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Moyen Orient et Monde - Commentaire

Duel au sommet du Sunnistan

Recep Tayyip Erdogan a toutes les raisons du monde de détester Mohammad ben Salmane. Le jeune prince est aussi colérique et mégalomane que lui. Mais là où le sultan, d’origine modeste, a mis des années à construire son personnage, l’impétueux prince s’est vu servir son incroyable destin sur un plateau, profitant de sa position de fils préféré du roi pour bousculer des décennies de tradition dans la maison Saoud. Autre motif d’agacement pour le président turc : le dauphin est le chouchou de Washington – du moins il l’était jusqu’à l’affaire Khashoggi –, qui a fermé les yeux sur ses aventures militaires au Yémen ou sur sa politique de répression au sein du royaume. Le reïs aurait certainement aimé bénéficier d’une pareille complaisance dans son combat contre les Kurdes de la galaxie du PKK ou dans sa chasse aux sorcières contre les sympathisants de Fethullah Güllen, accusé d’avoir fomenté le coup d’État manqué contre sa personne.

Tout cela aurait toutefois pu être balayé d’un revers de main si MBS n’était pas perçu comme une menace par le sultan. C’est bien le cœur de ce bras de fer qui ne dit pas son nom : celui qui pourrait être amené à régner 50 ans sur le royaume gardien des lieux saints veut concurrencer le reïs dans sa volonté de prendre le leadership du monde sunnite. Et à la différence de ses aïeux, le prince trop pressé ne fait même pas semblant d’y mettre les formes pour éviter que cette rivalité ne divise davantage un Sunnistan, qui ne dira jamais non aux pétrodollars saoudiens.

L’affaire Khashoggi est un cadeau du ciel pour le président turc. Le chef du pays qui a le plus grand nombre de journalistes emprisonnés au monde se fait passer ici pour un parangon de la liberté de la presse et du respect de la pluralité. Mais il en profite surtout pour faire monter les enchères, en menaçant de dévoiler toute la vérité sans pour autant mettre sa menace à exécution, afin de laisser la porte ouverte à des négociations. Son discours de mardi dernier, dans lequel il a accusé les Saoudiens d’avoir prémédité le meurtre de Jamal Khashoggi, était limpide : Recep Tayyip Erdogan veut la tête de MBS, mais il n’est pas prêt pour cela à se fâcher avec tout le royaume. L’Arabie a beaucoup à offrir à la Turquie pour qu’elle calme le jeu : une position moins ferme à l’égard du Qatar, un soutien dans sa politique contre les Kurdes en Syrie, une reconnaissance de son statut de grand défenseur de la cause palestinienne, et bien sûr, des dollars. Mais Recep Tayyip Erdogan, qui a choisi de distiller les informations à travers la presse, semble bien décidé à affaiblir, à défaut de pouvoir l’écarter, l’homme qui menace toute sa politique régionale : MBS a déclaré la guerre à l’Iran et aux Frères musulmans, et on le dit prêt à tendre la main à Israël. Le reïs ne veut pas être enfermé dans cette géopolitique communautaire, promeut un modèle islamiste proche de celui des Ikhwan et utilise la cause palestinienne comme un moyen d’accroître son influence auprès du monde arabe.

C’est un non-musulman, un homme qui est à des millénaires d’en saisir les enjeux symboliques, qui devrait décider de l’issue de ce duel. Donald Trump est sans doute le seul homme sur Terre, à part le roi Salmane, à pouvoir faire tomber MBS de son piédestal. Le président américain avait jusqu’ici beaucoup misé sur le dauphin, qui devait lui offrir la soumission palestinienne et le rapprochement avec Israël au nom de leur lutte commune contre l’Iran. Mais MBS a pour l’instant échoué. Au point d’être perçu par certains à Washington comme un dirigeant à la fois incontrôlable et inefficace. Le dauphin doit vite corriger le tir s’il veut garder les bonnes grâces de son puissant parrain. Ou regarder davantage vers l’est pour être moins dépendant du locataire de la Maison-Blanche. S’inspirer, en somme, de ce que fait depuis des années déjà Recep Tayyip Erdogan.



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Recep Tayyip Erdogan a toutes les raisons du monde de détester Mohammad ben Salmane. Le jeune prince est aussi colérique et mégalomane que lui. Mais là où le sultan, d’origine modeste, a mis des années à construire son personnage, l’impétueux prince s’est vu servir son incroyable destin sur un plateau, profitant de sa position de fils préféré du roi pour bousculer des décennies...

commentaires (2)

ILS VONT FINIR EN BONS AMANTS... L,ARABIE AYANT LE FRIC ET LA TURQUIE LA CONVOITISE ! QUELLE PLUS BELLE ET PLUS SOLIDE HYMENEE ?

MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

13 h 52, le 29 octobre 2018

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Commentaires (2)

  • ILS VONT FINIR EN BONS AMANTS... L,ARABIE AYANT LE FRIC ET LA TURQUIE LA CONVOITISE ! QUELLE PLUS BELLE ET PLUS SOLIDE HYMENEE ?

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    13 h 52, le 29 octobre 2018

  • ce serait quand meme etonnant que les sunnites arabes, quels qu'ils soient penchent un jour pour le neo sultan recept 1er . voyons, apres toutes les horreurs du regne des ottomans ? apres un laps de temps tres court apres tout ? hmm !

    Gaby SIOUFI

    11 h 57, le 29 octobre 2018

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