Les nouvelles sanctions américaines, signées la semaine dernière par Donald Trump, contre le Hezbollah impacteront les institutions libanaises, selon deux lectures concordantes, l’une favorable, l’autre opposée au parti chiite, chacune donnant toutefois à cet impact une portée différente. Ces sanctions à caractère financier ont vu en effet leur domaine d’application s’élargir par rapport aux précédentes : elles ne visent plus seulement toute personne affiliée au Hezbollah, mais toute personne qui lui apporte un « soutien significatif », matériel, financier ou technologique.
Est-ce à dire qu’un ministère qui coopère avec des associations affiliées au Hezbollah sur des projets de développement encourt le risque d’être sanctionné, en l’occurrence isolé du réseau d’aides internationales ? C’est ce qu’ont affirmé craindre certains économistes. A fortiori, un ministère pris en charge par un cadre du Hezbollah pourrait subir une suspension d’aides d’agences gouvernementales US. Une attribution du portefeuille de la Santé au parti chiite au sein du prochain cabinet pourrait priver le ministère concerné des aides substantielles dont il bénéficie. C’est ce que fait remarquer l’ancien député Moustapha Allouche, membre du bureau politique du courant du Futur. Et c’est ce que reconnaît le député Yassine Jaber, membre du groupe parlementaire du mouvement Amal.
« Il est possible que l’administration américaine décide de cesser toute coopération avec un ministère pris en charge par le Hezbollah », confie M. Jaber à L’Orient-Le Jour. L’impact des sanctions sur les institutions publiques s’arrêterait là, selon lui : pas d’impact sur le gouvernement dans son ensemble, selon M. Jaber.
Délégué par le chef du législatif auprès de Washington à chaque vote de nouvelles sanctions, M. Jaber précise que le secteur bancaire libanais a fait « tout ce qu’il y avait à faire » pour coopérer, de même que le Parlement libanais a « montré patte blanche » devant la communauté des donateurs et investisseurs en votant, même en période de crise institutionnelle, les lois dues en la matière, notamment celles liées à la lutte contre le blanchiment d’argent. « L’essentiel du message que nous tentons de faire parvenir à Washington est de ne pas recourir à des sanctions collectives, c’est-à-dire de ne pas sanctionner les Libanais dans leur ensemble » au nom des sanctions contre le Hezbollah, fait remarquer M. Jaber. Pour M. Allouche en revanche, c’est le Hezbollah qui entraîne tous les Libanais dans ses problèmes en « s’entêtant » à participer au gouvernement. Contrairement à l’avis du député du bloc Amal, il estime que la participation du Hezbollah au prochain cabinet engage celui-ci aux côtés du Hezbollah. « Plutôt que d’épargner au cabinet le bras de fer irano-américain, le Hezbollah a choisi de le réintégrer, peu importe que ce soit en la personne de partisans ou de sympathisants : cela veut dire que la décision a été prise depuis Téhéran d’affronter Washington, en utilisant notamment le terrain libanais à cette fin », estime M. Allouche, pour qui le Hezbollah aurait pu facilement se faire représenter par Amal au sein du cabinet. La naissance du gouvernement, pour vitale qu’elle soit, devient paradoxalement, à cause de la présence du Hezbollah, « une aventure dangereuse au ressort très incertain », dit-il. Le Premier ministre désigné Saad Hariri a lui-même formulé une réserve sur la participation du Hezbollah. « Tant pis pour eux », avait-il commenté, en référence au Hezbollah sous l’angle de cette participation au lendemain de la promulgation des sanctions américaines.
Une inconnue demeure : l’étendue que le président américain entend donner à ces sanctions. « Tout est affaire du sérieux de Washington dans son engagement contre le Hezbollah », relève M. Allouche. La désignation des personnes sujettes à ces sanctions sont laissées à sa discrétion et c’est à lui d’optimiser ou de réduire leur mise en œuvre. Ira-t-il par exemple jusqu’à sanctionner de hauts responsables du parti chiite, déjà répertoriés par le Trésor américain comme soutien du « terrorisme » pratiqué par le Hezbollah, y compris en Syrie ? Même réduite à sa portée morale, la politique de distanciation risquera de ne plus suffire pour sauver la face du prochain cabinet…
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commentaires (11)
Y'a-t-il encore seulement UN = 1...!!! parmi nos soi-disant responsables libanais qui sache la signification du mot I N D E P E N D A N C E ? ou s'en souviendront-ils quand ce sera trop tard, et iront-ils pleurer chez Macron...ou chez Trump...ou aux Nations Unies ? Y-a-t-il encore un Libanais patriote prêt à "résister" à l'occupation rampante irano-syrienne via le Hezbollah, et à se battre pour sauver sa patrie le Liban ? Irène Saïd
Irene Said
15 h 09, le 29 octobre 2018