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Moyen Orient et Monde - Témoignage

Comment meurent les icônes de la révolution syrienne

Raëd Farès, figure emblématique de la résistance anti-Assad et anti-jihadiste, a été assassiné hier aux côtés de son collègue Hammoud al-Jneid, à Kfar Nabel.

Hammoud al-Jneid, Raëd Farès et l’activiste Hadi Abdallah. Photo extraite de la page Facebook de Raëd Farès

La révolution syrienne vient de perdre l’un de ses avocats les plus emblématiques. Raëd Farès, une figure célèbre des premières heures du soulèvement lancé en 2011, a été tué hier aux côtés de Hammoud al-Jneid, autre fer de lance du militantisme de Kfar Nabel. Cette ville phare de la résistance pacifique, située dans la province d’Idleb, s’est distinguée des autres bastions de l’opposition à coups de slogans chocs et de dessins humoristiques. Le directeur du bureau médias de Kfar Nabel et fondateur de Radio Fresh, Raëd Farès, 46 ans, qui savait mener ses troupes en coulisses comme sur la scène médiatique, était devenu au fil des ans une personnalité incontournable. Mais son franc-parler qui le poussait à mettre en cause aussi bien le régime de Bachar el-Assad que les factions islamistes avait fait de lui une personne à abattre. « Les deux entités vont contre la nation. Quand les chabihas écrivent : Assad ou on brûle le pays, ou quand le groupe jihadiste écrit : un État islamique ou on brûle le pays, c’est pareil. Malgré cela, on continuera à se battre jusqu’à la fin, peu importe le prix à payer », expliquait Raëd Farès en octobre 2013 lors d’une rencontre avec l’ONG Front Line Defenders à Dublin.


(Pour mémoire : En Syrie, des Pokemon en larmes parmi les ruines


Raëd Farès, Hammoud al-Jneid et Ali Dandouche étaient à bord de leur voiture, hier à Kfar Nabel, quand ils sont mis en joue par trois hommes armés sortis d’un van garé quelques mètres plus loin. « J’ai pu voir leurs visages, mais j’ignore totalement qui ils sont. Ça tirait dans tous les sens. J’ai pu me jeter entre les deux sièges avant, donc les assaillants ont dû penser que j’étais mort », confie Ali Dandouche, un photographe de 20 ans, seul témoin et rescapé de la scène, contacté par L’Orient-Le Jour. « Hammoud a rendu son dernier souffle alors qu’on venait de quitter les lieux, avec des gens venus à notre secours. Moi, je maintenais ma main sur le cœur de Raëd ; il était couvert de sang. Il a succombé à ses blessures une fois arrivé à l’hôpital », raconte le jeune homme, en état de choc. Depuis l’arrestation arbitraire, fin septembre, de la figure politique de Kfar Nabel Yasser al-Salim par Hay’at Tahrir al-Cham (issu de l’ex-branche syrienne d’el-Qaëda et qui contrôle la majorité de la province d’Idleb), les trois activistes prenaient très au sérieux les menaces à leur encontre, et couchaient depuis, chaque nuit, dans des lieux différents. « On se débrouillait comme on pouvait. On ne dormait pas chez les gens, mais dans des lieux inhabités, comme une ferme par exemple », poursuit Ali Dandouche. « Raëd sentait qu’il allait être le prochain sur la liste et il m’avait demandé de lui trouver une planque à Maarret al-Naaman, ma ville. Je savais qu’il recevait beaucoup de menaces de toutes parts. Ceux qui ont fait ça ont du cran et il est certain que, s’ils ne sont pas de Kfar Nabel, ils ont sûrement été aidés par des complices qui connaissaient les routes qu’empruntent les activistes tous les jours », raconte Abdelaziz Ketaz, un photoreporter proche du trio, contacté via WhatsApp.


(Pour mémoire : El-Qaëda en Syrie enlève brièvement deux importants militants antirégime)


Terrain de foot

La mort brutale de Raëd Farès, considéré par beaucoup comme un as de la communication et un mentor, a provoqué une onde de choc auprès de nombreux jeunes activistes et journalistes de la région, de Syrie et à l’étranger. « Je me souviendrai toujours du jour où je venais de couvrir les manifestations à l’université d’Alep et où je courais dans un café internet pour les envoyer à Raëd par Skype, pour qu’il puisse les publier au plus vite », se remémore Bilal Bayouche, photographe et activiste de Kfar Nabel, qui collaborait étroitement avec lui dans l’organisation des manifestations et la préparation des pancartes. Plusieurs dizaines de personnes se sont réunies hier après-midi à Kfar Nabel pour rendre un dernier hommage aux deux militants assassinés. « La tristesse se mélange à la colère aujourd’hui. C’était un sacré personnage et il servait la cause de la Syrie », poursuit Abdelaziz Ketaz. « C’était quelqu’un de très apprécié a Kfar Nabel et partout ailleurs. Il avait le cœur sur la main et avait réalisé beaucoup de projets pour sa commune, comme un terrain de foot – installé à la place d’une ancienne déchetterie –, et cela avait permis de redonner de la joie aux gens », ajoute le photographe. « Raëd a été le premier à lancer une station radio dans les zones libérées par la rébellion. Il avait une réelle résonance auprès des Syriens libres, notamment auprès de la jeunesse, grâce à ses positions libérales et sa dénonciation de l’injustice d’où qu’elle provienne », confie de son côté Alaa al-Youssef, à Khan Cheikhoun. « Raëd et Hammoud ont laissé leur empreinte sous une forme comme une autre chez chaque militant ou révolutionnaire du Nord-Ouest comme du reste de la Syrie », ajoute Hassan, un activiste d’Idleb. La détermination et la loquacité de Raëd Farès, grand bonhomme à la voix de fumeur, ont permis de le faire connaître bien au-delà de sa région. « C’était facile d’arriver sur les lieux (d’un bombardement). De vous en rapporter du son et des images. Mais ce qui est impossible à vous montrer, c’est l’odeur du sang brûlé, de la végétation calcinée, des corps, des armes, l’odeur de 50 ans d’oppression et de douleur gravés dans ma mémoire. Est-ce que ça valait le coup de lancer une révolution et de confronter Bachar el-Assad ? C’était important, et je vais vous dire pourquoi », lançait Raëd Farès d’un ton posé au Forum de la liberté à Oslo, en juillet 2017, avant d’énumérer les différentes exactions et persécutions du régime Assad dont il a été témoin de près ou de loin. « Il était la révolution dans tous les sens du terme », confie Mohammad, un activiste de Saraqeb, via WhatsApp.


Bête noire

En distillant des messages forts souvent accompagnés de caricatures incisives et cocasses sur des banderoles lors des manifestations, ce visage ultramédiatique a insufflé un réel dynamisme positif, tout en essayant d’éloigner toutes les tentatives de détournement de la révolution initiale. Mais sa prise de position ferme pour le ni-ni, ni Assad ni les islamistes, ont fait de lui une bête noire dont la tête était mise à prix. « Ceux qui l’on tué proviennent peut-être de cellules du régime, ou ce sont des extrémistes », estime Alaa al-Youssef. En janvier 2013, Raëd Farès avait réchappé à une tentative d’assassinat, mais en était sorti sérieusement blessé. En janvier 2016, il avait été brièvement enlevé par des jihadistes d’al-Nosra (branche syrienne d’el-Qaëda) avec un collègue. Les locaux de sa radio avaient aussi été visés par des attentats, et l’État islamique, qu’il avait dépeint en créature sortant de la côte d’un extraterrestre représentant le régime, avait également tenté de le kidnapper. « Il n’a jamais songé à quitter le pays malgré les opportunités », assure Abdelaziz Ketaz. En juillet, Raëd Farès était allé jusqu’à Washington pour dénoncer la suspension des financements américains que recevait sa radio. « En l’absence de voix pacifiques et démocratiques, les terroristes ont pu convaincre la jeunesse syrienne vulnérable que la violence et la destruction peuvent ouvrir la voie à la stabilité », écrivait-il ainsi dans un article d’opinion publié par le Washington Post. « La révolution de Raëd et l’idée de construire une société civile, juste et égalitaire, resteront gravées dans ma tête », conclut Bilal Bayouche.

La révolution syrienne vient de perdre l’un de ses avocats les plus emblématiques. Raëd Farès, une figure célèbre des premières heures du soulèvement lancé en 2011, a été tué hier aux côtés de Hammoud al-Jneid, autre fer de lance du militantisme de Kfar Nabel. Cette ville phare de la résistance pacifique, située dans la province d’Idleb, s’est distinguée des autres bastions...

commentaires (7)

Terroriste ou barbare, sont des titres utilisés par tant de tyrans contre leurs opposants et ceci depuis la nuit des temps. Les babyloniens, les égyptiens, les grecs, les romains, les arabes et les turcs, les français et les anglais, les américains et les russes, les Israéliens et les syriens et j'en passe et j'en passe... Tous ont oublié que la liberté est dans le credo de chacune de nos civilisations mais ces mêmes civilisations corrompus nient la liberté et oppressent leurs peuples mêmes... oui Raëd et ses amis sont des terroristes et des barbares aux yeux de quelques uns qui ne comprennent que la quête de la haine et non de la liberté, la quête de la mort et non de la joie, la quête de l'obscurantisme plutôt que l'ouverture sur l'autre. Les Assads, de père en fils et d'autres dictateurs ne savent pas bâtir sur les valeurs de leurs citoyens mais sur leurs dépouilles et leurs corps meurtris. Ces Assads nous donnent une Syrie moyennageuse, détruite, divisée et ou la moitié de la population est déplacée à l'intérieur et à l'exterieure, une économie mauribonde et une armée survivante grâce à l'aide de milices importées et de superpuissance écrasante en quête d'un pied à terre sur la Méditerranée... La honte.

Wlek Sanferlou

21 h 02, le 25 novembre 2018

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Commentaires (7)

  • Terroriste ou barbare, sont des titres utilisés par tant de tyrans contre leurs opposants et ceci depuis la nuit des temps. Les babyloniens, les égyptiens, les grecs, les romains, les arabes et les turcs, les français et les anglais, les américains et les russes, les Israéliens et les syriens et j'en passe et j'en passe... Tous ont oublié que la liberté est dans le credo de chacune de nos civilisations mais ces mêmes civilisations corrompus nient la liberté et oppressent leurs peuples mêmes... oui Raëd et ses amis sont des terroristes et des barbares aux yeux de quelques uns qui ne comprennent que la quête de la haine et non de la liberté, la quête de la mort et non de la joie, la quête de l'obscurantisme plutôt que l'ouverture sur l'autre. Les Assads, de père en fils et d'autres dictateurs ne savent pas bâtir sur les valeurs de leurs citoyens mais sur leurs dépouilles et leurs corps meurtris. Ces Assads nous donnent une Syrie moyennageuse, détruite, divisée et ou la moitié de la population est déplacée à l'intérieur et à l'exterieure, une économie mauribonde et une armée survivante grâce à l'aide de milices importées et de superpuissance écrasante en quête d'un pied à terre sur la Méditerranée... La honte.

    Wlek Sanferlou

    21 h 02, le 25 novembre 2018

  • Quelle révolution? Et de quelle icône on parle ? MDR.

    FRIK-A-FRAK

    20 h 51, le 24 novembre 2018

  • On fait l apologie du terrorisme sur l’olj maintenant?

    Bee S

    19 h 08, le 24 novembre 2018

  • Un vrai martyre syrien digne de ce titre! Allah yirhamo

    Wlek Sanferlou

    17 h 25, le 24 novembre 2018

  • Voilà comment on traite les opposants en Syrie.

    L’azuréen

    13 h 04, le 24 novembre 2018

  • Enfants perdus d'une révolution démocratique ni/ni Idéalistes perdus dans un monde radicalise et déchiré...ignorance du terrain réel ou un ni/ni ne peut exister, malheureusement, Une population (et pas un peuple) syrien. Qui a toujours (ou quasi toujours)) était menée (bridée) par un pouvoir dictatorial... Paix à leurs âmes genereuses

    Chammas frederico

    09 h 53, le 24 novembre 2018

  • Quelle grande trstesse le deces de ce heros incarnant parfaitement la revolution pacifique syrienne pour la democratie rejetant a la fois le regime nazi de Damas et sa creation DAESH.

    HABIBI FRANCAIS

    09 h 40, le 24 novembre 2018

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