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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Une opportunité inédite pour la tenue de négociations sur le Yémen ?

L’ONU semble optimiste sur le fait de réunir l’ensemble des belligérants en Suède.

Des forces yéménites progouvernementales dans le port de Mukalla, dans le sud-ouest du Yémen, le 29 novembre. Saleh al-Obeidi/AFP

Les négociations sur le Yémen auront-elles enfin lieu ? Si les officiels onusiens semblent déterminés à organiser des consultations réunissant les parties concernées la semaine prochaine en Suède, le flou persiste quant à leur tenue.

Alors que la date du 3 décembre a circulé dans les médias, les déclarations contradictoires à ce sujet se sont multipliées cette semaine. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, est monté au créneau jeudi face à la confusion générale : « Je ne veux pas créer trop d’attentes, mais nous sommes en train de travailler dur pour nous assurer que nous pourrons débuter des discussions cette année », a-t-il déclaré depuis Buenos Aires où le sommet du G20 a commencé hier.

Réunir l’ensemble des belligérants autour de la table des négociations, à savoir les rebelles houthis, soutenus par l’Iran, et le gouvernement yéménite, appuyé par une coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, serait un sérieux pas en avant, alors que la dernière opportunité manquée remonte à septembre dernier. Les rebelles avaient refusé à la dernière minute de se rendre à des consultations devant se tenir à Genève sous la houlette de l’ONU, estimant que les conditions à leur venue n’étaient pas remplies : le transfert de combattants blessés à Oman ; le départ de la délégation houthie pour la Suisse dans un avion qui ne ferait pas escale à Djibouti pour éviter que l’appareil ne soit fouillé par la coalition ; et l’assurance de pouvoir rentrer dans la capitale yéménite, Sanaa, contrôlée par les houthis depuis 2015. Selon Reuters, « le Koweït a proposé de fournir des avions pour amener les deux parties à Stockholm ». Signe encourageant, le chef du Conseil révolutionnaire suprême des rebelles, Mohammad Ali al-Houthi, a écrit sur son compte Twitter que « la délégation nationale (des houthis) sera en Suède le 3 décembre, si Dieu le veut et si les garanties pour une sortie et un retour (des rebelles) en sécurité au pays sont maintenues ».

« Il ne s’agit là seulement que des premiers pas vers un accord. Pour la première fois, les délégués seront au même endroit ensemble (depuis 2016), bien qu’ils ne négocient pas directement ensemble », précise à L’Orient-Le Jour Fatima Abo Alasrar, analyste à l’Arabia Foundation. « Pour que l’envoyé spécial de l’ONU pour le Yémen, Martin Griffiths, annonce avec confiance que les discussions en Suède auront lieu, cela veut dire qu’il a obtenu des garanties suffisantes que les houthis y participeront », poursuit-elle.


(Lire aussi : Griffiths pour un rôle majeur de l’ONU au port de Hodeida)


Bataille difficile

La rencontre a valeur de test car « si le même scénario se répète en Suède avec une partie qui ne se présente pas à la discussion, cela soulèvera beaucoup de doutes sur le fait que le processus diplomatique a des chances de réussir compte tenu du rapport de force sur le terrain », observe pour L’OLJ Randa Slim, directrice du programme sur la résolution des conflits et des dialogues sur Track II au Middle East Institute et membre de la précédente équipe de négociation de l’ONU sur le Yémen.

Différents éléments devraient être discutés concernant « le port de Hodeida, l’ouverture éventuelle de l’aéroport de Sanaa, des problèmes financiers et des échanges potentiels de prisonniers », indique pour sa part Adam Baron, chercheur à l’European Council on Foreign Relations et spécialiste du Yémen et de la péninsule Arabique, contacté par L’OLJ.

À la différence des précédentes consultations manquées, la pression s’est accentuée sur les parties concernées pour trouver un compromis alors que les États-Unis ont récemment mis la pression à Riyad pour mettre un terme au conflit, après l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul. « Nous voulons voir tout le monde autour d’une table de négociations sur la base d’un cessez-le-feu », avait déclaré le 31 octobre dernier le ministre américain de la Défense, Jim Mattis. « Nous devons faire ça d’ici à 30 jours (...) et je pense que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont prêts », avait-il insisté.

Si l’administration Trump semble ne pas vouloir remettre en question son partenariat stratégique avec le royaume, les membres du Sénat sont de plus en plus actifs sur le dossier yéménite et ont autorisé mercredi l’ouverture d’un débat visant à passer une résolution sur l’arrêt de tout soutien militaire à l’Arabie saoudite au Yémen.

Selon Mme Slim, « avec la pression croissante en Occident sur les Saoudiens pour mettre fin à cette guerre, les houthis vont se sentir renforcés dans les négociations ». Un élément qui ne devrait pas encourager Téhéran, le soutien des rebelles, à « vouloir mettre fin à cette guerre et à donner un coup de main aux Saoudiens », note-t-elle. « Au contraire, le contexte incite les houthis et l’Iran à prolonger la guerre le plus longtemps possible », estime-t-elle, avant d’ajouter que « de plus, le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi est faible et n’est pas perçu par les houthis comme un opposant égal à la table des négociations ». « Il n’y a pas de confiance entre les parties, cela va être une bataille difficile pour les négociateurs », souligne M. Baron.


(Lire aussi : Raids aériens autour de Hodeida)



Catastrophe humanitaire

M. Griffiths s’est déplacé la semaine dernière à Sanaa et à Hodeida, ville portuaire stratégique aux mains des houthis depuis 2015, pour s’entretenir avec le leader des rebelles, Abdel Malek al-Houthi. Hodeida est au cœur de toutes les discussions alors que les forces yéménites et de la coalition encerclent la ville. Si les combats y sont en grande partie suspendus depuis le 14 novembre, les appels de la communauté internationale pour la paix se multiplient puisqu’une bataille entre les belligérants menacerait gravement la situation humanitaire déjà catastrophique sur place, alors que 70 % de l’aide humanitaire transite par le port de la ville. L’envoyé de l’ONU s’est ensuite rendu à Riyad lundi dernier pour y rencontrer le président Hadi, et des membres du gouvernement yéménite.

Au-delà des considérations politico-militaires, le temps presse, les conditions humanitaires ne cessant d’empirer dans le pays où la coalition arabe intervient depuis mars 2015. L’ONU a prévenu, en octobre dernier, que la moitié de la population du pays, soit 14 millions de personnes, pourraient se trouver en situation de « pré-famine » dans les prochains mois. Soulignant la gravité de la situation, le secrétaire adjoint de l’ONU pour les Affaires humanitaires, Mark Lowcock, avait indiqué que « la situation humanitaire au Yémen est la pire au monde : 75 % de la population, soit 22 millions de personnes, a besoin d’une aide et de protection, dont 8,4 millions sont en situation d’insécurité alimentaire grave et dépendent d’un apport en nourriture urgent ».



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