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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Israël et les pays du Golfe ne font même plus semblant de se cacher

En moins d’une semaine, les officiels de l’État hébreu ont multiplié les déplacements dans la région et fait sauter plusieurs tabous.

Benjamin Netanyahu et le sultan Qabous le 26 octobre à Oman. AFP Photo/HO/Omani Royal Palace

Après avoir placé leurs pions en coulisses, Israël et les pays du Golfe semblent aujourd’hui ouvrir un nouveau chapitre dans leurs relations. En moins d’une semaine, les officiels israéliens ont multiplié les déplacements dans la région. Jeudi dernier, la ministre israélienne de la Culture et des Sport, Miri Regev, était aux Émirats arabes unis pour le tournoi de judo à Abou Dhabi, tandis qu’une délégation israélienne était à Doha à l’occasion des championnats du monde de gymnastique. Grande première, le Hatikva, l’hymne national israélien, a été joué dimanche pour la remise de la médaille d’or au judoka israélien Sagi Muki. Miri Regev a ensuite publié une vidéo d’elle dans la mosquée Cheikh Zayed dimanche à Abou Dhabi, indiquant qu’elle marquait la « première visite d’un ministre israélien » en ce lieu. Le ballet des officiels israéliens s’est poursuivi hier avec la présence du ministre des Communications Ayoub Kara à Dubaï pour une conférence internationale sur la cybersécurité.

La visite la plus symbolique est toutefois celle du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, qui s’est rendu à Mascate vendredi pour y rencontrer le sultan Qabous. Cette visite, à laquelle ont également participé sa femme Sara, le chef du Mossad Yossi Cohen et le conseiller à la Sécurité nationale Meir Ben-Shabbat, est un véritable « moment historique », a déclaré M. Netanyahu. Il s’agissait du premier déplacement d’un officiel israélien à Oman depuis 1996. C’est « un pas important dans la mise en œuvre de la politique du Premier ministre Netanyahu visant à approfondir les relations avec les pays de la région en se servant des avantages d’Israël dans les domaines de la sécurité, de la technologie et dans le secteur économique », ont également déclaré les services de M. Netanyahu dans un communiqué.


Rapports plus décomplexés

La volonté affichée des Israéliens de rendre publiques toutes ces rencontres démontre que plusieurs tabous ont été brisés. Le rapprochement entre Israël et les pays du Golfe a largement été favorisé par l’arrivée de la nouvelle génération de leaders dans la région, incarnée par les princes héritiers saoudien et émirati, Mohammad ben Salmane (MBS) et Mohammad ben Zayed (MBZ). Leurs rapports à l’État hébreu, plus décomplexés que ceux de leurs aïeux, ont offert au gouvernement israélien une fenêtre d’opportunité sans précédent pour afficher une collaboration plus étroite. À l’exception du sultanat de Oman, les pays concernés partagent un ennemi commun : l’Iran. Tous cherchent à contrer à tout prix l’expansion de la République islamique au Moyen-Orient, quitte à redessiner les alliances régionales.

« La visite de Netanyahu est importante », a souligné vendredi David Petraeus, l’ancien directeur de la CIA, lors de l’ouverture du Forum du dialogue de Manama. « La menace iranienne est très réelle, et “l’ennemi de mon ennemi est mon ami” », a-t-il résumé. En mai dernier, le ministre bahreïni des Affaires étrangères, cheikh Khaled ben Ahmad al-Khalifa, avait estimé que « n’importe quel État, y compris Israël, a le droit de se défendre en détruisant les sources de danger », suite à une attaque israélienne contre des cibles iraniennes en Syrie. En adoptant cette position, les pays du Golfe cherchent à dissocier le dossier iranien de leur attitude traditionnelle à l’égard de l’État hébreu sur le dossier israélo-palestinien, qui reste une barrière majeure à une normalisation complète de leurs relations.


Tournant symbolique

Le timing de la visite surprise de M. Netanyahu coïncide avec le tourbillon provoqué par l’affaire de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à l’intérieur du consulat saoudien à Istanbul le 2 octobre, dans lequel Riyad est noyé. Un levier supplémentaire que Washington, allié de Riyad et de l’État hébreu, pourrait avoir utilisé pour accélérer un rapprochement entre les pays du Golfe et Israël.

La position de Mascate, qui consiste à ne fermer aucun canal de communication avec les pays de la région, permet d’offrir une porte détournée pour entamer un rapprochement entre le royaume wahhabite et l’État hébreu, un déplacement du Premier ministre israélien sur le sol saoudien n’étant pas une option, du moins pour le moment.

« Les visites israéliennes dans le Golfe sont liées aux efforts américains visant à relancer le processus de paix (israélo-palestinien) ainsi qu’à une volonté israélienne, et notamment du Premier ministre Netanyahu, d’utiliser ce regain d’intérêt américain pour marquer des points sur le plan domestique », explique à L’Orient-Le jour Michael Horowitz, spécialiste du Moyen-Orient à LeBeck International, un think tank basé à Bahreïn. Selon lui, « en montrant qu’il reste le seul à pouvoir naviguer dans les eaux troubles et de plus en plus compliquées de la diplomatie régionale, Benjamin Netanyahu veut aussi rappeler aux Israéliens que, malgré ses “affaires”, il reste le seul à maîtriser le jeu complexe qui se joue au Moyen-Orient », alors que les prochaines élections législatives doivent se tenir en novembre 2019. Benjamin Netanyahu et son épouse sont au coeur d’une série d’affaires de corruption présumée, que les intéressés rejettent comme une tentative « absurde » de les discréditer.

Si elle peut paraître soudaine, la proximité affichée de ces derniers jours entre Israël et les pays du Golfe vient seulement mettre en lumière la partie dissimulée de l’iceberg. « Nous entretenons des relations, en partie secrètes, avec des pays islamiques et arabes », avait déclaré en novembre 2017 le ministre israélien de l’Énergie, Yuval Steinitz, sur les ondes de la radio de l’armée israélienne. « D’une façon générale, ce n’est pas quelque chose qui nous gêne, et c’est plutôt l’autre partie qui tient à garder le secret (...). Certaines de ces relations sont très avancées, mais nous les tenons secrètes », avait-il affirmé.

L’officialisation de leurs relations « est un tournant, symbolique certes, mais au Moyen-Orient, les symboles ont toute leur importance », observe M. Horowitz. « Je crois que, malgré l’importance de la visite de Netanyahu, on est encore loin d’un virage complet de la part des pays du Golfe », estime-t-il néanmoins. « La coordination entre Israël et les pays du Golfe sur la question de l’Iran va se développer, notamment l’année prochaine, si les États-Unis arrivent à bâtir le nouvel “OTAN arabe”, dont Israël sera sans doute un partenaire silencieux », observe-t-il avant d’ajouter que « même si les relations vont être plus assumées, trouver une solution – même imparfaite – au problème palestinien reste une précondition pour des avancées plus sérieuses ».



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commentaires (5)

Oui ils ne se cachent plus ....le vent a tourné nos amis d’hier sont nos ennemis d’aujourd’hui et verse-versa....mais n’oublions pas «  iran gate » où Israël armait l’iran Face à l’irak !! Et oui ! Alors les discours de certains aujourd’hui font franchement sourire. Le plus simple et le plus sûr c’est de ne penser qu’à son pays et à l’intérêt supérieur de ce dernier , comme la grande majorité des nations de ce monde. Tout le reste n’est que changements telle une girouette soumise aux quatre vents....

L’azuréen

23 h 15, le 30 octobre 2018

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Commentaires (5)

  • Oui ils ne se cachent plus ....le vent a tourné nos amis d’hier sont nos ennemis d’aujourd’hui et verse-versa....mais n’oublions pas «  iran gate » où Israël armait l’iran Face à l’irak !! Et oui ! Alors les discours de certains aujourd’hui font franchement sourire. Le plus simple et le plus sûr c’est de ne penser qu’à son pays et à l’intérêt supérieur de ce dernier , comme la grande majorité des nations de ce monde. Tout le reste n’est que changements telle une girouette soumise aux quatre vents....

    L’azuréen

    23 h 15, le 30 octobre 2018

  • cela fait plusieurs années qu'israel et les pays du golfe, travaillent ensemble, surtout dans tout ce qui touche à la sécurité , les israeliens venaient travailler dans ces pays

    Talaat Dominique

    19 h 27, le 30 octobre 2018

  • La coordination entre Israël et les pays du Golfe sse développent et la cause palestinienne dans le monde de l'oubli . Vive les arabes .

    Antoine Sabbagha

    08 h 21, le 30 octobre 2018

  • CE N,EST PAS LA PREMIERE FOIS QU,UN P.M. ISRAELIEN VISITE OMAN ! IL Y A PLUS DE VINGT ANS IL EN FUT DE MEME ET APRES AUSSI...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 39, le 30 octobre 2018

  • Si Israël et les pays du Golfe ont vocation à devenir amis et partenaires face à l'Iran, il ne faut pas oublier qu'il fut un temps où Israël et l'Iran étaient des alliés, dans la guerre Irak/Iran. Sans l'appui militaire d'Israël, l'Iran aurait changé de visage politique au début de années 80. Il se trouve que les extrémistes des religions, de tout bord, sont naturellement proches les uns des autres. On ne sait toujours pas pourquoi en 2005 l'Iran d'Ahmedi Najjad s'est fâché d'Israël. Sans compter les juifs Israël, l'Iran abrite la plus grande communauté juive du Moyen-Orient. Il n'y aura pas de guerre entre ces 2 vieux amis. Ils prennent juste le monde entier pour des cons, pour un but encore inconnu de la communauté internationale. Espérons que tout cela va déboucher un jour à une paix durable, pour qu'on en finisse avec ce cercle vicieux, dans lequel le Liban est toujours perdant à chacune des étapes.

    Shou fi

    01 h 52, le 30 octobre 2018

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