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Liban - crise

Gouvernement : entre « invention de blocages » et crispations communautaires, l’horizon reste bouché


Est-il encore possible de sortir de l’impasse ? Cette question, tout le monde se la pose, y compris les responsables, taraudés par l’urgence d’une sortie de crise qui permettrait au pays de dépasser un blocage qui lui fait perdre un temps précieux, aussi bien pour l’économie que pour une foule de chantiers, dont le moindre n’est pas la lutte contre une corruption qui gangrène tout.

Confronté au Hezbollah qui veut lui dicter sa loi, et conscient que la valeur de la livre peut être un puissant instrument de chantage pour le faire plier, le Premier ministre désigné, Saad Hariri, a reçu hier le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, et, une fois de plus, le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, avec lesquels il a passé en revue la situation financière et monétaire du pays. Certes, les défis existent, a reconnu M. Hassan Khalil. Pour sa part, le gouverneur de la BDL s’est à nouveau porté garant de la stabilité financière du pays.

Plus spécifiquement, le ministre des Finances devait ajouter que tous les retraités peuvent être rassurés, sachant que l’État est garant du paiement de leurs pensions et qu’il honorera tous ses engagements sur ce plan.

La réunion de M. Hariri avec le gouverneur de la BDL et le ministre des Finances reste, malgré ces assurances, symptomatique de la phase que vit le Liban et de la montée des périls qui sape tous les jours un peu plus la confiance des Libanais dans leur système de gouvernement.


(Lire aussi : Le cadeau du Hezbollah pour Noël... un cabinet ?)


Au demeurant, s’il est vrai que tous les retraités seront finalement payés, il importe à beaucoup d’entre eux de savoir quand ce sera fait. Et il n’est pas vrai que les liquidités sont disponibles dans les quantités demandées, et au moment où les échéances sont dues. La timidité à ouvrir la bourse est devenue de règle au sein des administrations, en tout cas pour les moins chanceux, ceux qui n’ont d’autre défense que leur droit. Ainsi, des catégories de fonctionnaires attendent toujours les augmentations obtenues l’été dernier, et/ou le paiement de leurs indemnités de licenciement. C’est le cas en particulier dans les hôpitaux publics. Le président de la CGTL a défendu hier le personnel des hôpitaux de Saïda, Ehden et Hasbaya qui, a-t-il assuré, n’a pas été payé depuis des mois ; de source informée, on apprend par ailleurs que 1 600 sous-officiers de l’armée poussés à la démission pour « dégraissage » attendent toujours leurs indemnités. Les assurances de Ali Hassan Khalil ne sont donc pas tout à fait à leur place.

Quoi qu’il en soit, pour corriger ce que les détracteurs du Hezbollah considèrent comme la reprise des ingérences syriennes et iraniennes dans les affaires internes du Liban, on reparle désormais d’un gouvernement neutre de professionnels n’ayant d’autres allégeances que l’intérêt bien compris des Libanais.


(Lire aussi : Gouvernement : la médiation de Bassil menacée d’enlisement)


Une demande de rendez-vous bien aléatoire

Aux dernières nouvelles, on apprenait hier que les six députés sunnites qui veulent briser le monopole de la représentation communautaire sunnite de M. Hariri lui ont demandé rendez-vous. Ce dernier ne leur a pas encore répondu, mais on affirme, autour de lui, que sa réponse dépendra de la nature de la question qu’ils comptent poser. Elle sera négative, dit-on, si les six députés comptent se présenter comme un bloc homogène qui veut être représenté au gouvernement par un ministre. Autant dire à l’avance que le rendez-vous n’aura pas lieu.

Dans certains cercles politiques, on soupçonne, derrière le blocage de dernière minute du Hezbollah, un mot d’ordre étranger, et l’on observe avec inquiétude, parallèlement, l’escalade verbale du Hezbollah illustrée en particulier par la diatribe de Nawaf Moussaoui hier, sur l’indépendance.

Chez les historiens, on voit dans le discours de M. Moussaoui une relecture de l’histoire du Liban déformée par la traditionnelle frustration chiite éprouvée devant l’initiative duelle maronite-sunnite de la phase de 1943. Au demeurant, il y a toujours de la place pour le pluralisme au Liban, y compris en histoire, et M. Moussaoui oublie un peu vite que Adel Osseirane, son coreligionnaire et père d’un député actuel membre du bloc de Nabih Berry, est l’un des pères de l’indépendance de 1943.


(Lire aussi : Nœud sunnite : Bassil renvoie la balle dans le camp de Hariri)


Crispation

Le durcissement de l’attitude et du discours du Hezbollah a entraîné ipso facto une crispation au sein de la communauté sunnite. Ainsi, l’ancien Premier ministre Tammam Salam a plaidé en faveur de plus de « modestie » de la part des membres de la classe politique, pour permettre au nouveau gouvernement de voir le jour. La « rencontre consultative » sunnite, qui regroupe les six députés antihaririens, est « une entité artificielle fabriquée de toutes pièces pour entraver la formation du gouvernement », a-t-il affirmé. Le Premier ministre désigné a « effectué toutes les concessions possibles pour la formation du gouvernement ; aux autres maintenant, s’ils souhaitent vraiment que soit lancé le chantier des réformes, de l’imiter ». M. Salam a par ailleurs repris à son compte une des phrases-clés du discours présidentiel prononcé à la veille du 22 novembre, affirmant que « le Liban n’a plus le luxe de prendre son temps » ; il a rappelé aussi que beaucoup ont reproché au Premier ministre d’avoir fait « trop de concessions » et qu’il était « plus coulant qu’il ne le faut », tout en affirmant qu’« il avait une tâche urgente à mener à bien : le redressement de l’économie et de l’État ».

Le mufti Jouzou, lui, a été jusqu’à en appeler « à la conscience » des apprentis bloqueurs sunnites.

Enfin, se prononçant sur la question, le Rassemblement de la République, dont le président, Michel Sleiman, a reçu hier l’ancien chef de l’État Amine Gemayel, ainsi que l’ancien Premier ministre Fouad Siniora, a dénoncé hier « l’invention de blocages », et clairement affirmé que « la suprême corruption est de bloquer la Constitution ».


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Est-il encore possible de sortir de l’impasse ? Cette question, tout le monde se la pose, y compris les responsables, taraudés par l’urgence d’une sortie de crise qui permettrait au pays de dépasser un blocage qui lui fait perdre un temps précieux, aussi bien pour l’économie que pour une foule de chantiers, dont le moindre n’est pas la lutte contre une corruption qui gangrène...

commentaires (5)

C’est comme ça ! Chacun a ses boulets !

L’azuréen

17 h 28, le 24 novembre 2018

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Commentaires (5)

  • C’est comme ça ! Chacun a ses boulets !

    L’azuréen

    17 h 28, le 24 novembre 2018

  • " Apprends d'hier, vis pour aujourd'hui, espère en demain. " Albert Einstein

    FAKHOURI

    10 h 23, le 24 novembre 2018

  • Combien de temps nos dirigeants libanais vont-ils encore se laisser humilier et tromper par ce parti le Hezbollah, alors qu'ils savent parfaitement qu'il agit uniquement sur ordre de ses commanditaires à Téhéran, qui eux n'en ont rien à faire du Liban, sauf pour l'utiliser en tant que "place de travail pour leurs projets" ? Messieurs Michel Aoun, Nabih Berry, Saad Hariri, vous qui fêtiez ensemble sur une tribune jeudi 22 novembre l'indépendance du Liban, L'INDEPENDANCE DU LIBAN que faites-vous pour la préserver ??? Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 36, le 24 novembre 2018

  • Décidément, j'aime beaucoup le style limpide et "cash" de FN: son court papier offre une vision claire et sans langue de bois de la situation politico-économique.

    Marionet

    09 h 22, le 24 novembre 2018

  • SI LES SIX SUNNITES RETOURNAIENT A LA RAISON LE HEZBOLLAH TROUVERAIT D,AUTRES EXCUSES POUR BLOQUER LA FORMATION D,UN GOUVERNEMENT LIBANAIS PAR ORDRE DE SES SEIDES PERSES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 23, le 24 novembre 2018

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