« J’ai eu la chance d’être confronté à trois cultures. Je suis né au Brésil, j’ai fait mes études scolaires au Liban et j’ai suivi une formation universitaire en France. L’éducation que j’ai reçue au Liban a incontestablement eu un impact positif sur ma carrière ». Lors d’une causerie-débat organisée fin octobre dans le cadre des travaux de la conférence internationale sur la gouvernance mondiale (World Policy Conference, WPC) à Rabat, Carlos Ghosn était notamment revenu sur l’impact que ses racines libanaises auraient pu avoir sur son ascension professionnelle.
Une ascension sévèrement remise en cause lundi, par son arrestation au Japon, alors qu’il est soupçonné de dissimulation de revenus et de malversations à la tête du groupe automobile Nissan. Le groupe a, par ailleurs, demandé son évincement, peu avant que Mitsubishi Motors, où le charismatique patron occupe le même titre, fasse état d'une décision similaire sans préciser la date du conseil et va mener sa propre enquête.
A Rabat, quelques semaines avant la déflagration qui vient de l’atteindre, M. Ghosn évoquait donc l’importance du pluralisme culturel dans lequel il s’était construit, sur la vie d’un cadre supérieur ou d’une entreprise. Pour illustrer l’impact positif que pourrait avoir un pluralisme culturel dans le développement d’une entreprise, il avait notamment insisté sur le fait qu’au sein du groupe Renault-Nissan-Mitsubishi, il veillait à ce qu’aucune de ces trois entités ne cannibalise l’autre. « Chacune de ces trois entités a sa propre culture, son ADN, qu’il est nécessaire de préserver dans le cadre d’une stratégie globale à plusieurs facettes », avait-il déclaré.
Une histoire familiale sur plusieurs continents
L’histoire de la famille Ghosn se déroule, de facto, sur plusieurs continents. C’est à 13 ans que le grand-père libanais de Carlos Ghosn, Béchara Ghosn, émigre à Rio de Janeiro pour y faire fortune. Né au Brésil en 1954, Carlos Ghosn repart à l’âge de six ans au Liban avec ses parents, Jorge et Rose (surnommée Zetta), une Libanaise née au Nigeria. Il vivra onze ans à Beyrouth, jusqu’à ses 17 ans, où il obtiendra son baccalauréat chez les jésuites du collège Notre-Dame de Jamhour.
Ses études supérieures, il les fera en France, notamment à Polytechniques et aux Mines. Il commence sa carrière chez Michelin, en France, avant de rejoindre Renault en 1996, où il se forge une réputation de « cost killer », puis Nissan, dont il deviendra directeur général en 1999, lors de l’entrée du groupe au losange au capital du constructeur japonais. Il prend, en 2005, une fonction similaire chez Renault, dont il devient, quatre ans plus tard, PDG. Il occupe aujourd’hui encore ce poste, auquel il a été reconduit cette année pour un nouveau mandant de quatre ans.
Si sa carrière s’est faite loin des rives de la Méditerranée, il n’en a pas oublié pour autant le Liban de ses multiples origines.
M. Ghosn est notamment propriétaire d’une résidence à Beyrouth, dans le quartier d’Achrafié. Cette résidence pourrait être concernée par l'enquête qui vise le Franco-libanais. Le Commerce du Levant rapporte en effet que selon le quotidien Asahi, qui cite des sources anonymes, Carlos Ghosn aurait utilisé Nissan pour financer l’acquisition de biens personnels à Beyrouth, Paris, Rio et Amsterdam. Si on en croit une autre média japonais, le site Asia nikkei, c’est une société affiliée au constructeur automobile Nissan, censée financer des startups, qui aurait déboursé en tout 17,8 millions de dollars pour satisfaire l'appétit immobilier de Carlos Ghosn.
Au Liban, Carlos Ghosn est également actionnaire, en association notamment par le groupe Debbané-Saïkali, d’Ixsir, la cave vinicole de Batroun fondée en 2008. Ixsir, selon le Commerce du Levant, est aujourd’hui numéro 3 sur le marché local avec une production d’un peu moins de 500 000 bouteilles annuelles. M. Ghosn est également associé au groupe Saradar dans des projets immobiliers notamment, dont le projet Cedrar. Développé par Carlos Ghosn, Mario Saradar et Sandra Abou Nader, le projet, rappelle Le Commerce du Levant, propose la vente de 13 parcelles d’environ 2 000 m2 chacune et 47 chalets, et prévoit la construction d’un hôtel, d’un spa et des restaurants dans la région des Cèdres, au Liban-nord.
En 2017, LibanPost avait émis un timbre à son effigie.
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commentaires (6)
Il a été piège c'est sur mais vous pensez que Nissan sera aussi bien qu'avant?
Eleni Caridopoulou
20 h 06, le 25 novembre 2018