous sommes aujourd’hui à un moment unique et extraordinaire », confiait George Bush peu après l’invasion du Koweït à des journalistes. Cette guerre éclair contre « des hors-la-loi internationaux », la première filmée pour la télévision, va lui permettre d’accroître sa popularité, mises à part les quelques vagues d’ « anti-war » qui manifestent dans les rues de New York ou Washington.

Bill Clinton reprochait en 1992 l’indulgence coupable de son prédécesseur pour Saddam, mais aussi pour « le dictateur de Syrie ». Si la guerre économique a suffi à étrangler douze années durant le régime irakien, et par conséquent toute la population, qui vaudra à George Bush le surnom de « Mr. Embargo », certains espéraient toutefois qu’il pousserait l’intervention jusqu’à déloger le dictateur de son palais. « L’appréhender était probablement impossible. Nous n’avions pas trouvé Noriega au Panama, que nous connaissions intimement. Nous aurions été obligés d’occuper Bagdad et, en réalité, de diriger l’Irak », écrit-il dans son ouvrage Un monde transformé (1998) coécrit avec Brent Scowcroft. Une entreprise toutefois menée à bien des années plus tard par son fils, George W. Bush, au grand dam du père qui s’y opposait.

La fin de la guerre du Golfe, le désengagement quasi total de l’Union soviétique du Proche-Orient, mais également l’afflux massif des Juifs d’Europe de l’Est et d’URSS en Israël vont pousser les États-Unis à planter un nouveau décor en vue d’un événement considérable. Il faudra huit mois à George Bush pour amener Israël, les pays arabes et les Palestiniens à la table des négociations qui se tiennent à à Washington à partir de début 1992, à la suite de la Conférence de Madrid, tenue le 30 octobre 1991. La tâche est extrêmement ardue, au vu du nombre de problèmes accumulés depuis la création de l’État hébreu en 1947. Le président américain sait qu’un long chemin reste à parcourir.


(Lire aussi : En Irak, George Bush restera "monsieur Embargo")


Pression sur Israël
George Bush et Mikhaïl Gorbatchev, un homme avec qui le président américain « a appris à s’entendre », espèrent tous deux pousser les Arabes et les Israéliens à saisir une chance unique de paix. « Après avoir longtemps exigé en vain un parapluie onusien, les Arabes ne sont que trop heureux en réalité de s’en remettre à l’arbitrage des tout-puissants États-Unis. Non seulement l’effondrement du bloc soviétique a mis fin au jeu de bascule dans lequel excellaient certains régimes arabes, mais la guerre du Golfe leur a offert l’occasion de se ranger, d’emblée, sous la bannière adéquate », écrit à l’époque le rédacteur en chef de L’Orient-Le Jour, Issa Goraieb. Côté israélien en revanche, l’inquiétude persistante propagée par le Premier ministre Yitzhak Shamir menace la tenue de la conférence.

Le 41e président américain va opter pour la fermeté, une première, envers l’allié israélien en refusant l’octroi d’un prêt de 10 milliards de dollars – pour la gestion de la vague d’immigration de l’ex-URSS – et en exigeant le gel de la colonisation. « Il y a quelques mois à peine, des hommes et des femmes américains en uniforme ont risqué leur vie pour défendre les Israéliens face aux missiles SCUD irakiens », déclare alors George Bush, ajoutant que la guerre du Golfe avait « permis la défaite de l’adversaire le plus dangereux des Israéliens », se référant au régime de Saddam Hussein. Ce rappel à l’ordre à la limite du chantage poussera Shamir, bon gré, mal gré, à venir s’installer à la table des négociations qui permettront de paver la voie à une résolution du conflit israélo-arabe… laquelle, cependant, n’arrivera jamais. George Bush se voyait à la fois initiateur du Nouveau Monde et gardien vigilant au Moyen-Orient. Il restera celui qui optera pour des mécanismes plutôt modérés, tranchant fortement avec la ligne de conduite martiale conduite plus tard par son fils sous l’influence des néoconservateurs. Le camp proarabe et sensible aux lobbys pétroliers de ce républicain devra céder sa place aux démocrates, plus favorables au chant des sirènes israélien. Saddam Hussein saluera sa défaite à coups de revolver, tandis que les autres, dans la région, accueillent avec prudence la nouvelle ère Clinton.


Pour mémoire
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L'ex-président américain George H.W. Bush hospitalisé

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